Les Entretiens d’Inxauseta se tiendront le 30 août à Bunus !

Faut-il relancer la construction ? Ce sera le thème principal des entretiens d'Inxauseta 2019. Rencontre avec Michel Mouillart, Professeur d’Economie à Paris Ouest, FRICS co organisateur l'évènement qui réunit traditionnellement professionnels de l’immobilier et du logement à la fin de l’été.
JDA : Pourquoi commencer par donner la parole à des maires bâtisseurs ?  Pour emboîter le pas à ceux qui s’inquiètent aujourd’hui du blocage des permis de construire par les maires, à l’approche des municipales ?

Michel Mouillart : Depuis 1977, la formule rendue célèbre par l’ancien maire de Créteil (« J’étais un maire bâtisseur, me voilà un maire battu ») est régulièrement invoquée afin d’expliquer le retour d’une mauvaise conjoncture dans le secteur de la construction.

Par exemple, au printemps 2014, la malédiction du maire bâtisseur avait fait son grand retour. La chute de la construction suivait son cours, conduisant le niveau des mises en chantier bien en dessous du point bas qui avait été le sien lors de la crise économique et financière internationale des années 2008-2009. Et l’inquiétude était légitime, les mois qui suivirent confirmant que le recul allait être plus sévère, encore. Alors pour beaucoup, autant parmi les « experts » que les pouvoirs publics, le coupable était tout désigné. D’autant que durant l’été qui suivit, les nouvelles équipes municipales qui évidemment « revisitaient » les projets de construction des battus avaient gelé de nombreux programmes.

Pourtant, si le maire est bien celui dont le projet va façonner la ville ou le village de demain, il ne peut pas forcément être tenu pour responsable des réorientations, parfois/toujours brutales, de la politique du logement. Dès l’automne 2011, la décision avait été prise de recentrer le PTZ sur les « zones tendues » : la chute de la construction de maisons individuelles qui en résulta s’est accompagnée de la perte de plus de 40 000 mises en chantier (voire de 60 000 commencés, si on ajoute l’individuel groupé) entre le début de 2012 et le printemps 2014 ! Il semble difficile de croire que la responsabilité des élus locaux inquiets de leur réélection soit à l’origine de cela. D’autant que durant cette période, la remise en cause du dispositif Scellier est venue renforcer la récession qui s’était amorcée … pendant que la baisse des agréments de financement de logements locatifs sociaux malmenés par les décisions budgétaires d’une administration des Finances toujours en quête d’économies qui avait débuté durant l’hiver 2012 s’amplifiait, mettant un terme à dix années d’un effort ininterrompu.

Mais le temps des maires bâtisseurs n’était pas révolu ! Avec la réorientation de la stratégie des pouvoirs publics décidée dès l’été 2014, avec la mise en place du dispositif Pinel et le reprofilage du PTZ, avec le regain d’appétence des bailleurs sociaux pour la consommation des agréments, le « malthusianisme des collectivités locales » avait cédé la place à la relance de la construction, partout sur le territoire, même dans les communes rurales. Les calculs savants de ceux qui estimaient que les élus locaux ne faisaient que se plier à la volonté de « leurs administrés qui craignent une baisse de la valeur de leur patrimoine » ont été déjoués. Les maires qui « spéculaient » sur les valeurs foncières (« si je ne construis plus, je maintiens la rareté des biens » leur prêtait-on comme intention dans certains articles) avaient perdu. La « résistance des insiders » avait été vaincue et le retour des « outsiders » sonnait la fin de la récréation. D’ailleurs dès la fin de l’hiver 2015 le nombre de permis de construire avait commencé à se redresser … et celui des ouvertures de chantier avait suivi dès l’été suivant.

JDA : Vous considérez que les résultats de la construction décevants depuis le début de l’année sont plutôt imputables aux voies actuellement suivies par les pouvoirs publics ?

Michel Mouillart : Il n’est en effet pas surprenant que dans le contexte d’une nouvelle dégradation de la conjoncture du secteur de la construction, la malédiction du maire bâtisseur soit de nouveau dépoussiérée. Dès la fin du printemps 2018, les signes d’affaiblissement de cette conjoncture se sont renforcés : chute des ventes des constructeurs de maisons individuelles, puis baisse des réservations (et des mises en vente) des promoteurs, diminution des agréments de financement de logements locatifs sociaux. Bien sûr, on pourra toujours tenir pour responsables des maires dont les finances locales ont été déstabilisées par la remise en cause des dotations de l’Etat, puis par la suppression progressive de la taxe d’habitation. Ou considérer que la dégradation du PTZ et du dispositif Pinel dans les zones C et B2 et la suppression des aides personnelles à l’accession allaient être sans conséquences et qu’une action résolue des élus locaux aurait permis d’éviter le pire. Ou que la déstabilisation des capacités d’investissement des organismes d’HLM n’était qu’accessoire …

Toujours est-il, qu’une fois encore, la malédiction n’est peut-être pas à rechercher du côté des maires bâtisseurs, mais plus probablement dans l’aveuglement du pilotage budgétaire de la politique du logement.

