Mandat simple, achat en direct et indemnisation de l’agence
En achetant « en direct » un bien présenté par une agence, le vendeur et l’acquéreur s’exposent à engager leurs responsabilités : le vendeur sa responsabilité contractuelle (le plus souvent non-respect des conditions du mandat) et l’acquéreur sa responsabilité délictuelle. En effet, même si l’acquéreur n’a pas signé de mandat avec l’agence « tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer » (article 1 240 code civil). Illustrations.
- Des acquéreurs avaient visité à deux reprises avec l’agence sous une fausse identité. La Cour retient que le comportement fautif des acquéreurs résulte de la fausse identité et du prix « net vendeur » démontrant que les acquéreurs avaient connaissance du droit à rémunération de l’agent immobilier (1). Le fait que les honoraires d’agence soient charge vendeur est sans incidence puisque ce ne sont des dommages et intérêts qui sont dus à l’agence et non des honoraires.
- Un agent immobilier fait visiter un bien mais la vente intervient à son insu directement entre les parties. Le vendeur notifie à l’agence avoir vendu le bien mais sans indiquer les coordonnées de l’acquéreur. En outre, le compromis stipulait que les parties n’avaient pas été mises en contact par un agent immobilier. Vendeur et acquéreur sont condamnés in solidum à 22 000 € avec une responsabilité de 90 % pour les acquéreurs (2).
- Un acquéreur est condamné à payer à une agence 150 000 € de dommages et intérêts pour avoir conclu une vente en direct ; il s’était en outre engagé au compromis à faire son affaire des réclamations des agents immobiliers (il y avait deux agences) preuve qu’il connaissait l’existence d’un droit à honoraires (3).
- Autre cas ou le vendeur avait faussement indiqué à l’agent immobilier que le bien (un fonds de commerce) avait été vendu par une autre agence tout en taisant l’identité des acquéreurs. Ces derniers, quant à eux, avaient reçu des documents (bail, bilans) de l’agence. Vendeurs et acquéreurs sont condamné in solidum à régler à l’agence 30 000 €, le premier au titre de la clause pénale, le second au titre de sa responsabilité délictuelle (4).
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Non-respect des conditions du mandat et indemnisation de l’agence
Le plus souvent les mandats contiennent une clause pénale qui sanctionne l’inexécution par le mandant de ses obligations. Ainsi le non-respect d’une clause d’exclusivité peut donner lieu à indemnisation notamment au titre de la clause pénale. Illustrations.
- Non-respect de la clause d’exclusivité directement. Des vendeurs donnent un mandat exclusif à une agence puis 4 mois plus tard (sans dénoncer le mandat exclusif, ni l’exclusivité) mettent en ligne une annonce pour la vente de leur bien et résilient le mandat. L’agence assigne en paiement de la clause pénale pour non-respect de l’exclusivité. La cour d’appel refuse d’appliquer la clause pénale car il n’était pas démontré que le vendeur a conclu la vente. La Cour de cassation censure cet arrêt : « en statuant ainsi, alors qu’elle avait constaté que M et Mme X avaient violé la clause d’exclusivité les liant à l’agent immobilier, la cour d’appel, qui a refusé de mettre en oeuvre la clause pénale qui, sanction du manquement d’une partie à ses obligations, s’applique du seul fait de cette inexécution, a violé le texte susvisé »(5).
- Non-respect de la clause d’exclusivité indirectement. La clause pénale s’applique du seul fait du non-respect d’une obligation contractuelle. Ainsi, des vendeurs sont condamnés au titre de la clause pénale pour avoir donné pendant l’exclusivité un second mandat. La première agence dont l’exclusivité n’a pas été respectée n’a pas à démontrer la perte du droit à rémunération (6).
- Non-respect de l’information des noms et adresses des acquéreurs et du notaire. Les mandats de vente stipulent souvent l’obligation pour le vendeur de notifier à l’agence l’identité des acquéreurs et les coordonnées du notaire rédacteur de l’acte authentique. Dans cette affaire, le mandant a notifié tardivement au professionnel la vente et l’agence avait présenté un acquéreur aux charges et conditions du mandats. La clause pénale est due en totalité (7).
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Refus de réitérer, faute de l’acquéreur et indemnisation de l’agence
Après la signature du compromis, hors faculté de rétractation de l’acquéreur ou non levée des conditions suspensives, l’acquéreur dont le comportement fautif a fait perdre à l’agent immobilier son droit à rémunération lui doit réparation sur le fondement de la responsabilité délictuelle (8). Illustrations.
– Refus de réitérer par les acquéreurs. (8 et 10). 350 000 €. C’est le montant de l’indemnité payée par l’acquéreur à une agence pour refus de réitérer une vente. L’acquéreur contestait la levée de la condition suspensive d’audit et l’agent immobilier soutenait que le seul motif de la non-réalisation était le financement qui n’était pas une condition suspensive (9). Les tribunaux lui donnent raison.
Les tribunaux sanctionnent, quand la faute est prouvée, la partie fautive fusse-t-elle l’acquéreur. Aussi, il est vivement conseillé aux professionnels de garder les traces de leurs diligences (mails, bons de visite, sms) pour faire valoir leurs droits.
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1) Cass.plen, 9 mai 2008, n°07.12449
2) CA Versailles 3e ch, 5 octobre 2023, n°21.04692
3) CA Aix en Provence, Ch1-1, 25 octobre 2023, n°19.19086
4) CA Bordeaux, 4e Ch commerciale, 13 février 2024, n°22.00376
5) Cass.3e.civ, 16 novembre 2022, n°21.22400
6) Cass.1e civ, 2 octobre 2013, n°12.22343
7) Cass, 3e civ, 14 décembre 20210, 09.68976
8) Cass 1e civ, 18 décembre 2014, 13.23178
9) CA Nancy 9 décembre 2024, n°23.02384
10) CA Montpellier, 4e ch civ, 4 avril 2024, n° 21.01218.