Blanchiment d’argent : le ménage reste à faire dans l’immobilier

Lors du Simi, la cellule anti-blanchiment de Tracfin a rappelé aux professionnels les bonnes pratiques à mettre en place pour lutter contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme. Un domaine dans lequel les agents immobiliers ont encore beaucoup à faire.

« Nous ne sommes pas là pour attaquer votre business. » C’est ainsi que les services de Tracfin tentent de rassurer, en plein Simi, le salon de l’immobilier d’entreprises, les agents immobiliers. Car sur le sujet la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme, les professionnels sont sur la touche. Les chiffres parlent d’eux mêmes. L’an dernier, sur 62 000 déclarations de soupçons de fraude et blanchiment rapportées à Tracfin, 1 000 provenaient des notaires… et seulement 84 des agents immobiliers. «  Ils sont pourtant en première ligne », précise Yehudi Pelosi, avocat au barreau de Paris. « Ce sont eux qui voient le client, passent du temps avec lui et connaissent le marché. Il est plus facile pour un agent immobilier de repérer une sous-évaluation ou une sur-évaluation anormale. Certes, les banquiers sont mieux équipés et les notaires plus sensibilisés à la question, mais la participation d’autres professionnels n’exonère pas les agents de la lutte contre le blanchiment de capitaux. »

Depuis 1998, les agents immobiliers sont tenus de participer à la lutte contre le blanchiment. En 2009, un organe de contrôle et de sanctions est mis en place dans ce sens. La DGCCRF punit 58 professionnels en 2016. Dernier exemple en date, l’affaire Kerimov, qui conduit à l’arrestation d’un agent immobilier n’ayant pas alerté les services de Tracfin à temps sur son client. Les montants engagés par l’oligarque russe avaient pourtant de quoi alerter : 400 millions d’euros dont 40 millions en liquide.

Déclarer dès le moindre soupçon

Les mesures à prendre pour se protéger sont pourtant simples, assure Tracfin. « Tout ce que nous demandons, c’est qu’en cas de doute, l’agent rédige une déclaration de soupçon. En faisant cela, si un problème est porté à notre connaissance, ce n’est plus lui mais Tracfin qui en prend la responsabilité. » Reste à savoir dans quels cas il est légitime de s’inquiéter ? « Si vous n’êtes pas en mesure de répondre à des questions très simples sur votre client, alors il y a des raisons de s’agiter. Qui est-il? Quel est son métier ? Comment fonctionne le montage financier de son acquisition ? Dispose t-il d’un apport ? On ne demande pas aux agents immobiliers de remonter jusqu’à un compte secret aux îles Caïmans. Mais si l’origine des fonds est difficile à tracer, le professionnel doit légitiment se poser des questions. »

La vigilance est de mise. Comme le rappelle Maurice Feferman, directeur juridique immobilier de SwissLife Reim, « tous les biens sont concernés, de l’immobilier résidentiel à l ‘immobilier d’entreprise. Du prestige aux logements classiques en passant par les baux commerciaux. D’où la nécessité, pour nous professionnels, de rédiger une cartographie des risques et des points sur lesquels nous devons être vigilants. » Ne manque plus qu’à passer des paroles aux actes…

Ludovic Clerima

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