« La médiation pour gérer les litiges de voisinage », Caroline Theuil

Les conflits de voisinage encombrent les tribunaux. C’est pourquoi le législateur est venu instituer en 2020 une nouvelle procédure.

Qu’est-ce qu’un conflit de voisinage ?

Comme son nom l’indique, le conflit de voisinage est un différend qui oppose deux ou plusieurs voisins. Ce désaccord porte en principe sur des gênes de toute nature (nuisances sonores ou olfactives, fumées, servitude de passage, entretien d’un mur mitoyen, problématique de bornage, plantations trop proches des habitations…) venant troubler la tranquillité de l’autre. Ces troubles constituent un abus de droit que le juge fait habituellement cesser en prononçant des interdictions ou des obligations de faire, notamment par voie d’injonction, contre la personne qui les cause. La décision est le plus souvent assortie d’une condamnation à payer des dommages-intérêts. Mais la loi de modernisation de la justice du XXIe siècle est venue changer la donne en la matière.

Comment gérer un conflit de voisinage ?

Si pendant de nombreuses années, l’affaire devait être portée devant les tribunaux, depuis le 1er janvier 2020 la loi de modernisation de la justice est venue rendre obligatoire, pour certains litiges, une tentative préalable de médiation, de conciliation ou de procédure participative. Il en va ainsi des différends relatifs aux troubles anormaux de voisinage ou tendant au paiement d’une somme n’excédant pas 5 000 €, au bornage, aux distances d’implantation des plantations ou à l’élagage d’arbres ou de haies, au curage des fossés et canaux servant à l’irrigation des propriétés ou au mouvement des usines et moulins, et à l’ensemble des autres cas prévus à l’article 750-1 du Code de procédure civile.

L’idée poursuivie par l’instauration de cette procédure est à n’en pas douter le désengorgement des tribunaux. Toutefois, cette nouvelle alternative de résolution amiable reste encore bien timide en ce sens où la loi ne parle que de tentative. En d’autres termes, le législateur pousse à essayer de trouver un compromis sans pour autant imposer une obligation de résultat, un accord, si bien que bon nombre d’adversaires ne voient dans cette démarche qu’une formalité administrative de plus, une entrave à la procédure judiciaire. Et pourtant la réalité du processus est tout autre et l’intérêt à s’entendre amiablement est bien réel.

Conciliateur, médiateur ou procédure participative ?

Avant de s’engager plus avant sur le sujet, commençons peut-être par différencier les trois voies de résolution amiable proposées par le législateur.

La procédure participative demande aux parties de se tourner chacune vers un avocat, spécialisé ou non, afin de s’engager, par la signature d’une convention, à résoudre ensemble et de bonne foi leur différend. Le plus grand intérêt de cette typologie de procédure réside très certainement dans la garantie des droits des parties et donc dans la sécurité juridique qui en découle.
Le conciliateur quant à lui, est un bénévole qui a reçu une formation juridique et travaille gratuitement. Le but essentiel du conciliateur est de régler le litige, et ce même si le conflit perdure entre les parties.
Le médiateur, lui, est un professionnel, expert en communication, qui facture des honoraires. Son but est d’amener les parties à s’exprimer, à renouer le dialogue de sorte qu’elles règlent le différend qui les oppose à la racine et en matière de voisinage l’intérêt est probant.

A ce stade, il est enfin essentiel de ne pas confondre médiateur et médiateur de la consommation dont le domaine d’activité n’a rien à voir avec les litiges de voisinage. Le médiateur de la consommation permet en effet à un consommateur de résoudre un litige lié à l’achat d’un produit ou d’un service à un professionnel.

La médiation, une chance à ne pas négliger

Toute tentative de résolution amiable d’un litige de voisinage ne doit pas être vue comme une démarche à réaliser dans le but d’obtenir un justificatif, sésame de la procédure judiciaire, bien au contraire… Il est en effet nécessaire de garder à l’esprit que les litiges portés devant la justice ne sont bien souvent que la partie visible d’un problème, le contentieux entre les voisins étant né bien en amont. En d’autres termes, le litige est la goutte d’eau qui fait déborder le vase. Aussi, pour espérer retrouver la sérénité de la vie en collectivité, il est souvent nécessaire de « gratter » en profondeur. Force est de constater qu’en la matière, c’est très certainement la médiation qui coche le plus de cases en ce sens où son processus tend, non pas seulement à résoudre, mais à dénouer la situation dans laquelle les parties se trouvent plongées, à révéler les blessures profondes que chacun rumine.

Sans forcément porter un jugement de valeur sur les différentes voies de résolution amiable, gardons à l’esprit que la médiation est avant tout là pour permettre de renouer le dialogue sur le long terme et bien évidemment d’éviter une procédure judiciaire longue et coûteuse. Rappelons enfin qu’en saisissant la justice, chacun s’attend ouvertement, ou secrètement d’ailleurs, à ce qu’elle tranche en sa faveur. Mais l’issue de la décision est finalement aléatoire et parfois même satisfaisante pour aucune des parties. à bien y réfléchir le dicton « mieux vaut un mauvais arrangement qu’un bon procès » n’a jamais ici été aussi juste.

Finissons par ces chiffres encourageants : entre le 1er avril 2018 et le 31 mars 2021, sur 5 516 demandes de médiation préalables obligatoires enregistrées dans le cadre de l’expérimentation prévue par la loi de modernisation de la justice, on relève un taux de réussite globale de 76 %. On aurait donc tort de ne pas laisser une chance au processus.

 

 

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Caroline THEUIL: Caroline Theuil Juriste, expert en évaluation et médiatrice judiciaire et conventionnelle Titulaire d'un double master en droit, Caroline THEUIL est avant tout spécialiste des contrats immobiliers : elle dispose d'une expertise de près de 10 ans en la matière notamment auprès des personnes publiques. Elle pratique par ailleurs l'évaluation immobilière avec la particularité d'avoir une expérience, et donc une approche, à la fois fiscale et privée de la matière. Éprouvée par la dureté des contentieux, elle s'est instinctivement orientée vers l'apaisement des relations humaines. Médiatrice, elle participe ainsi aujourd'hui activement à la prévention des différends et à la résolution amiable des situations conflictuelles, que celles-ci apparaissent dans un cadre privé ou en entreprise. Forte de cette richesse professionnelle, elle est chargée d'enseignement universitaire, et forme, partout en France, des professionnels de tous horizons.