« TVA sur marge pour les lotisseurs et revente d’un ensemble immobilier », Eve d’Onorio di Méo, Avocat spécialiste en Droit Fiscal.

Quel régime de TVA est applicable au professionnel de l'immobilier (marchand de biens ou lotisseur) qui, après avoir acquis un bien auprès d’un particulier, divise et revend en différents lots ce bien ? La synthèse d'Eve d’Onorio di Méo, avocat spécialiste en droit fiscal .

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Pour l’administration, la TVA sur la marge ne peut être appliquée que dans la mesure où le bien revendu et le bien acquis sont identiques. Cette position implique une identité tant de structure du bien que de surface.

Quatre réponses ministérielles des 30 août et 20 septembre 2016 ont confirmé cette position (Rép. Bussereau : AN 20-9-2016 n° 96679 ; Rép. Savary : AN 20-9-2016 n° 94538 ; Rép. de La Raudière : AN 30-8-2016 n° 94061 ; Rép. Carré : AN 30-8-2016 n° 91143).

Toutefois, le Tribunal Administratif de Grenoble par décision en date du 14 novembre 2016 (TA Grenoble 14-11-2016, n°14003397) semble revenir sur la position de l’Administration et adopte une position favorable aux marchands de biens et lotisseurs.

1.      Position de la loi

Réalisées par un assujetti agissant en tant que tel, les ventes de terrains à bâtir sont passibles de plein droit à la TVA alors que les livraison d’immeubles bâtis achevés depuis plus de cinq ans y sont imposables sur option.

Sur ces opérations, la TVA doit être liquidée sur le prix total de vente, mais peut, par dérogation, être calculée sur la marge du vendeur si l’acquisition du bien par ce dernier n’a pas ouvert droit à déduction (Articles 266 et 268 du Code Général Impôt).

2.      Position de l’Administration fiscale

Commentant la loi, l’Administration réserve l’application du régime de TVA sur la marge aux seules livraisons d’immeubles acquis et revendus en gardant la même qualification (BOI-TVA-IMM-10-20-10 n° 20).

Cette condition d’identité de qualification exclue donc du régime de taxation sur la marge les opérations de construction-vente et les ventes de terrains à bâtir après démolition des constructions qui y étaient édifiées (sauf si elles sont impropres à un quelconque usage).

Cette doctrine a été appliquée dans divers contentieux relatifs à des opérations de ventes de terrains à bâtir issus d’une division de propriété. L’Administration a considéré qu’à défaut d’identité entre la propriété acquise et celle revendue (acquisition d’une propriété avec terrain et revente distincte de la propriété et de lots à bâtir), la TVA devait être calculée sur le prix de vente total et non pas sur la marge.

L’administration retient l’identité des biens si chaque élément revendu a été désigné et identifié clairement dans l’acte d’achat.

En cas de cession conjointe du terrain à bâtir et de l’immeuble bâti, l’acte notarié doit comporter clairement la qualification respective de chacun des éléments, afin de lui appliquer le régime fiscal adapté, ce qui implique généralement une division parcellaire antérieure à la transmission du bien permettant de distinguer terrain et construction.

Cette position restrictive de l’Administration sur l’application de la TVA sur la marge a suscité de nombreux débats, elle a naturellement fait l’objet de plusieurs questions ministérielles.

3.      Précisions des réponses ministérielles des 30 août et 20 septembre 2016

 Par quatre réponses ministérielles publiées le 30 août et le 20 septembre 2016, le gouvernement a réaffirmé que la mise en œuvre du régime dérogatoire de la TVA sur la marge suppose nécessairement que le bien revendu soit identique au bien acquis quant à ses caractéristiques physiques et sa qualification juridique.

En pratique, les professionnels de l’immobilier se trouvent privés d’un régime qui leur était historiquement destiné. A ce jour on distingue donc deux situations :

  • En cas de division parcellaire entre l’acquisition initiale et la cession entrainant changement de qualification ou changement physique, la TVA est appliquée au prix de vente global ;
  • En cas de division parcellaire antérieure à l’acquisition initiale ou d’établissement d’un document d’arpentage, la TVA est appliquée que la marge si aucun changement physique ou de qualification juridique des parcelles n’est intervenu avant la revente.

Ce durcissement de la doctrine semble rendre plus difficile l’application du régime de la TVA sur marge. De plus, la question se pose quant à la définition de l’expression « changement physique», notamment en présence de travaux de démolition, reconstruction, extension qui seraient effectués sur un bien avant sa revente.

