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« Les effets de la Période d’Etat d’Urgence Sanitaire sur les baux d’habitation », Me. Cyrille Durand-Fontanel, avocat au barreau de Paris

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Me. Cyrille Durand-Fontanel analyse pour vous les conséquences majeures de la « Période d’Etat d’Urgence Sanitaire » sur un bail d’habitation et les rapports entre bailleur et locataire.

photo : location période coronavirus

Cet article rappelle rapidement les principales obligations des parties, sans s’attarder sur les conditions à respecter pour tel ou tel droit ou obligation ou statut (non-meublé, meublé).

La Période d’Etat d’Urgence Sanitaire (ci-après « PEUS » ou encore « l’état d’urgence ») que nous connaissons encore actuellement a démarré rétroactivement le 12 mars (loi du 23 mars 2020, art. 4) et a été prorogée jusqu’au 10 juillet 2020 (loi promulguée le 11 mai 2020). Néanmoins, la PEUS pourrait être écourtée, voire prolongée si le virus circulait de nouveau, à suivre donc.

Trois situations sont à distinguer avec des effets différents pendant la PEUS sur un bail d’habitation et leurs co-contractants.

 

1. Les effets de la PEUS sur l’entrée en vigueur des baux d’habitation convenus avant l’état d’urgence et devant prendre effet durant la PEUS

Lorsque le bail a été signé avant l’état d’urgence pour prendre effet pendant celui-ci (entre le 12 mars et le 10 juillet 2020), l’état d’urgence constitue un cas de force majeure temporaire au sens de l’article 1218 du code civil.

* En conséquence, le bailleur et le locataire s’étant généralement contentés de signer un bail directement issu de la loi du 6 juillet 1989 (ci-après « de la Loi »), sans y avoir ajouté une quelconque condition particulière à propos d’un cas de force majeur temporaire et de son effet, l’entrée en vigueur du contrat (*généralement matérialisé par un dépôt de garantie + attestation assurance des risques + versement du 1er loyer, voire la caution convenue) pourrait s’en trouver suspendue en vertu du seul article 1218 du code civil (cas de force majeure) si une des parties s’en trouvait empêchée sans pouvoir l’éviter par des mesures appropriées.

Exemples : le locataire étranger est bloqué hors de France car toutes nos frontières sont fermées ; voire le locataire était bloqué à plus de 100 km durant le confinement jusqu’au 10 mai 2020, et ne peut prendre possession du logement, ou encore aucun déménageur ne peut lui livrer son mobilier et ses effets personnels, l’empêchant ainsi d’habiter le logement.

* Se loger étant un besoin essentiel pour un locataire, celui-ci peut au besoin obtenir la remise du logement et des clés, même pendant la période du confinement, par un référé (articles 1221 du code civil et 808 et 489 notamment du code de procédure civile) qui condamnerait le bailleur à l’exécution forcée sous astreinte si celui-ci refusait encore de lui remettre les clés et le logement, si 3 conditions cumulées sont réunies :

  • que le locataire ait mis en demeure le bailleur d’exécuter son obligation de livrer le logement ;
  •  que le locataire remplisse lui-même toutes ses obligations contractuelles (dépôt de garantie + attestation d’assurance + versement du 1er loyer + qu’un état des lieux soit établi par un huissier + plus la caution convenue le cas échéant), et ;
  • que le bailleur ne souffre pas d’un empêchement valable (ex. : ne soit pas en réanimation, victime du Covid 19 ou autre, tandis que personne de son entourage ne serait au courant de cette location ou n’aurait été mandaté pour subvenir à ses obligations de remise des clés et du logement).

* Si le locataire ne remplit pas ses obligations pré-contractuelles (ne remet pas le dépôt de garantie, ou l’attestation assurance des risques ou encore le versement du 1er loyer, voire la caution convenue) :

  • si la cause en est un empêchement temporaire, à ce moment-là l’entrée en vigueur du bail est suspendue le temps que le locataire remplisse son obligation temporairement empêchée (ex. : impossibilité de joindre l’assureur ou attente de l’attestation de sa part pendant tout ou partie du confinement) ;
  • sinon, le bail n’entre pas en vigueur et devient caduc.

* Bien sûr, « le contrat étant la loi des parties », même pendant cette PEUS à propos de l’entrée en vigueur temporairement ou durablement empêchée, les parties peuvent s’accorder pour décider d’un commun accord, au moins parmi les 3 principales possibilités suivantes :

  • le bail entre en vigueur à la date convenue et produit tous ses effets et chaque partie doit remplir ses obligations (cas où il n’y a pas d’empêchement insurmontable pour elles) ou ;
  • le bail est suspendu jusqu’à une date convenue entre les parties -ou dans l’attente de la fin de l’empêchement temporaire pour l’une des parties- et produit tous ses effets à cette nouvelle date qui obligera définitivement les parties puisqu’elles conviennent de cette date en connaissance de cause dans ce cas, ou encore ;
  • le bail est résilié d’un commun accord ou par l’effet du prolongement de l’empêchement qui deviendrait définitif (article 1218 du code civil, al. 2).

