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« L’agent immobilier 3.0 sera-t-il un avatar ? », Nathalie Gardes Enseignante chercheuse à l’Université de Bordeaux

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Le métaverse pourrait-il devenir un eldorado pour les réseaux immobiliers ? Posons quelques cailloux pour nourrir la réflexion.

photo : journal de l'agence metaverse

Présenté comme la prochaine phase de l’internet grand public, le métaverse ou web 3.0 est une évolution déjà en  cours (1).

Métaspace, quand l’humanité évolue vers un double numérique

Jeux, concerts, produits, le métaverse donne accès à de nombreux divertissements que d’aucuns peut se procurer  grâce aux cryptoactifs sur les plateformes dédiées (2) . À l’instar du monde réél, des terres virtuelles peuvent être achetées. Les entreprises françaises sont de plus en plus nombreuses à s’en offrir. Le monde du métaverse est en  train d’installer ses essaims qui constitueront peut-être demain des ruches bourdonnantes et des écologies  complexes.

Une façon poétique de dire que la formation de l’écosystème des métaverses a déjà commencé. Avec plus de 4,6  milliards d’internautes actifs dans le monde qui s’adonnent à des activités en ligne, certains y voit le futur des affaires. L’humanité pourrait lentement évoluer vers un avatar qui passerait la plus grande partie de sa vie  quotidienne dans un monde virtuel faisant des métaverses l’avenir du commerce

Métabusiness, repenser les parcours et l’expérience client

Ses défenseurs le perçoivent comme un lieu d’audience de masse, un terrain d’expansion et d’expression des marques dans lequel ces dernières proposeront dans le futur des parcours et des expériences d’achat en réalité augmentée plus  créatifs, immersifs, attractifs et plus ludiques que dans le monde réel. Les volumes de données qui pourraient y  être générés semblent considérables. Certains imaginent même, grâce aux capteurs des technologies immersives,  pouvoir récupérer la tension artérielle et le rythme respiratoire des utilisateurs afin de mesurer l’efficacité de certains programmes marketing. D’une connaissance client enrichie découlera la mise en place d’un sur mesure ultra personnalisé dont le fruit sera la fidélité du client. Espace relationnel par excellence, le métaverse n’est au fond rien  de plus qu’un méta canal support d’une relation client human to human augmentée. Dans ce monde virtuel la  proximité client est réinventée.

Faut-il jouer la carte du Métaverse ?

« Nous avons tendance à surestimer l’incidence d’une nouvelle technologie à court terme et à la sous-estimer à  long terme » Roy Amara. Difficile de comprendre la place qu’occupera le métaverse dans nos vies, de savoir à quel  point il transformera notre rapport aux marques et au travail. Il apportera certainement son lot de désillusions, car le métaverse est complexe et risqué. Faire converger le monde virtuel, le e-commerce, les relations sociales et le  travail est un défi dont la réussite dépendra de l’interopérabilité des plateformes, de l’adoption de ces technologies  par les individus, de la qualité et de l’utilité des services qui seront proposés et des effets de réseaux. Il est  actuellement bloqué par un manque d’infrastructures, une approche monopolistique du développement des plateformes et un manque de normes de gouvernance claires.

Pour les marques immobilières , se positionner dans le métaverse se résume à deux stratégies : devenir l’intermédiaire immobilier de ce nouveau monde, ou y investir  en tant que marque pour intégrer le métaverse en tant que métacanal qui redéfinit les parcours clients et enrichit   l’expérience du client et du collaborateur.

Sur le premier point, la demande de terrains virtuels ne cesse d’augmenter. Comme dans le marché immobilier  physique, la présence d’intermédiaires délivrant des conseils et informations pour simplifier et fl uidifier les transactions est nécessaire. Certains s’y sont déjà positionnés. En 2021, Métaverse REIT a lancé un fonds  d’investissement immobilier pour les actifs virtuels. Le Metavers Property ou encore Origins proposent d’acquérir,  de louer ou de vendre des propriétés immobilières sur Sandbox, Decentraland ou encore Roblox. Les compétences  pour y œuvrer en tant qu’intermédiaire immobilier ne sont toutefois pas celles détenues par les agents  immobiliers. Difficile d’envisager un tel positionnement sans ressources humaines ad hoc.

Sur le second point, il convient de rester en veille sur cette nouvelle tendance. Gardons à l’esprit que la démocratisation de l’usage des cryptommonnaies et des casques de réalité virtuelle font qu’aujourd’hui le monde  virtuel concerne un public toujours plus large. La visite virtuelle pourrait tirer parti des environnements 3D issus  du gaming et des simulations. Spatialisée, immersive et virtuelle, celle-ci s’enrichirait de l’interactivité permettant  de réintroduire le care, l’accompagnement et sans doute le plus important, le storytelling qui en liant les  imaginaires facilite la projection du client.

Un autre point intéressant est celui de l’expérience du collaborateur. Ce qui nous intéresse ici sont les nombreuses  formations et réunions en ligne délivrées par les réseaux immobiliers qui pourront être réenchantées.

On retiendra

S’engager dans le métaverse n’est pas anodin, notamment en termes d’investissements, et peut même être risqué.  L’engouement actuel est favorable à la spéculation. Prudence oblige, les précurseurs ne sont pas toujours ceux qui  gagneront le marché. Pour autant le métaverse présente des opportunités et changera vraisemblablement nos  habitudes, tout autant que l’arrivée du mobile. Les jeunes générations sont prêtes à y basculer en masse. Si tout est  encore flou (car il est plus en devenir qu’une réalité actuelle), il préfigure comme un nouveau territoire à conquérir par les marques. La vraie question est quel modèle de société désirons-nous réellement ? Le dictat de la  rentabilité et du business doit-il nous conduire vers une société en rupture totale avec ce qui nous lie au monde. Le  métaverse pourrait conduire à l’aggravation des problèmes actuels liés aux médias sociaux.

La pandémie nous  a rappelé le besoin de la vraie rencontre, le besoin vital de contact avec la nature. Il est peutêtre temps de s’engager davantage dans le réel que dans le métaverse.


(1) Lee, Alexander. 2021. “With the Metaverse Hype Cycle at Full Blast, Experts Take the Long View.” Digiday, August 4, https://digiday. com/marketing/with-the-metaverse-hype-cycle-at-full-blast-exper ts-take-the-long-view/. Lee, L. H., Braud, T., Zhou, P., Wang, L., Xu, D., Lin, Z., … & Hui, P. (2021). All one needs to know about metaverse: A complete survey on technological singularity, virtual ecosystem, and research agenda. arXiv preprint arXiv:2110.05352.
(2) Decentraland, Sanbox…

Nathalie Gardes

Nathalie Gardes est Enseignante chercheuse à l’Université de Bordeaux, elle est titulaire d’un doctorat et d’une habilitation à diriger des recherches.
Elle publie dans différentes revues scientifiques en marketing stratégique.

Responsable de la licence professionnelle métiers de l’immobilier option transaction et commercialisation de biens immobiliers à l’IUT de Bordeaux, elle dispense des cours en stratégie et marketing immobilier.

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Vos réactions
  • Par Serge BASSU, il y a 2 années

    Je suis tout à fait d’accord avec vous.
    Merci,pour cette analyse.

  • Par Pret relais, il y a 2 années

    Il est archi-évident que pour l’immobilier et l’automobile, la réalité virtuelle sera un gain. Au moins pour éviter la visite de « débrouillage » et mieux orienter le prospect.

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