Le ministre de l’économie et des finances vient d’être à nouveau appelé à examiner cette position restrictive par une question ministérielle du 10 janvier 2017 (Question RICHARD : AN 10-01-2017 n°101886).

4.      Position du Tribunal Administratif de Grenoble le 14 novembre 2016

Contrairement à la position de l’Administration fiscale et celle des réponses ministérielles, le Tribunal Administratif de Grenoble le 14 novembre 2016, a admis l’application de la TVA sur la marge à une opération de marchand de biens portant sur la vente de parcelles de terrain à bâtir extraits d’ensembles bâtis avec terrains acquis sans droit à déduction. L’existence d’une division parcellaire au stade de l’acquisition n’a pas été exigée dans cette affaire.

Le Tribunal a donné gain de cause au contribuable relevant, au visa de l’article 268 du CGI, « que l’application de la TVA sur la marge […] est conditionnée au seul que l’acquisition par le cédant n’a pas ouvert droit à déduction de la TVA ; que contrairement à ce que soutient l’administration il ne ressort pas de ces dispositions que les terrains revendus comme terrains à bâtir doivent nécessairement avoir été acquis comme terrain n’ayant pas le caractère d’immeuble bâti ».

Par une interprétation littérale des textes, le juge de l’impôt a estimé que la portée de l’article 268 du CGI ne se limitait pas aux biens conservant la même qualification. Il n’énonce aucune condition relative à une division préalable. La modification de la qualification du bien revendu ne semble donc pas empêcher l’application de la TVA sur la marge.

L’Administration fiscale n’a pas interjeté appel de ce jugement, ce qui laisse supposer que l’Administration entend se soumettre à la position du juge.

Très attendue par les professionnels, cette décision devrait amener l’Administration fiscale à modifier sa doctrine prévoyant des conditions supplémentaires pour l’application de la TVA sur la marge, et apporte une première réponse au contentieux initié sur le fondement de cette doctrine.

Les professionnels de l’immobilier devront dans un premier temps rester prudents et prendre les dispositions ci-après, afin de se prémunir contre l’interprétation restrictive de l’administration concernant la TVA sur marge.

5.      Sort des opérations déjà effectuées ou en cours et des opérations de lotissement à venir

Pour les opérations en cours ou déjà réalisées, et dans l’attente d’une nouvelle position de l’Administration suite à la décision du Tribunal Administratif, les opérateurs peuvent accepter le risque d’un contentieux fiscal et décider de ne pas suivre systématiquement la position de l’Administration.

En toute hypothèse, il faudra également prendre en compte l’impact de l’application du régime de TVA sur le prix total sur les droits de mutation (notamment en matière de taxe de publicité foncière à taux réduit pour les terrains à bâtir). Chaque cas est bien spécifique.

Une rectification a posteriori du plan cadastral nous semble une solution peu probable pour maintenir le régime de TVA sur la marge. Par ailleurs, il est impossible de modifier rétroactivement le régime de TVA ayant frappé l’acquisition du bien dans le but d’effacer l’impact de la TVA sur le prix total.

Pour les opérations à venir, dans l’attente d’une nouvelle position administrative, nous encourageons les lotisseurs à veiller à demander aux vendeurs de terrains nus à bâtir d’établir un document d’arpentage, ou un permis d’aménager avant la cession permettant de déterminer précisément les parcelles à créer et que le bien soit « identique au bien acquis quant à ses caractéristiques physiques et sa qualification juridique ».

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Eve d’Onorio di Méo est avocat spécialiste en droit fiscal à Marseille depuis plus de 10 ans. Elle assiste les entreprises et les particuliers en matière fiscale tant en conseil qu’en contentieux. Elle a une pratique régulière des problématiques fiscales immobilières pour lesquelles elle intervient régulièrement auprès de ses clients marchands de biens, lotisseurs ou constructeurs.

 

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Eve d'Onorio di Méo: Eve d’Onorio di Méo est avocat spécialiste en droit fiscal à Marseille depuis plus de 10 ans. Elle assiste les entreprises et les particuliers en matière fiscale tant en conseil qu’en contentieux. Elle a une pratique régulière des problématiques fiscales immobilières pour lesquelles elle intervient régulièrement auprès de ses clients marchands de biens, lotisseurs ou constructeurs. Membre de l’Institut des Avocats Conseils Fiscaux - IACF Notre cabinet est membre d’un réseau international d’avocats : www.i-legalteam.com et a mis en place une plateforme internet dédiée à la fiscalité des non-résidents (Remboursement CSG/Déclarations fiscales/Conseils fiscaux) : www.donorio.etaxfrance.com