Quel que soit l’accord que les parties conviennent pendant la PEUS, cet accord vaut. Sauf s’il crée un « déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties » (art. 1171 du code civil).

* A propos des loyers, que ce soit pendant la PEUS ou en dehors, rappelons que si les loyers sont librement fixés avant la signature du bail, ils sont encadrés dans 2 grandes villes de métropole pour une période expérimentale de 5 ans à compter de leur entrée en vigueur respective :

 

2. Les effets de la PEUS sur la bonne exécution du bail d’habitation en cours avant le 12 mars 2020 (date d’entrée en vigueur de la PEUS):

Les devoirs de chaque partie (bailleur et locataire) ne varient pas pendant la PEUS :

  • S’agissant d’un « besoin essentiel » permanent pour le locataire (être logé décemment sans risque manifeste), le bailleur doit continuer de :
    1. assurer au locataire la jouissance paisible du logement ;
    2. entretenir les locaux et parties communes nécessaires (ex. : intervenir pour que les parties communes soient accessibles et en bon état d’usage et de réparation tels que la propreté et l’éclairage dans les couloirs, l’accès aux espaces verts et aux poubelles et leur bonne gestion, voire aussi le cas échéant que l’accès à l’eau, à l’électricité, au gaz soit toujours en fonction dans/via les parties communes et jusqu’aux parties privatives, ainsi que les équipements soient mentionnés au contrat de location en bon état de fonctionnement, sauf les équipements pour lesquels les parties ont éventuellement expressément convenu des travaux que le locataire exécutera ou fera exécuter et des modalités de leur imputation sur le loyer).
  • De son côté, le locataire doit, comme d’habitude, pour l’essentiel :
    1. * jouir paisiblement du logement, conformément à sa destination ;* prendre à sa charge l’entretien courant du logement, des équipements mentionnés au contrat et les menues réparations ainsi que l’ensemble des réparations locatives (* sauf si ces réparations sont occasionnées par vétusté, malfaçon, vice de construction, cas fortuit ou force majeure;
      * répondre des dégradations et pertes qui surviennent pendant la durée du contrat (* à moins qu’il ne prouve qu’elles ont eu lieu par cas de force majeure, par la faute du bailleur ou par le fait d’un tiers qu’il n’a pas introduit dans le logement) et ;
    2. payer le loyer : en effet, la PEUS n’a pas eu d’impact règlementaire sur le montant des loyers d’habitation et leur paiement (à la différence des baux professionnels et commerciaux: cf. article 4 de l’Ordonnance n°2020-316 du 25 mars 2020).

Signalons néanmoins, que des Offices Publics d’HLM ont fait part de leur souhait de prendre en compte les difficultés financières de leurs locataires provoquées par la PEUS.

Mais la seule particularité à notre sens, vue la PEUS, est que pendant le confinement au moins, seulement s’il y a une urgence (ex. : besoin essentiel pour un voisin ou péril) et la possibilité de préserver la sérénité et la santé du locataire et des intervenants, par le respect des gestes barrières et autres, le locataire doit permettre l’accès aux lieux loués pour la préparation et l’exécution des travaux d’amélioration ou nécessaires prévus par la loi (cf. article 7, e), de la Loi) ;

En cas d’absence d’urgence à effectuer de tels travaux (ex. : absence de péril, de besoin essentiel) ou d’impossibilité de respecter les gestes barrières ou la sérénité du locataire et des voisins (cas du trouble manifeste), le locataire nous apparaît pouvoir refuser de tels travaux pendant la PEUS, et tout particulièrement pendant la période de confinement (du 17 mars au 10 mai), que ces travaux soient initialement commandés par ses soins ou par ceux de son bailleur dans la mesure où la sérénité et la santé du locataire et des voisins doivent être préservées, particulièrement pendant la période du confinement.

