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La résurrection des taux révisables

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La baisse des taux d’intérêts renforce l’attrait des prêts à taux révisable. Mais un minimum de pédagogie s’impose pour expliquer ces produits complexes. Avec le retour à une normalité de la courbe des taux, les offres de prêts à taux variable commencent à refaire leur apparition, portées par des taux d’intérêts attractifs et une évolution récente de la loi sur leur distribution, suite aux déconvenues de certains emprunteurs en 2007-2008. Alors : instrument dangereux ou vraie bonne affaire?

Les prêts à taux révisable sont issus de la famille des prêts à taux variable

Le taux révisable implique une variation de l’échéance de remboursement en fonction de l’évolution de son indice de référence. Le taux révisable pondère cette variation en n’effectuant une modification de l’échéance qu’à une date anniversaire contractuelle (généralement annuelle) et en tenant compte de toutes les fluctuations sur la période concernée. Il gomme les à-coups.

Toutefois, si l’indice de référence grimpe, l’échéance augmentera d’autant plus qu’en cas de mouvement inverse l’impact de la baisse va d’abord être compensé par les hausses précédentes. C’est pourquoi ce type de contrat est souvent assorti d’un plafonnement des variations (à la baisse, on parle de « floor », à la hausse de « cap ») ou d’une clause d’échéance constante, la variation des taux étant dès lors imputée sur la durée de remboursement.

Les formules à taux révisable ont été source de sévères malentendus entre 2006 et 2008

Du côté des consommateurs d’abord. Séduits avant tout par un taux facial attractif et un allongement de la durée, ils n’ont pas tenu compte des mises en garde qui pouvaient être faites ici et là. Quant aux banquiers, ils portent aussi leur part de responsabilité. Leurs calculs d’endettement projetaient sur l’ensemble de la durée du prêt le taux d’appel initial. En optimisant ainsi l’enveloppe de prêt, il était évident qu’une hausse des taux provoquerait, en l’absence d’échéance constante, une envolée de la charge de remboursement. Autre malentendu, des clauses contractuelles pas toujours limpides.

Les contrats pointés du doigt présentaient souvent une période initiale « dopée » par un taux d’appel. Du coup, dès la fin de la période bonifiée, le taux était recalculé sur la base des conditions de marché. Avec le mouvement brutal de hausse, les corrections ont été sévères et les emprunteurs se sont vu prélever des échéances correspondant à 120, 140 voire 160 % de l’échéance initiale.

Enfin, les banquiers se sont montrés défaillants en matière d’information sur les contrats en cours. En effet, la hausse continue des taux et l’absence de perspective de baisse auraient pu déclencher une mesure exceptionnelle d’information aux emprunteurs afin de proposer un passage en taux fixe, ou du moins une alerte. Mais ils se seraient alors exposés à une vague importante de renégociations ou de rachats anticipés par des concurrents. Ils ont parié sur une accalmie et ont été à posteriori stigmatisés par les associations de consommateurs et les médias.

Les pouvoirs publics ont dû intervenir pour pallier les dérapages des établissements financiers.

Devant cette situation, le ministère des Finances a émis un certain nombre de recommandations. Désormais, la loi Chatel du 1er octobre 2008 oblige les établissements financiers qui distribuent ce type de prêts à plus de transparence (informer les clients des risques liés à la nature des taux, fournir une simulation sur la base d’un scénario vraisemblable et sur celle d’un scénario de forte hausse, proposer ou prévoir une alternative en taux fixe) et interdit l’existence de taux d’appel « trompeurs ».

Malgré un contexte porteur, la part des taux révisables dans les crédits immobiliers reste faible

Avant la crise de 2007, la part des prêts à taux variable dans les crédits immobiliers était montée à plus de 10 %. Après une quasi-disparition durant ces deux dernières années, elle remonte progressivement grâce au différentiel attractif par rapport aux prêts à taux fixe.

Ce manque d’intérêt repose sur plusieurs critères. Le consommateur français, dans sa généralité, n’est pas adepte d’une prise de risque sur son endettement. Et il reste d’autant plus prudent face à une information surmédiatisée sur la situation des emprunteurs dans les pays anglo-saxons ou en Espagne, régions où le taux variable est la règle. Face à lui, l’emprunteur a un banquier qui, étant lui-même consommateur, n’est pas un vendeur très convaincu par ce type de prêt. D’autant que traumatisés par les années 2007-2008, les établissements financiers rechignent à dynamiser leurs forces de vente sur ce type de prêts. Enfin, le législateur renforce cette attitude en encadrant l’endettement plus sévèrement que dans tous les autres pays libéraux.

Le taux révisable, une solution formidable pour emprunteurs avertis

Avant tout, l’emprunteur doit connaître le risque qu’il encourt réellement lorsqu’il souscrit un crédit à taux révisable. S’il est indispensable d’étudier sérieusement l’impact sur les mensualités d’une hausse des taux d’interêt, il ne faut pas oublier d’envisager aussi les effets positifs en cas de baisse des taux.

Prenons le cas d’emprunteurs qui ont contracté un prêt avec des taux révisables autour de 6 % il y a quelques mois et qui se retrouvent actuellement avec un taux tombé à 2,8 ou 3 %. Pour eux, l’incidence de la baisse va pouvoir générer des raccourcissements de durée de remboursement de deux à cinq ans, sur une durée initiale de vingt à vingt-cinq ans. Le prêt à taux révisable avec échéance constante est bien adapté aussi pour l’investissement locatif. Dans ce cas, la hausse des taux se traduit alors par un allongement de la durée du crédit. Comme cette disposition est prévue contractuellement, elle est opposable aux services fiscaux. Ceci signifie que les intérêts payés durant la période de prolongation pourront toujours être imputés sur les revenus locatifs encaissés.

Enfin, les prêts à taux révisable sont une opportunité pour les jeunes accédants. En effet, on sait que, statistiquement, la première acquisition n’est conservée que pendant sept à huit ans. En cas de revente, le prêt sera remboursé par anticipation. Comme les intérêts sont plus importants les premières années, disposer d’un taux d’intérêt plus faible minore le coût du crédit et accélère la phase d’amortissement sur le capital.

En conclusion, sauf aversion à ce type de crédit, complexité de calcul qui rende incompréhensible le contrat et les modalités d’évolution, ou crédit destiné à être conservé sur une durée supérieure à dix ans, il y a toutes les raisons de s’intéresser à ce type de contrat. Mais l’intervention d’un courtier demeure là encore une sécurité, car ce dernier vérifiera l’adéquation du contrat avec la psychologie, la stratégie d’investissement et l’intérêt de l’emprunteur.

Bruno Rouleau.
Directeur associé du courtier in&Fi crédits.

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