«Méthodes d’évaluation immobilière : à vos marques, prêt, estimez …», Caroline THEUIL juriste-rédacteur, expert immobilier.

Les outils d'estimation en ligne sont devenus en quelques années des références en matière d'évaluation immobilière. S'ils permettent d'avoir une idée générale des prix de vente d'un bien, ils peuvent également réserver de très mauvaises surprises. Supprimons quelques instants ces outils, quel savoir-faire nous reste-t-il ?

Bien que le processus même de l’expertise applique des méthodes scientifiques, on reste très éloigné d’une science exacte : si les formules et les chiffres sont présents en forte proportion, c’est la démarche qui amène à la conclusion d’une valeur immobilière qui importe avant tout. Tout le monde peut avoir une idée sur la valeur d’un bien, mais pour qu’elle ait une signification, cette opinion doit être justifiée. Une évaluation ou une expertise va bien au-delà d’un simple ressenti puisqu’elle exige des recherches sélectives portant sur le marché des biens considérés, le rassemblement de renseignements pertinents, l’application de techniques analytiques, et surtout la connaissance, l’expérience et le jugement nécessaire à la mise au point d’une conclusion propre à chaque bien.

Reprenons donc la démarche expertale telle qu’elle est pratiquée en dehors des outils d’évaluation.

1) Que retenez-vous du marché immobilier ?

La valeur vénale d’un bien correspond au prix probable auquel ce bien pourrait être vendu ou acheté. Évaluer un bien immobilier consiste donc à supputer la plus forte probabilité de prix auquel il pourrait se vendre, s’il était mis sur le marché dans des conditions normales d’offre et de demande. Les valeurs vénales qu’il faut supputer ne sont au final que de simple probabilités de prix. Ainsi, il ne saurait y avoir une unité de prix, fût-ce sur un même marché, puisque contrairement aux marchés boursiers, par exemple, en matière immobilière, les conditions d’un marché parfait ne sont jamais réalisées, les biens ne pouvant être substitués les uns aux autres.

L’observation méthodique du marché, c’est-à-dire des prix dominants constatés, est le moyen utilisée pour dégager une probabilité majeure de prix qui représente la valeur vénale, au moment considéré, du bien à estimer.

Cette observation, rappelons-le, doit être réalisée selon un schéma en entonnoir, du marché national, duquel nous tirons une tendance générale, au marché local, secteuriel voire micro-secteuriel.

A titre d’exemple, le marché national peut être dynamique, une dynamique remarquable au niveau départemental mais qui se révèle plutôt inversée au niveau local. Ainsi, malgré un marché dynamique, la valeur de mon bien fait les frais d’une économie de tassement dans le secteur.

Nous l’aurons compris, le comportement du marché immobilier va induire une tendance de valeur pour mon bien. L’exercice va alors se corser, car seul le comportement du marché immobilier ne peut permettre d’évaluer la valeur d’un bien. En effet, celle-ci résulte également de l’interaction de trois éléments principaux que l’on a coutume de désigner par l’expression « facteurs de la valeur » : les facteurs physiques, les facteurs juridiques et les facteurs économiques.

2) Évaluer un bien c’est mobiliser une somme de connaissances

Sous une appellation plutôt sobre mais très généraliste, c’est une somme de connaissances complètes voire parfois complexes que l’on vise ici : de la notion de surfaces à celle de vétusté, en passant par les importants volets urbanisme et droit de la propriété, sans oublier les règles régissant les régimes spéciaux tels que ceux de la mitoyenneté ou de la copropriété, le champs de connaissances à maîtriser est vaste et mieux vaut le maîtriser parfaitement si l’on veut éviter toute déconvenue.

Il importe donc de maîtriser une somme de connaissances indispensables, trop souvent négligées, et que l’on peut regrouper selon trois grands groupes de « facteurs de la valeur ».

  • Pour simplifier au maximum, les facteurs physiques sont les caractéristiques essentielles du bien qui permettent d’en définir sa nature mais également de le caractériser par rapport à d’autres biens appartenant à la même catégorie. Schématiquement les facteurs physiques peuvent-être regroupés en trois grandes rubriques : la consistance du bien (superficie, configuration, qualité du sol…), sa situation et son environnement immédiat (notamment les facilités de communication).
  • Les facteurs juridiques permettent quant à eux de porter un jugement sur la situation juridique du bien. On citera ici tout particulièrement la réglementation d’urbanisme, les servitudes de droit public ou privé, la situation locative…
  • Enfin, les facteurs socio-économiques dépendent de la conjoncture économique générale qui influe sur l’évolution du marché immobilier (taux des prêts immobiliers, évolution et comportement des populations, politiques locales…).

Les outils d’évaluation immobilière, aussi perfectionnés soient-ils, ne prennent pas en considération l’ensemble des facteurs de la valeur, tout comme ils ne procèdent pas à une visite pertinente du bien, et c’est principalement là que le bât blesse…

3) Savoir dégager les éléments d’appréciation du bien

Une fois cet ensemble d’informations rassemblées, il importe de dégager les éléments qui vont influencer de manière positive ou négative la valeur du bien, et en quelle proportion. Il est ainsi primordial de définir de manière précise les points forts et les points faibles car si certains défauts coûtent chers, certains atouts peuvent booster de façon appréciable la valeur d’un bien. La définition de ces éléments va donc permettre d’affiner, de pondérer de la manière la plus juste possible la valeur du bien.

Par exemple, une vue sur un monument, la mer ou une montagne, permettra de valoriser le prix au mètre carré de 5 à 20 %. Une orientation agréable, sud-est ou sud-ouest, induira une valorisation pouvant aller elle, de 3 à 5 % de plus comparativement à un logement exposé plein nord.

A contrario, un rez-de-chaussée se vendra jusqu’à 25 % moins cher qu’un logement similaire dans le même immeuble mais situé au 4e étage.

Tout élément de valorisation ou de dévalorisation va être ainsi quantifié, et c’est bien là une autre difficulté de l’expertise immobilière. Comment quantifier l’impact de tel ou tel élément ? Certains ouvrages permettent de dégager des tendances de valorisation ou de dévalorisation, mais il importe de connaître parfaitement son marché immobilier afin de maîtriser l’influence de chaque élément sur la valeur de son bien et d’ajuster au mieux son évaluation.

Bien que plus chronophage, l’étude de marché (voire la définition d’une « enveloppe travaux détaillée ») reste, à mon sens, le moyen le plus sûr de définir la juste valeur du bien.

On l’aura compris, la pratique de l’expertise immobilière relève bien de l’influence plus ou moins positive de facteurs de valeur. Elle est aussi, et c’est la face visible que chacun retient l’application de méthodes reconnues.

à suivre …

 

 

 

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Caroline THEUIL: Caroline Theuil Juriste, expert en évaluation et médiatrice judiciaire et conventionnelle Titulaire d'un double master en droit, Caroline THEUIL est avant tout spécialiste des contrats immobiliers : elle dispose d'une expertise de près de 10 ans en la matière notamment auprès des personnes publiques. Elle pratique par ailleurs l'évaluation immobilière avec la particularité d'avoir une expérience, et donc une approche, à la fois fiscale et privée de la matière. Éprouvée par la dureté des contentieux, elle s'est instinctivement orientée vers l'apaisement des relations humaines. Médiatrice, elle participe ainsi aujourd'hui activement à la prévention des différends et à la résolution amiable des situations conflictuelles, que celles-ci apparaissent dans un cadre privé ou en entreprise. Forte de cette richesse professionnelle, elle est chargée d'enseignement universitaire, et forme, partout en France, des professionnels de tous horizons.