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« Loi ALUR : Premiers bilans en attendant les décrets », François Moerlen, Fondateur de Locagestion

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photo : François Moerlen, fondateur de Locagestion

Sortie du champs des politiques, la loi de Cécile Duflot appartient désormais au paysage de la réglementation qui encadre l’accès au logement. Ce qui surprend en premier lieu, c’est la réactivité des professionnels de l’immobilier qui, bien qu’opposés au texte, se sont largement mobilisés pour se former, telle qu’en témoigne la forte fréquentation du tour de France organisé actuellement par la FNAIM.

Mais ne nous le cachons pas, cette étape marque aussi un tournant dans l’histoire des agents immobiliers, car nombre d’entre eux profitent de l’instant pour quitter le navire : après plusieurs années difficiles, de marges et de rémunérations en baisse, la contrainte et la complexification sont l’occasion de passer la main. Il est d’ailleurs frappant de constater que le regain de mise en vente d’agences ne touche pas uniquement les professionnels en fin de carrière, mais concerne aussi la catégorie des quadras qui ne se projettent plus dans un métier qu’ils jugent ingrat, déconsidéré, et finalement peu rentable. De telle sorte que, l’un des effets les plus immédiats de la loi est la concentration probable de l’activité entre les mains d’agences moins nombreuses, mais plus structurées.

En second, et contre toute attente, c’est l’activité transaction qui est la première impactée par le texte. Dès le jour de mise en application de la loi, nous avons assisté au blocage des signatures de sous seing privés touchant des biens en copropriété : les mesures visant à informer en amont l’acquéreur (annexion du règlement de copropriété, de la situation comptable du copropriétaire, des procédures, etc…) sont autant d’informations bloquantes pour purger valablement le délai de rétractation.De telle sorte que les transactionnaires se retrouvent pris en tenaille, entre le syndic de copropriété, seul détenteur de certaines informations, et le notaire, seul habilité à juger de la régularité de la vente.

La tendance qui se dessine tend malheureusement à attribuer au notaire le rôle central dans la bonne tenue du contrat de vente, et ce au détriment de l’agent immobilier, relégué au rang d’intermédiaire.

L’activité de syndic se trouve renforcée : certes, les décrets viendront encadrer les honoraires, mais dans l’attente, la nécessité de fournir de nouvelles informations pour les ventes et de voir ses missions étendues et complexifiées lui permettent de justifier des facturations nouvelles et des honoraires en hausse. Il est d’ailleurs surprenant de voir certaines associations, celles-là mêmes qui appelaient de leurs vœux ces nouvelles contraintes, dénoncer aujourd’hui la facturation des services qui en découlent.

Mais dans cette matière, il faut rester prudents : les décrets fixant la limite des honoraires des syndics risquent de peser fortement sur cette activité. Si la liberté tarifaire reste un principe de droit, la liste des honoraires de gestion courante fixera les limites du périmètre de facturation.

Enfin, et c’est peut-être la plus grande surprise, c’est dans les rapports locatifs que les effets de la loi sont les plus ténus, pour ne pas dire inexistants. Les informations complémentaires inscrites sur le bail, notamment en ce qui concerne le précédent loyer, ne font que porter à la connaissance du preneur, la tendance déflationniste du marché actuel. La plupart des nouvelles mesures touchant les règles de congé, de préavis, de restitution du dépôt de garantie ne s’appliqueront que dans le cadre du renouvellement du bail en cours, sans pour autant changer la donne.

De même les contraintes de délai concernant l’augmentation et la régularisation des charges ne changeront pas les pratiques habituelles des professionnels qui disposent, la plus part du temps, des outils et de la compétence nécessaire.

Seuls l’encadrement des loyers dans les zones tendues, et la mise en place d’une GUL qui au final, constitue un dispositif avantageux, laissent planer un doute sur le futur des administrateurs de biens.

Mais Sylvia Pinel à peine nommée n’en a pas fait mystère : faute de donnée statistique, et face aux réalités matérielles, la capacité des pouvoirs publics à fixer des loyers médians reste hypothétique, d’autant plus que le Conseil d’État en a limité le principe.  Il semble également que la prise de conscience politique de l’année 2014, selon laquelle la croissance ne se ferait pas sans le retour de la confiance, n’ait pas épargné le ministère du logement.

En d’autres termes, si la profession a beaucoup à redouter du contenu des futurs décrets, elle sait aussi qu’elle a bien plus à attendre du redressement éventuel de la conjoncture économique. De quoi s’interroger sur l’intérêt d’appliquer effectivement, de règles contraignantes, voir irréalistes, que même le consommateur n’appelle pas de ses vœux.© LeFildeLimmo/BazikPress

 

 

 

 

 

 

François Moerlen

François Moerlen est Président Délégué de la FNAIM (Fédération Nationale de l’Immobilier), en charge du développement numérique. Diplômé de l'Institut des Etudes Juridiques de l'Urbanisme et de la Construction, il est agent immobilier, administrateur de biens et syndic de copropriété à Toulouse. Fondateur de Locagestion, il a développé une solution collaborative de dématérialisation de la location, au service des agents immobiliers. Spécialiste de l’économie numérique appliquée au logement, il intervient sur le sujet de la transformation digitale des professionnels de l’immobilier (RENT, Congrès de l’Immobilier, Journal de l'Agence).

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