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« L’effet richesse des biens immobiliers : un pas vers la croissance ? », Fabrice Larceneux, Chercheur au CNRS

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La perception de la valeur d’un bien par son propriétaire aurait une influence sur son niveau de consommation.

photo : Solide Baufinanzierung

Comment les achats immobiliers peuvent-ils doper la croissance ? Si « quand le bâtiment va, tout va » (comme disait le maçon Martin Nadaud en 1850) est vrai, alors le simple fait de posséder un actif immobilier devrait influencer la consommation des ménages.

En 2015, selon l’Insee, 62,7 % des ménages français possédaient un patrimoine immobilier et 58,9 % leur résidence principale. D’après la banque de France, cette résidence principale représente environ la moitié des actifs des ménages (61 % en Italie, 41 % en Allemagne).

Et ce patrimoine crée un « effet richesse  » : les ménages ont tendance à augmenter leur niveau de consommation à mesure qu’ils perçoivent une amélioration de la valeur de leur bien immobilier. Et inversement.

Un effet richesse … surtout pour les plus riches

Les chercheurs ont montré que cet effet richesse induit par l’immobilier était très variable.

Aux États-Unis, l’influence des prix de l’immobilier sur la croissance de la consommation était de 3,5 % (+ 3,5 euros de consommation supplémentaire par tranche de 100 euros de progression de la valeur de l’immobilier) entre 2003 et 2006, pendant les années « boom immobilier ». Mais elle a été diminuée de moitié ensuite, pour tomber à 1,7 % en 2015.

Plus encore, cet effet richesse se traduirait davantage pour les plus riches que pour les propriétaires plus modestes (qui seraient eux davantage influencés par leurs actifs financiers non  immobiliers). C’est moins la valorisation de la résidence principale qui influencerait la consommation que celle des autres biens immobiliers, car ils sont plus liquides, plus facilement vendables (Arrondel et al. 2015).

L’illusion monétaire

La question est alors de comprendre comment les propriétaires évaluent leurs biens et si ces évaluations sont correctes.

L’idée que les propriétaires feraient de mauvaises estimations vient d’être démontrée par Benitez-Silva et ses collègues dans un des derniers numéros du Journal of Housing Economics. Les propriétaires auraient tendance à surestimer les prix de leur bien d’environ 8 % (intervalle de confiance à 95 % de 3,4 à 12,7 %), qu’ils soient en situation de vente ou non.

Les erreurs d’estimations seraient dues aux espérances de gains en capital qu’ils souhaitent implicitement réaliser par rapport au prix d’achat, mais sans tenir compte des évolutions liées aux cours de la monnaie : la valeur de référence d’un achat à 100 000 euros aura tendance à être 100 000 euros dans les années ultérieures, quelle que soit l’évolution du cours de la monnaie. Les recherches en psychologie confirment l’existence d’un biais de cadrage et d’illusion monétaire.

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« Les études économétriques mesurent un décalage entre la valeur de marché et la valeur perçue par les propriétaires. »

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Les variations du marché

Mais les recherches ont aussi démontré que les estimations étaient liées aux variations des marchés. Ainsi, les  propriétaires qui ont acheté lors d’un marché baissier ont tendance à sous-estimer la valeur de leur bien s’ils le vendent ensuite lors d’un marché haussier. L’inverse est aussi vrai : les propriétaires qui ont acheté lors d’un marché haussier ont tendance à surestimer le prix de leur logement lors d’un marché non haussier. Aujourd’hui, de nouveaux outils existent sur Internet afin d’améliorer l’estimation de la valeur des biens. Ces évaluations en ligne pourraient alors servir de nouveau cadrage, facilement accessible pour les propriétaires. Et ces nouvelles estimations pourraient avoir finalement un effet sur le niveau de consommation future, donc sur la croissance du pays.

*Source : "Wealth effects on consumption accross the wealth distribution : empirical evidence », Luc Arrondel et al. 2015. European Central Bank, n° 1817. « How well do individuals predict the selling prices of their homes ? », Hugo Benítez-Silva, et al. 2015. Journal of Housing Economics, 29, 12-25.

Fabrice Larceneux

Chercheur CNRS au centre de recherche DRM (Dauphine Recherche en Management), ancien élève de l’Ecole Normale Supérieure, agrégé d’Economie et Gestion, il est titulaire d’un doctorat en Sciences de Gestion de l’Université Paris Dauphine. Auteur de différentes publications scientifiques et de l’ouvrage Marketing de l’immobilier (Dunod), il assure des cours de marketing de l’immobilier à l’Université Paris-Dauphine.

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