« Une crise destructrice qui impose un sursaut » Loïc Cantin, président de la FNAIM

L’heure n’est pas à la fête pour les professionnels de l’immobilier. Pas de quoi entamer la persévérance de Loïc Cantin, qui garde le cap et multiplie les prises de position.
"Une crise destructrice qui impose un sursaut" Loïc Cantin, président de la FNAIM

La FNAIM est la première organisation patronale du secteur immobilier. Comment s’adapte-t-elle à un contexte aussi instable ?

Dans la tempête, la FNAIM a maintenu sa représentativité, lui permettant d’asseoir sa légitimité auprès de l’ensemble des instances.

Cette reconnaissance est la traduction de son engagement constant à défendre les métiers de l’immobilier.

Cependant, ne nous voilons pas la face : l’année 2025 a été destructrice. Environ 3 000 entreprises ont disparu, entraînant la perte de 15 000 emplois, d’après l’Urssaf. Tous les modèles ont souffert.

En moyenne, la FNAIM a perdu entre 10 et 12 % de ses effectifs. Cette situation est inédite dans notre histoire et illustre bien la brutalité de la crise actuelle. Celle-ci est destructrice mais également porteuse d’enseignements : elle nous force à redéployer nos organisations, à nous positionner différemment.


La FNAIM, première organisation patronale dans l’immobilier !

Près d’un salarié de l’immobilier sur deux travaille dans une entreprise adhérente à la FNAIM, soit 48 290 salariés.

C’est environ 5 000 salariés de plus qu’à l’occasion de la dernière mesure de la représentativité patronale en 2021.

Ces 48 290 salariés représentent 48,38 % du nombre total des salariés des organisations patronales reconnues représentatives.

Cela fait de la FNAIM la première organisation patronale de l’immobilier.


On l’a vu par le passé : les gouvernements successifs ont peu écouté les syndicats professionnels en matière d’immobilier. Être syndiqué, ça a encore un sens aujourd’hui ?

Les corps intermédiaires sont en effet de moins en moins écoutés. Et c’est justement pour cette raison qu’adhérer à un syndicat, quel qu’il soit, est important.

Tout professionnel devrait pouvoir adhérer au syndicat de son choix. Il est indispensable que nos professions soient le plus largement représentées pour pouvoir être entendues. Le combat est essentiel.

L‘enquête conduite par l’autorité de la concurrence en 2023 qui voulait remettre en cause l’entremise immobilière, a démontré que le regroupement des acteurs pouvait peser sur les décisions futures.

L’ensemble des forces syndicales et professionnelles ont, sans exception, fait entendre leur voix pour s’opposer à la refonte du modèle économique de la transaction.

Si les syndicats n’avaient pas été là pour défendre les intérêts de la profession, celle-ci aurait peut-être été largement modifiée. Sans organisation syndicale, on pourrait assister à une dérèglementation qui serait contre-productive ou à une remise en cause de nos acquis.

Cela fait plusieurs années que la FNAIM et l’UNIS parlent d’un rapprochement, sans pour autant le concrétiser. L’ambition de « parler d’une seule voix » est-elle intacte ?

Oui, elle l’est. Au quotidien, notre alliance avec l’UNIS se structure autour de projets communs comme la mise en œuvre de formations conjointes et l’organisation de groupes de travail sur des sujets liés à la digitalisation ou à la réglementation.

Autrement dit : le rapprochement existe déjà. C’est la fusion des deux syndicats qui n’est toutefois pas à l’ordre du jour. Même si nous pouvons travailler main dans la main avec l’UNIS, nous n’avons pas encore réussi à trouver un trait d’union entre nos deux organisations.

Pour l’heure, nous ne partageons ni la même vision ni la même doctrine sur plusieurs sujets essentiels et de manière récente, par exemple sur le décret d’application relatif à la formation initiale des collaborateurs en immobilier. Pour rappel, la FNAIM a exercé un recours contre l’État et a obtenu gain de cause devant le Conseil d’État. Par ailleurs, elle défend depuis toujours une formation de 42 heures majoritairement présentielle, tandis que l’UNIS privilégie un format distanciel et proposait initialement 14 heures.

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À l’heure où nous écrivons ces lignes, la publication du décret d’application qui porte sur la formation obligatoire des nouveaux négociateurs et gestionnaires immobiliers est imminente. Est-il à la hauteur de vos attentes ?

Ce projet de décret nous donne satisfaction. C’est une étape essentielle pour la profession et pour la qualité du service rendu à nos clients. Il devrait prévoir 42 heures de formation, pour moitié en présentiel, pour les professionnels ayant moins de 18 mois d’expérience.

