« Réseaux de mandataires : le discernement du législateur », Jean Lavaupot, président du SYREMI*

La situation n’est pas apaisée entre les organisations professionnelles et les réseaux de mandataires, lesquels sont représentés par leur syndicat, le SYREMI, que j’ai l’honneur de présider.

D’abord les échanges lorsque des occasions rapprochent les deux parties, comme lors du récent colloque à l’initiative d’Universimmo et de l’Institut du Management des Services Immobiliers (IMSI) : La confraternité serait pourtant nécessaire au moment où les pouvoirs publics sont en train de légiférer sur l’avenir des professions immobilières.

Lors de ce débat, qui portait sur la pertinence des mesures du projet de loi ALUR en matière de vente et de location, le débat est retombé à son niveau le plus bas : « Les agents mandataires ne sont pas des agents immobiliers ! »Las ! Personne ne conteste cette assertion, et surement pas les membres du SYREMI. Et de poursuivre : « Les agents mandataires des réseaux seraient des intermittents de la transaction, sans âme ni formation, quand les négociateurs salariés seraient des spécialistes hautement qualifiés et professionnels ».

Tout cela sans parler des disputes sémantiques d’une grande hauteur de vue sur les « vrais professionnels » qui exercent en agence et refusent l’épithète de « traditionnels » ou « vitrés ».

Premier rappel : Le négociateur, qu’il soit salarié ou bien agent commercial mandataire d’une agence en boutique ou d’un réseau, est un négociateur. Point. Il ne revendique aucunement la qualité « d’agent immobilier ». Il est l’acteur qui fait face au client (vendeur ou acquéreur d’un bien), lequel ne rêve que d’une chose : vendre ou acheter dans les meilleures conditions.

Je rappelle également aux pourfendeurs du « grand professionnalisme » que j’ai personnellement démarré dans cette profession en Février 1984 (presque 30 ans), au statut d’agent commercial mandataire. Statut considéré à cette époque comme honorable puisque plus risqué que celui de salarié.

Alors loin de toute polémique, j’en appelle aux responsables des organisations de saisir l’occasion à propos du projet de loi ALUR, pour traiter des vrais enjeux ; et les sujets ne manquent pas.

J’ai eu l’occasion de m’en ouvrir récemment au cabinet de la ministre Duflot à propos du projet de loi, en évoquant entre autre :

– Le calcul des droits d’enregistrement sur le prix net vendeur (même avec des honoraires en charge vendeur) ; ce qui aurait pour effet de cesser le « bricolage » de dernière minute (mandat de recherche par l’acquéreur).

– Le partage du fichier des mandats de manière systématique avec un arbitrage fort  et indépendant (obligation de partager sous peine de sanction). Je rappelle que les américains l’ont réussit il y a 40 ans …

– Le délai de validité du mandat exclusif porté à un an avec révocation à tout moment  par le client.

– La réhabilitation juridique de la preuve de visite (bon de visite par exemple) à condition de faire la dénonciation du client auprès du vendeur. L’immobilier d’entreprise parisien (encadré par la FNAIM) fonctionne parfaitement sur ce modèle avec des « co – exclusivités » voire des « tri – ex. » entre confrères.

– La création (appropriation) d’un site internet pour l’intégralité des professionnels et géré par eux à des conditions décentes pour stopper le pillage par des sociétés externes.

– La certification unique des négociateurs avec une identification centralisée par  internet accessible au grand public. Etc.

Voilà quelques chantiers qui susciteraient l’écoute attentive des pouvoirs publics eu égard à l’augmentation des recettes de TVA générées par l’intermédiation.

Au lieu de ça et au-delà des mots, les réseaux de mandataires font l’objet d’attaques par voie juridique. En effet, il se multiplie à l’endroit des agents commerciaux, de manière ciblée, des sommations interpellatives par voie d’huissier dans le seul but de les déstabiliser envers l’enseigne pour laquelle ils travaillent. Les initiateurs de ces actes étant issus des rangs de la profession « traditionnelle ».

Il n’est que temps pour toutes les composantes de la profession de comprendre que le péril n’est pas en son sein, mais à ses portes : le projet de loi de Madame Duflot, s’il comporte des mesures salutaires, telle la création d’un Conseil National de la Transaction et de la Gestion Immobilières, témoigne aussi que ceux qui exercent ces activités ne sont pas investis de la confiance.

