I – Les dispositions protectrices de la loi Scrivener
L’évocation de la condition suspensive portant sur l’obtention d’un prêt renvoie trop « mécaniquement » à la loi Scrivener (articles L313-1 et L313-2 du code de la consommation). La protection de l’acquéreur n’est toutefois accordée qu’à la personne physique d’un bien à usage d’habitation ou à usage d’habitation et professionnel. Sont exclus les prêts destinés à financer une activité professionnelle, ainsi que les SCI qui ont pour objet la location de biens immobiliers (Cassation civ 1, 14 oct 2015, n°14-24915).
En vertu de l’article L313-40 du code de la consommation, tout contrat préliminaire (compromis, promesse de vente…) doit indiquer si le prix est payable, même en partie, à l’aide ou sans le concours d’un prêt. En vertu de l’article L313-41 du code de la consommation, la condition suspensive portant sur le financement ne peut avoir une durée inférieure à 30 jours à compter de la signature du contrat préliminaire. En cas d’absence d’obtention d’un prêt, tout acompte doit être remboursé, sans que les parties puissent déroger contractuellement à cette règle impérative.
L’article L 313-42 introduit un formalisme très strict. Si l’acte mentionne que la vente interviendra sans l’aide d’un prêt, il doit porter de la main de l’acquéreur une mention selon laquelle il reconnaît avoir été informé que s’il décidait d’avoir recours à un prêt, il ne peut se prévaloir des dispositions protectrices de la loi Scrivener.
A défaut de respecter ce formalisme, si l’acquéreur décidait d’avoir recours à un prêt, alors que l’acte prévoit un règlement sans prêt, la condition suspensive serait considérée comme tacite ; si bien que l’absence d’obtention d’un prêt obligerait le vendeur à restituer toute somme versée par exécution de l’avant-contrat.
Ainsi, si la loi Scrivener ne s’applique pas, le délai contractuel portant sur le financement peut être inférieur à un mois et on peut rencontrer une indemnité d’immobilisation ou une obligation, pour l’acquéreur, de verser une somme d’argent au vendeur en cas de non-obtention du prêt envisagé pour acheter le bien.
On rappellera qu’à défaut de réalisation de la condition suspensive, l’avant-contrat est anéanti, sauf prolongation conventionnelle.
II – La rédaction de la condition suspensive et les obligations de l’acquéreur
En premier lieu, un principe fondamental d’ordre public doit être invoqué : la condition suspensive, en vertu de l’article 1304 -3 du code civil, est réputée acceptée si celui qui y avait intérêt en a empêché l’accomplissement. Il peut en être ainsi si l’acquéreur ne dépose pas de demande de prêt, ou s’il n’a pas déposé de demande de prêt conforme aux caractéristiques définies dans la promesse de vente (Cassation ch3,8 avril 2015, n° 14- 13499). Le choix du taux plancher n’est pas anodin (Cassation Civ 3 , 17.10.1979, n° 17-21.859). Un arrêt de la Cour de cassation du 30 septembre 2021 (n° 20-17.290) rappelle qu’après l’heure ce n’est plus l’heure.
L’obtention d’un prêt au-delà du délai contractuel prévu à cet effet n’oblige pas le vendeur à signer l’acte authentique.
Notons que la jurisprudence peut se montrer sévère à l’égard de l’acquéreur. C’est ainsi qu’il a pu être jugé (cour d’appel de Versailles, chambre 3, 9 septembre 2021, n°20.01134) que le non-respect d’une clause prescrivant l’obligation de déposer des demandes de prêt auprès de deux organismes de prêt différents obligeait l’acquéreur à payer au vendeur la clause pénale contenue dans l’avant-contrat.
Compte tenu de l’importance du contentieux portant sur la matière, les parties à tout contrat préliminaire à la vente d’un bien immobilier seront bien inspirées de s’accorder, sans malentendu, sur les contours d’une clause loin d’être anodine…