Ces 42 heures constituent un socle minimum pour pouvoir être habilité.

Ces prochains mois, nous resterons toutefois attentifs au contrôle des connaissances. Se contenter d’habiliter une personne à l’issue de ces 42 heures de formation sans vérifier ses connaissances n’est pas suffisant. L’immobilier a besoin de s’élever en matière d’efficience. Il n’y a pas de place pour l’amateurisme.

Ce qui nous permettra d’être mieux identifié sur nos marchés de plus en plus exigeants, c’est notre professionnalisme.

Considérez-vous la formation comme un pilier de la réussite professionnelle ?

Oui, d’autant plus aujourd’hui, car la réglementation évolue rapidement. Il y a des fondamentaux à maîtriser pour prétendre exercer notre métier.

Appliquer la Loi « Climat & Résilience » suppose, par exemple, d’en connaître les principaux contours.

L’année 2026 amènera, elle aussi, son lot de nouveautés que les professionnels de l’immobilier devront rapidement maîtriser. Le projet de loi de finances 2026 devrait par exemple aboutir sur de nouvelles dispositions fiscales. Et ce n’est pas l’intelligence artificielle qui pourra ici les aider.

Ce que nos clients viennent chercher, c’est avant tout de la compétence et un véritable accompagnement, bien au-delà de la simple mise en relation ou de l’ouverture d’une porte. Nos clients ont besoin d’être rassurés sur l’environnement juridique, fiscal, et technique de leur projet.

Ces deux dernières années, la FNAIM s’est beaucoup projetée dans l’avenir en créant le fonds d’investissement « Propulse Invest » – qui entend soutenir les startups développant des solutions technologiques – et, plus récemment, la « Commission Jeunes ». En quoi consiste cette instance ?

L’innovation était au cœur de ma feuille de route, et je m’y suis engagé. L’actualité nous oblige à davantage anticiper et à agir vite.

Ce « club Jeunes », qui est à l’image du « Comex 40 » lancé par le Medef, est composé de professionnels de moins de 40 ans issus de tous les métiers de l’immobilier.

Il a pour objectif de formuler des propositions concrètes sur l’avenir de la profession, en lien avec les mutations en cours. Il vise aussi à faire émerger de jeunes syndicalistes au sein de la Fédération, à encourager les nouvelles générations à prendre la main sur l’avenir de leur profession.

Leur regard sur les nouvelles technologies, sur leur façon d’exercer leur métier et même de le défendre est constructif. Cette commission, qui est animée par les « référents jeunes » de chacune de nos 50 chambres syndicales, est donc une manière de former les syndicalistes de demain tout en assurant la relève. Notre 80ème anniversaire que nous célébrerons l’an prochain doit nous permettre d’afficher un regard prospectif sur l’avenir de notre profession.

La FNAIM estime que le statut fiscal du bailleur privé, qui a fait l’objet d’un amendement au projet de loi de finances 2026, lui-même adopté à l’Assemblée nationale en novembre, ne répond pas à la gravité de la crise du logement. Est-ce un rendez-vous manqué ?

Oui, car l’amendement se concentre surtout sur le neuf alors que le parc ancien représente le premier réservoir de logements immédiatement mobilisables.

Les mesures adoptées ne suffisent ni à relancer l’investissement locatif ni à enrayer la crise du logement.

En réalité, c’est l’ensemble de la chaîne du logement qui doit être soutenue, et pas uniquement les bailleurs.

En plus de fluidifier l’offre locative, il est nécessaire de favoriser l’accession à la propriété. Ce qui manque dans le projet de loi de finances de 2026, ce sont des aides en faveur des primo-accédants.

En France, le taux de propriétaires recule : il est aujourd’hui de 57 % selon l’INSEE. Si la paupérisation des jeunes ménages progresse, ce taux va continuer à diminuer. C’est dramatique pour la France – un pays de propriétaires – que la politique du logement n’en fasse pas sa priorité.

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Quelles mesures défendez-vous pour relancer le marché de l’accession à la propriété ?

Cela fait 40 ans que les dispositifs de soutien visent essentiellement les investisseurs locatifs, sans accompagnement identique des primo-accédants.

Résultat, au fil des années, nos politiques du logement se sont écartées de cette cible. Il y a aujourd’hui un problème d’équité, qu’il est urgent de rétablir.