Car dans les faits, les maires bâtisseurs sont nombreux, très nombreux surtout si on se rappelle que construire, c’est aussi « reconstruire la ville sur la ville ». Tous ces maires arrivent presque toujours à se faire réélire en construisant, en mettant l’accent sur la rénovation urbaine ou en restructurant les centres villes, en facilitant l’installation de nouveaux ménages et de nouvelles activités nécessaires pour accroître le dynamisme et l’attractivité de leur commune … aussi bien dans les grandes agglomérations que dans de petites communes rurales. Le maire bâtisseur, c’est en effet celui qui promeut une stratégie de développement harmonieuse pour son territoire et/ou qui assume la mise en œuvre des projets de son SCOT ou de son PLH, et même plus encore. Et qui s’efforce toujours de rendre sa ville ou son village plus beau, plus accueillant et plus dynamique. Et si on se limite aux grandes villes, les exemples n’ont pas manqué par le passé : à Bordeaux, à Lyon, à Montpellier ou à Strasbourg, par exemple. Et l’adage « maire bâtisseur, maire battu » a été contredit.

JDA : Si l’on fait fi de ce que vous appelez cette « vieille malédiction », est-il toujours facile pour un maire de réaliser ses projets de construction ou de reconstruction de la ville sur la ville, surtout s’ils sont ambitieux ?

Michel Mouillart : Le maire bâtisseur ou aménageur doit en permanence rechercher l’assentiment de ses concitoyens ou risquer un rejet du/des projet(s) de développement de sa commune et du territoire auquel elle appartient. Et en la matière, les exemples récents ne manquent guère, le rejet pouvant aller bien au-delà de la seule remise en cause de l’élu local. C’est d’ailleurs bien pour réduire au maximum ce risque de rejet que, par exemple, la mise en œuvre du PNRU avait choisi, dès 2003, de promouvoir une méthode s’appuyant sur « la présence d’une autorité de régulation, coordonnant et concevant des interventions multiples et complexes » et sur « la promotion d’une concertation poussée entre des enjeux et des acteurs aux intérêts souvent contradictoires » (des locataires qui doivent changer de logement, des organismes qui risquent un déséquilibre financier, des collectivités locales qui découvrent une problématique nouvelle, …). Mais avec le développement des projets de territoires complexes, avec l’extension des compétences des EPCI auxquelles les communes se sont rattachées, la question du choix, de la définition et du pilotage des projets doit être posée : qu’elle concerne la relation que les concitoyens peuvent entretenir à ce sujet avec leurs élus, ou celle que les communes d’un même EPCI ont entre elles.

La question de la gouvernance des territoires et de la mise en œuvre de leurs projets de développement se pose donc aussi à l’approche des élections municipales de 2020. Comment concilier les ambitions légitimes que les maires nourrissent pour leurs villes et les stratégies de développement des territoires qu’élaborent les EPCI ? Comment les maires des communes qui constituent les EPCI et leurs concitoyens se reconnaissent-ils dans les projets ? Quels sont les risques de divorce entre les élus locaux et les citoyens ? …

JDA : Vous avez donc prévu deux tables rondes pour examiner ces différentes questions. Des maires de la région parisienne et de la Province ont volontiers accepté de participer aux Entretiens d’Inxauseta. Puis les Présidents des grandes fédérations professionnelles exposeront leur vision de ce que devrait être cette relance.

Michel Mouillart : En effet, comme les mauvaises idées ont souvent la peau dure, il a semblé nécessaire de revenir sur la vieille malédiction. Et quoi de mieux pour cela que de commencer par donner la parole à (quelques-uns de) ceux qui construisent, qui reconstruisent la ville sur la ville, qui ont pour ambition et n’ont de cesse que d’améliorer la vie et le confort de leurs administrés … souvent depuis de nombreuses années et qui, pourtant, font fi de l’adage. L’exposé de leur ambition et de leurs projets, enracinés dans un temps qui excède presque toujours celui de leur mandature, permettra de brosser le décor.

Puis viendra le temps de l’analyse et de la conclusion, certainement nécessaires pour savoir si aujourd’hui et demain, les maires constructeurs seront toujours présents et nombreux pour participer à la lutte contre l’insuffisance de l’offre de logements, à la bataille pour la satisfaction des besoins en logement. Mais même si le constat qui sera dressé devrait, sans surprise, être optimiste, il ne fait aucun doute que dans le contexte d’un ralentissement de plus en plus soutenu de l’effort de construction, de la raréfaction des soutiens publics, de la réorientation budgétaire des aides restantes, une question se pose inévitablement : « Quelle relance pour la construction » ? Comment les acteurs en charge de la mise en œuvre de l’effort de construction pourront-ils sinon répondre à une demande toujours aussi nombreuse de ménages qui ont, sur une large partie du territoire, perdu le soutien des aides ? Et que sera l’après-demain des territoires et des communes en quête d’avenir pour leurs concitoyens si la nature et l’intensité des réponses publiques s’avéraient insuffisantes pour inverser les tendances récessives de la construction ?

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