  

3. Les effets de la PEUS sur les causes et conditions de la fin des baux d’habitation pendant la PEUS:

* La résiliation par le locataire pendant la PEUS (les causes et conditions ne changent pas pendant la PEUS) :

« Le locataire peut résilier le contrat de location à tout moment », y compris pendant la PEUS (aucun texte régulant la PEUS n’est en effet venu modifier cette faculté). Aussi, si les conditions légales habituelles de forme et de délai sont respectées (articles 12 et 15 de la Loi), telles que brièvement rappelées ci-après, le locataire peut résilier le bail :

  • à tout moment par lettre recommandée AR ou par huissier (N.B. : habituellement le locataire utilise peu la résiliation du bail par huissier, mais il a pu retenir cette faculté au début du confinement compte tenu de la suspension -totale puis partielle- de l’activité de La Poste),
    • soit avec 1 mois de préavis, si le logement se trouve à Paris ou dans une « zone d’urbanisation continue de plus de 50 000 habitants » où il existe notamment des déséquilibres économiques et un observatoire local des loyers (art. 16 et 17, I de la Loi), ou si le locataire obtient un premier emploi, une mutation, vient de perdre son emploi, ou obtient un emploi consécutif à une perte d’emploi ; si son état de santé dument constaté par un certificat médical, bénéficie du RSA ou de l’allocation adulte handicapé ; ou encore s’il s’est vu attribuer un logement social ;
    • soit avec 3 mois de préavis, si aucune des conditions ci-dessus rappelées n’est réunie.

* La résiliation par le bailleur :

Toutes les causes et conditions limitativement prévues par la Loi du 6 juillet 1989 valent pendant la PEUS, avec une particularité pour le bailleur qui veut résilier pour reprise personnelle.

a) pour reprise personnelle ou vente :

  • les bailleurs personnes physiques ou SCI familiale ou indivision (article 13 de la Loi) peuvent résilier le bail à la fin de chaque période triennale, mais seulement pour une reprise personnelle ou familiale (limitativement énuméré à l’article 15 de la Loi) ou encore pour vente (idem), tandis qu’ ;
  • un bailleur personne morale (hormis SCI familiale ou indivision citées ci-dessus) ne peut résilier le bail qu’au bout de 6 ans (article 10 de la Loi), puis tous les 3 ans ;
  • mais quelle que soit la qualité du bailleur, chaque fois des conditions de forme très encadrées doivent être respectées, pour lesquelles il est recommandé de consulter un avocat et/ou de s’en remettre à un huissier.

* Seule particularité pendant la PEUS, si le délai imparti pour respecter les 6 mois de préavis et délivrer un congé au locataire expirait durant la PEUS, la période pour résilier est prolongée de deux mois à l’issue de la fin de la PEUS (article 2 de l’ordonnance du 25 mars 2020). De la même manière, le délai de préavis de 6 mois sera respecté pour permettre au locataire de s’organiser, quelle que soit la date (cf. note de la Direction des affaires civiles et du sceau -7 avril 2020, mise à jour le 28 avril 2020).

b) en cas de décès du locataire ou d’abandon du domicile par ce dernier (art. 14 et 14-1 de la Loi) ; ici la PEUS n’a pas de conséquences juridiques particulières, mais la Covid-19 pouvant être mortelle, rappelons les conséquences du décès du locataire ou de son abandon du logement :

Pour résilier le bail, le bailleur doit, comme en temps habituel, faire délivrer une mise en demeure par un huissier de justice. Si ce commandement reste sans effet pendant un mois, l’huissier de justice peut procéder à la constatation de l’état d’abandon du logement. Le bailleur pourra ensuite solliciter la constatation de la résiliation du bail par le juge qui autorisera en plus, si nécessaire, la vente aux enchères des biens laissés par le locataire.

Mais, dans telles situations, si avec le locataire en titre résidait habituellement l’une des personnes suivantes :

  • son conjoint ou son partenaire lié par un pacte civil de solidarité ;
  • des descendants, des ascendants, son concubin notoire ou des personnes à charge, qui vivai(en)t avec lui depuis au moins un an,

le contrat de location continue ou est transféré au profit de celui-ci. N.B. : « en cas de demandes multiples, le juge se prononce en fonction des intérêts en présence. »

c) par la faute du locataire: si le locataire ne paie pas le loyer d’habitation et/ou les charges, n’assure pas le logement, n’use pas les locaux loués paisiblement ou conformément à leur destination (résultant de troubles de voisinage constatés par une décision de justice passée en force de chose jugée), le bailleur peut lancer la procédure habituelle de résiliation du bail.

 A propos de la trêve hivernale, les expulsions décidées par la justice pourront de nouveau être exécutées à compter de la fin de la PEUS, soit à compter du 10 juillet 2020 (loi du 11 mai 2020, article 10). A moins que la PEUS soit écourtée ou prolongée pour tel ou tel territoire suivant la circulation du virus. A suivre donc.

 

 

Cyrille Durand-Fontanel

Me Cyrille Durand-Fontanel a pour cœur de métier la rédaction et la négociation des contrats et les conseils liés.
222, boulevard Saint-Germain
75007 Paris
06 84 81 90 30
www.durand-fontanel-avocat.com
Le cabinet « Durand-Fontanel, avocat » est aussi un Organisme de Formation*
(* n° 11 75 54483 75 enregistré auprès du préfet de la région Ile-de-France)
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