L’arbitrage doit être revu pour trouver un meilleur équilibre entre les aides octroyées aux primo-accédants d’une part et aux investisseurs d’autre part. Par ailleurs, les dispositifs Pinel – ou portés par des ministres éponymes – ont permis de produire, dans le meilleur des cas, entre 40 000 et 60 000 logements locatifs neufs chaque année. C’est insuffisant au regard des besoins à satisfaire.

Pour reprendre une expression bien connue : « la maison brûle et on regarde ailleurs ! »
Alors même que 700 000 logements classés « F » par le DPE seront frappés d’indécence énergétique en janvier 2028, donc d’interdiction de louer d’ici 2 ans, et alors même qu’un propriétaire sur deux envisage de vendre plutôt que rénover.

Après avoir milité pour l’ajustement du coefficient de conversion de l’électricité dans le mode de calcul du DPE, vous dénoncez aujourd’hui la mise en application de la Loi Climat et Résilience…

Ce n’est pas parce que nous avons soutenu un ajustement technique indispensable du DPE que nous devons accepter sans réserve une mise en œuvre dogmatique de la Loi Climat et Résilience, dont les effets punitifs sur le parc locatif fragilisent davantage encore l’accès au logement.

Créer de la sanction plutôt que de l’incitation n’est pas une bonne approche en matière politique. En faisant peser des sanctions sur le parc locatif, on ne fait que diminuer l’offre de logements.

Aujourd’hui, un propriétaire d’une passoire énergétique sur deux essaye de vendre son bien plutôt que de faire des travaux pour le rénover.

C’est la raison pour laquelle la FNAIM demande la suspension de la notion d’indécence énergétique, au moins le temps que le marché de la location soit plus fluide. Par ailleurs, nous regrettons l’application de cette loi, qui ne fait l’objet d’aucun contrôle. Aujourd’hui, deux logements sur trois sont loués entre particuliers. Or, ces derniers s’exonèrent des dispositions réglementaires et législatives et mettent sur le marché des biens classés « G » par le DPE, qui sont pourtant déclarés impropres à la location. Et ce en toute impunité…

Avec la loi 3DS (différenciation, décentralisation, déconcentration) du 22 février 2022, le législateur a prolongé l’application de l’encadrement des loyers à titre expérimental de trois ans, soit jusqu’en 2026. Quel regard portez-vous sur cette mesure, dont la survie est incertaine ?

Prôner l’encadrement des loyers : quel mauvais signal envoyé lorsque le marché de l’investissement est en panne !

Les Français sont désormais découragés et empêchés d’investir, laminés par des conditions et une réglementation qui les dissuadent à chaque étape.

En réalité, 46 % des biens présents sur le marché locatif sont déjà encadrés car situés dans les grandes villes et les agglomérations moyennes, elles-mêmes considérées comme « zones tendues ». Dans ces territoires, les propriétaires sont déjà limités par le plafonnement de l’indice de référence des loyers (IRL), dont l’évolution est strictement limitée à sa seule variation.

La mesure d’encadrement des loyers est donc une couche supplémentaire à ce plafonnement.

Malheureusement, les élections municipales de 2026 devraient de nouveau être le théâtre de propositions qui visent à encadrer les loyers pour lutter contre le mal-logement.

En réalité, le débat devrait plutôt se porter sur l’urgence à construire de nouveaux logements et la mise en œuvre de moyens techniques pour accompagner ce secteur en grande difficulté aujourd’hui. C’est-là le véritable enjeu !


La mini-bio de Loïc Cantin

Loïc Cantin, président de la FNAIM depuis janvier 2023, est un professionnel reconnu de l’immobilier. Diplômé en économie et formé au CERCOL, il fonde sa société à Nantes en 1980, exerçant comme agent immobilier, administrateur de biens et syndic. Expert judiciaire près la Cour d’appel de Rennes depuis 2003, il s’engage à la FNAIM dès 1982, où il a occupé de nombreux mandats régionaux et nationaux. Défenseur d’un immobilier rigoureux et éthique, il prône la professionnalisation du secteur et l’innovation au service des adhérents. En mai 2025, il a été décoré chevalier de la Légion d’honneur en reconnaissance de plus de 45 ans d’engagement dans le secteur du logement.

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Aurélie Tachot: Aurélie Tachot est une journaliste spécialisée dans l'immobilier, qu'elle aime aborder sous le prisme des innovations, notamment technologiques. Après avoir été rédactrice en chef de plusieurs médias spécialisés, elle collabore avec Le Journal de l'Agence afin de rédiger des articles d'actualité sur les acteurs qui font l'immobilier d'aujourd'hui et qui feront celui de demain.