La vente d’un bien reçu par donation : des précautions à prendre

L’agent immobilier ne peut raisonnablement établir un mandat sans consulter le titre de propriété. Il vérifie dès ce stade l’origine de propriété. Si l’immeuble a été donné au vendeur, des précautions particulières s’imposent, afin d’éviter de voir la vente anéantie ou remise en cause.

La donation est l’acte par lequel le donateur se dépouille actuellement et irrévocablement d’un bien, en faveur du donataire, qui l’accepte. La loi organise la protection du donateur et de ses héritiers réservataires (ses descendants et, en l’absence de descendant, son conjoint, depuis le 1er janvier 2007). L’agent immobilier, rédacteur du compromis de vente, doit en tenir compte et introduire dans l’avant contrat les clauses nécessaires. À défaut, le notaire devra suppléer ce manquement avant la signature de l’acte authentique. S’il n’y parvient pas, la vente ne se réalisera pas, et la responsabilité  de l’agent immobilier pourra être engagée.

Le danger : la remise en cause de la vente

Il existe un risque non négligeable que la donation soit remise en cause après la vente, sur différentes
bases : nullité ou révocation de la donation, retour du bien entre les mains du donateur ou de ses héritiers,
lors du règlement de la succession ou à l’occasion d’un événement convenu.
Si la donation est anéantie, l’acquéreur restitue le bien, sans contrepartie. Il peut exercer un recours contre le
vendeur, sur le fondement de la garantie d’éviction, mais il n’obtiendra que des dommages-intérêts.
Au regard de cette menace l’acquéreur, qui n’a pas été informé et protégé au stade  du compromis de vente, refuse, généralement, de signer l’acte authentique si sa propriété n’est pas confortée, et l’agent immobilier est privé de sa rémunération.
Il pourra voir sa responsabilité engagée s’il est établi qu’il ne pouvait pas ignorer le risque.

La solution : l’insertion d’une clause adaptée

Pour protéger l’acquéreur, il est nécessaire d’introduire, dans le compromis une clause adaptée à la situation rencontrée. Il peut s’agir d’une autorisation à la vente, donnée par le donateur et/ou par les héritiers réservataires de celui-ci.
Il peut s’agir, également, d’une condition suspensive permettant à l’acquéreur de se dégager de la vente si
celle-ci risque d’être anéantie dans le futur. Deux sortes de clauses sont utilisées en pratique :
– soit l’insertion d’une condition suspensive rédigée en termes généraux et relative au risque de remise en cause
de la propriété du bien,
– soit une condition suspensive spécifique à la situation rencontrée et qui précise l’événement nécessaire : renonciation
à la révocation de la vente, ou encore autorisation de la vente par les personnes concernées.

Identifier les risques

Différentes situations peuvent être rencontrées par l’agent immobilier.

La réduction de la donation

Tant que la succession du donateur n’a pas été définitivement réglée, la donation est susceptible d’être remise en cause si elle porte atteinte aux droits des héritiers réservataires. Si le donateur est décédé après le 31 décembre 2006, ou s’il est toujours vivant aujourd’hui, le bénéficiaire de la donation peut opter pour une réduction en valeur : il rapporte à la succession une indemnité plutôt que le bien. Cependant, s’il le souhaite, ou s’il n’a pas les moyens d’un rapport en valeur, la réduction se fait en nature : le bien donné est remis dans la masse partageable. La vente se trouve alors anéantie. L’article 924-4 du Code civil dispose cependant que lorsque le donateur (s’il est toujours en vie) et tous les
héritiers réservataires ont consenti à la vente, aucun héritier réservataire ne peut exercer d’action contre l’acquéreur
du bien. Un héritier réservataire né par la suite ne pourra pas, non plus, remettre en cause la vente.

La donation avec charges

Le donateur a la faculté d’assortir la donation d’une charge, qui est une obligation imposée au donataire, comme celle d’affecter le bien immobilier à un usage déterminé, ou d’entretenir le donateur pour le reste de ses jours. Si le donataire n’exécute pas la charge, le donateur peut obtenir la révocation judiciaire de la donation.

Les clauses limitant la libre cession du bien

La donation assortie d’une clause d’inaliénabilité, ou d’interdiction d’aliéner, interdit au donataire de vendre le bien. Le non-respect de cette clause peut entraîner la nullité de la vente ou la révocation de la donation. Dans les deux cas, l’acheteur est privé du bien. Pour vendre le bien, le donataire doit obtenir la levée de l’interdiction, soit par le donateur, soit par le juge.
La donation peut également contenir une clause de rapport en nature, par laquelle si, au jour du partage de la succession, la donation excède la part qu’il pouvait recevoir, le donataire devra remettre le bien dans l’indivision
successorale. La donation peut enfin contenir un droit de retour conventionnel, par lequel le bien revient automatiquement dans le patrimoine du donateur, si le donataire décède avant lui.

La révocation de la donation

Une donation peut être révoquée par le juge, à la demande du donateur, pour ingratitude : si le donataire attente à la vie du donateur, commet à son encontre des sévices ou des injures, ou refuse de subvenir à ses besoins.
La donation peut enfi n être révoquée si le donateur, sans enfant au jour de la donation, a un enfant par la suite. Depuis le 1er janvier 2007, la donation ne peut être révoquée pour survenance d’enfant que si l’acte de donation le prévoit. Pour une donation consentie avant le 1er janvier 2007, et si le donateur est décédé à cette date, la révocation
de la donation s’est opérée automatiquement s’il est survenu un enfant au donateur. L’anéantissement de la donation peut être inconnu du donataire si aucune action en revendication n’a été
introduite envers lui. Anne-Claude Poncet, BusinessFil

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Anne-Claude Poncet: Anne-Claude Poncet, Expert immobilier BusinessFil.