Recruter, intégrer et fidéliser… n’a jamais été aussi complexe dans l’immobilier. Entre pénurie de candidats, exigences accrues et turnover record, les agences et réseaux doivent repenser leurs pratiques managériales et leur culture d’entreprise. Comment attirer durablement les bons profils et leur donner envie de rester ? Professionnels de l’immobilier, il est temps de faire le point.
Recruter, un défi généralisé dans l’immobilier
En immobilier comme ailleurs, quand les équipes sont là, les chiffres suivent ! Mais dans la pierre, constituer et fidéliser ses équipes n’est pas une mince affaire. Preuve en est :
90 % des recruteurs du secteur affirment avoir des difficultés à trouver des candidats, et le turnover atteint en moyenne 35 % par an, pouvant parfois même grimper jusqu’à 50 % dans certains réseaux de mandataires qui recrutent en grands volumes (1).
La problématique est nationale, amplifiée par une très forte concurrence entre agences traditionnelles, réseaux de franchises et mandataires indépendants.
Des candidats exigeants, des recruteurs qui doivent se vendre
Les candidats le savent et de fait, le rapport de force s’est inversé en leur faveur. « Aujourd’hui, ce sont eux qui imposent leurs conditions. Télétravail, horaires souples, équilibre vie pro/perso : nous devons adapter notre discours pour attirer », témoigne Dorian Lemaître, fondateur du groupe d’agences Logis Conseil. « En effet, le rôle du recruteur est désormais de vendre son entreprise et ses valeurs autant que ses services immobiliers, confirme Antoine Mesnard, président fondateur de Recrutimmo. La démarche du recrutement est devenue commerciale : il faut se démarquer ».
Oui, mais comment ?
Sur le podium des attentes des conseillers immobiliers (1), arrivent en tête une intégration et un accompagnement humains suivis, une adhésion aux valeurs et à la vision de l’entreprise ainsi qu’une formation continue pour monter en compétences. « ».Ces aspects sont les premiers leviers de recrutement et de fidélisation des collaborateurs, alerte Antoine Mesnard, pourtant, ils sont encore bien trop négligés, par manque de temps et de moyens.
Il faut ajouter à cela un contexte économique qui influence fortement l’affluence et les aspirations des candidats. Comme le note Julien Raffin, coach et formateur : « En période florissante, de nombreux profils veulent se lancer en indépendants. Alors les réseaux, eux, vendent de l’autonomie et de la liberté au travail pour recruter en masse. À l’inverse, quand le marché se contracte, les candidats se raréfient et recherchent la sécurité du salariat. »
« Mais ce modèle est difficile à généraliser. 90 % des réseaux n’ont pas les moyens de salarier, explique-t-il. Entre le coût des logiciels, celui de la diffusion des annonces et la rémunération des agents commerciaux, le salariat représente une charge financière trop risquée pour la plupart des agences ».
Le lien entre statut, rémunération et fidélisation n’est pas évident
Est-il plus facile de fidéliser quand on recrute en salarié qu’en indépendant ?
Le lien entre statut et fidélisation est moins évident qu’il n’y paraît. « Qu’ils soient salariés ou indépendants, la fidélité des collaborateurs dépend avant tout de leur état d’esprit et des valeurs qu’ils partagent avec l’entreprise », défend Dorian Lemaître.
Désireux de mettre tous les atouts de son côté, il propose des avances sur commission. Mais pour Julien Raffin, il y a un hic : « ce mode de rétribution est selon moi une source de problèmes à retardement : si l’agent ne travaille pas, il doit rembourser, ce qui met tout le monde en difficulté. » Quoiqu’il en soit, prendre en compte la fragilité de la rémunération des agents commerciaux et innover pour les aider à démarrer financièrement peut faire la différence. Tout comme la capacité à les fédérer autour d’un projet et d’une culture d’entreprise inspirants.
C’est là que le bât blesse. Beaucoup de dirigeants d’agences sont d’excellents commerciaux avec leurs clients, mais se montrent défaillants dans le management de leurs candidats.
Résultat : peu d’accompagnement, des intégrations furtives, des collaborateurs isolés et, in fine, un turnover élevé. Un tiers des recrues quittent leur employeur chaque année (1).
La bataille se joue sur l’humain
Pour mieux cibler leurs embauches et enrayer les départs, certains acteurs tiennent ainsi à se démarquer. Chez Logis Conseil par exemple, la fidélité repose sur un mélange de proximité et de légitimité locale : « Nous avons des têtes d’affiche dans chaque agence, qui animent les équipes. De plus, nos collaborateurs constatent que notre communication génère des leads et que les affaires tournent. Cela compte énormément ! », insiste Dorian Lemaître.
De son côté, Orpi a également décidé de faire du recrutement l’un de ses piliers stratégiques : la coopérative prévoit la création d’une cellule interne de recrutement dès 2026.
Objectif : aller chercher les compétences et les talents là où ils se trouvent, et former les managers à l’intégration suivie et efficace de leurs nouveaux coéquipiers, détaille Corinne Bérec, vice-présidente d’Orpi.
Conclusion : recruter n’est plus une question de volume mais de vision. Les agences qui l’ont compris transformeront leurs équipes en forces vives. Les autres continueront à compter leurs démissions.
Journaliste de passion et juriste de formation, Alix Fieux aime aller à la rencontre des acteurs de l'immobilier pour découvrir les initiatives originales des agences et des entreprises qui renouvellent le secteur. Son deuxième sujet favori ? L’essor d’une nouvelle génération de ressources humaines qui concerne également les professionnels de la pierre, pour comprendre comment mieux recruter, manager et fidéliser leurs talents !
Auparavant, elle a également travaillé en tant que journaliste et responsable éditoriale pour différents médias et marques sur des sujets d'actualité variés.