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« Les maires et le logement : responsables mais pas coupables », François Moerlen, Fondateur de Locagestion

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photo : François Moerlen, Fondateur de Locagestion

Le cru 2014 des élections municipales bat son plein. Le sourire radieux, l’étreinte fougueuse, le maire arpente les allées du marché, sur lequel on ne l’avait plus vu depuis bien longtemps. Il embrasse, il tutoie, il goûte, le verbe haut, forçant un peu l’accent : celui ­là, décidément, est bien des nôtres.

Il nous défend contre le centralisme parisien, contre la droite, contre la gauche, contre les extrêmes, contre la région, contre le département, et contre nous mêmes. Et son bilan est forcément excellent, puisque les médias eux­-mêmes sont unanimes : les maires gèrent bien leur ville. Devant un tel constat, on en arriverait presque à se demander pourquoi il faut les obliger à se soumettre au suffrage de leurs administrés.

On se demande aussi pourquoi le ministre du logement a tout fait pour inclure dans la loi ALUR,  des dispositions diminuant leur pouvoir pour l’octroi des permis de construire. Car s’il est bien un domaine dans lequel les municipalités ont une responsabilité totale, c’est dans celui de l’aménagement urbain.

Le mal essentiel dont souffrent les français en matière de logement c’est bien l’inadéquation entre l’offre et la demande. Les campagnes se vident, les villages meurent, la plupart des villes de moins de 200 000 habitants disposent de nombreux logements inoccupés faute de demande, et ce quel  que soit le prix. A Tours, Montauban, Dijon, au Havre, à Nancy, Rouen, Valence, Limoges, on trouve sans difficulté un appartement de 70 m2 pour un loyer mensuel inférieur à 600 Euros. Et  dans les communes limitrophes, c’est encore moins cher.

Peut on encore estimer ce niveau de prix excessif, en comparaison des coûts auxquels doit faire face le propriétaire : fiscalité locale, isolation, travaux, charges de copropriété et autres diagnostics immobiliers ?

Dans le même temps, les prix de l’immobilier parisien n’en finissent pas d’augmenter, sous la pression d’une demande alimentée par l’hyper concentration économique. Car l’adéquation entre l’offre et la demande, repose essentiellement sur la proximité entre le logement et l’emploi.

Malheureusement, les pouvoirs publics n’ont aucune politique cohérente en matière d’aménagement.Le mal est fait.
D’un côté, le quartier de la Défense : 180 000 salariés concentrés sur 31 hectares pour 20 000 habitants. Une machine à alimenter l’inflation immobilière. Et comme cela ne suffit pas, l’EPAD, établissement public gérant le site, s’est donné pour mission de construire 300 000 m2 de bureaux  supplémentaires, pour seulement 100 000 m2 de logements.

De l’autre, de multiples Zones d’Aménagement Concertées dans les métropoles régionales, des zones aménagées à l’extérieur des centres villes, consistant en la construction de milliers de mètre carrés de logement sans aucune activité économique existante.

Ce déséquilibre est tellement fort qu’il décourage la mobilité relative à l’emploi, puisque dans de nombreux cas, la perte de qualité de vie, et le coût des transports et du logement ne compensent plus le gain potentiel d’une rémunération salariée.C’est ainsi que nombre de nos concitoyens renoncent à l’emploi, pendant que les entreprises disposent de centaines de milliers de postes non pourvus.

Il est donc bien facile pour nos élus de taper sur des propriétaires relégués au rang de rentiers, et sur des agents immobiliers censés profiter de cette situation. L’encadrement administratif des loyers et la limitation des honoraires de location sont un moyen comme un autre de rejeter la responsabilité des pouvoirs publics sur le peuple. En revanche, le volet urbanistique prévoyant un transfert de compétence en matière d’aménagement urbain ressort laminé par l’action de lobbying concerté des sénateurs et députés, dont nombre sont aussi élus locaux.

C’est la raison pour laquelle, la loi de Cécile Duflot, prétendant apporter des solutions pour l’Accès au Logement et pour l’Urbanisme Rénové (ALUR), bien qu’elle aborde le bon sujet, n’apportera probablement pas de solution pérenne.

Quand on pense aux milliers de français qui se serrent dans le RER tous les matins, à tous les mal logés, au budget astronomique que certains consacrent à leur résidence principale, on finit par se  lasser du folklore sympathique qui accompagne le cérémonial des élections municipales.
Si nos élus souhaitent assumer des responsabilités au nom de leurs administrés, alors, qu’ils assument aussi leur échec dans la politique du logement et de l’aménagement urbain. © LeFildeLimmo/BazikPress

François Moerlen

François Moerlen est Président Délégué de la FNAIM (Fédération Nationale de l’Immobilier), en charge du développement numérique. Diplômé de l'Institut des Etudes Juridiques de l'Urbanisme et de la Construction, il est agent immobilier, administrateur de biens et syndic de copropriété à Toulouse. Fondateur de Locagestion, il a développé une solution collaborative de dématérialisation de la location, au service des agents immobiliers. Spécialiste de l’économie numérique appliquée au logement, il intervient sur le sujet de la transformation digitale des professionnels de l’immobilier (RENT, Congrès de l’Immobilier, Journal de l'Agence).

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