Plusieurs dispositions de ce projet démontrent de la suspicion envers les agents immobiliers et les administrateurs de biens. Il convient d’en comprendre l’origine, et de ne pas se tromper de combat. Dans ce contexte, les réseaux de mandataires mènent la même croisade pour la valeur ajoutée et la reconnaissance du service. Ils souhaitent la réhabilitation de l’intermédiation.

Ils appellent de leurs voeux un autre regard des décideurs publics, et ils entendent le  mériter, par la compétence et par l’intégrité avérée.

Enfin, ils incarnent les mêmes valeurs d’exigence car ils opèrent selon un modèle  économique à peine différent, qui fait une plus large place à l’entreprenariat individuel.

Sans compter que le modèle économique du réseau de mandataires offre des  perspectives d’emplois à des milliers de personnes de tous âges et de tous cursus.

Il restaure l’entreprenariat individuel, il réhabilite le service de proximité par le travail  en « home office » et la confiance qui va avec.

Ce qui rend les négociateurs très attentifs au marché et aux attentes des consommateurs (leurs voisins).

Quelle suffisance et quel mépris pour nier l’allongement de la durée de la vie qui oblige les gens à des carrières multiples ou à ressort, particulièrement à l’heure des destructions d’emplois massives dans tout le pays ?

Avons-nous jamais dit pour autant que le monde se coupait en deux, et que la modernité était notre apanage quand les autres seraient archaïques ?

La plupart des dirigeants de réseaux de mandataires sont issus de la profession dans ce qu’elle a de plus orthodoxe, c’est mon cas je le répète.

Dans le paysage immobilier du 21ème siècle, les réseaux de mandataires y tiennent  leur rang. Leur ambition est d’occuper une position forte, mais non exclusive. Ils rejoignent l’objectif commun de contribuer à faire reculer les ventes dites de p.à p.

D’ailleurs, où mènent les combats qui visent à éliminer les opérateurs d’un autre type, notamment les entrants ?

Le législateur a reconnu leur faculté d’intermédiaire en transactions immobilières aux notaires, aux avocats, aux huissiers, aux géomètres – experts, aux architectes.

Les réseaux de mandataires y ajoutent l’innovation : L’internet n’étant que la porte  d’entrée de ce modèle économique.

Le déploiement par la formation et l’assistance permanente que nous sommes  contraint de dispenser pour amener les collaborateurs à s’élever, est au même niveau que partout où le mot formation signifie quelque chose.

Qu’on ne me fasse surtout pas la morale sur le taux de rotation des négociateurs  entrants – sortants dans les réseaux de mandataires.

Je connais les chiffres de la profession dans son ensemble et je les tairai par décence.

Quels sont les 2 principaux reproches qui sont fait aux agences en réseau de mandataires ?

1/ La distance séparant l’acteur local (le mandataire) de sa base, titulaire de la carte professionnelle et qui sous entendrait l’absence de contrôle par cette dernière.

2/ Le fait de payer pour travailler.

Les auteurs de ces ritournelles sont de pure mauvaise foi et sont aujourd’hui les mêmes qui subissaient à l’époque de leur entrée sur le marché, les attaques de ceux qui se revendiquaient du « vrai professionnalisme ». Les époques changent et les avant-gardistes d’hier s’arc-boutent aujourd’hui à leur passé, diabolisant le changement pour défendre le consommateur (qui ne lui a rien demandé).

Les risques pour les clients ne sont pas plus importants que dans une boutique. Le taux de sinistre est de 0% prouvé. Le taux de satisfaction client d’un mandataire est de 98% prouvé également (sondage BVA de décembre 2012).

Quant à « payer pour travailler », je dirais que cela doit satisfaire les 10 ou 12 000 négociateurs mandataires qui s’acquittent tous les mois de cette contribution.

Enfin, et c’est la bonne nouvelle, le législateur a compris notre utilité et notre rôle  social et nous reconnait maintenant comme des acteurs à part entière. Notre voix est entendue et écoutée par les ministères en charge du projet.

Je crains par contre que ma communauté professionnelle, à laquelle j’appartiens  depuis 30 ans, ne donne d’elle-même aux pouvoirs publics une image bien peu flatteuse, celle d’un corps qui préfère s’entredéchirer plutôt que de se moderniser.

* Le SYREMI est le SYndicat des REseaux de Mandataires en Immobilier

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