« Démembrement de propriété : qui vend quoi ? Dans quelles conditions ? », Guillaume Philippon, Expert Foncier et Agricole

L’article 544 du code civil dispose que « La propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu'on n’en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements » toutefois, on peut avoir des droits ou devoirs sur un bien sans pour autant avoir voix au chapitre. Les apparences sont parfois trompeuses …

Agents, négociateurs ou mandataires doivent s’assurer d’avoir le/les mandats signés de tous !

L’usus (user, droit d’usage et d’habitation) et le fructus (tirer les fruits, montant des loyers) constituent en droit français la notion d’usufruit que l’on distingue de l’abusus (disposer, droit de vendre) notion de la nue-propriété.

On évoque ici bien le démembrement de la propriété qu’il ne faut pas confondre avec l’indivision qui est le fait de posséder des droits de même nature sur un bien et dont les règles de fonctionnement sont régies par les articles 815 et suivants du code civil. Usufruitiers et nus-propriétaires ne sont pas des indivisaires, le droit a cloisonné leurs rapports, et ne peuvent exiger l’un envers l’autre des actions ou obligations.

Pour vendre un bien immobilier il faut donc parfois obtenir l’accord, non pas seulement d’indivisaires, mais de propriétaires : usufruitiers ou nus propriétaires afin de reconstituer la pleine propriété qui, généralement, seule intéressera un futur acquéreur.

Titre de propriété : Acte authentique de vente, acte de donation …

Tout professionnel de l’immobilier doit consulter les actes afin de prendre connaissance des droits de chacun et de s’assurer d’avoir devant le lui le/les bon(s) interlocuteur(s). La prise d’un mandat de vente sans avoir obtenu l’accord de tous les intéressés pourrait entrainer une situation juridique complexe dès lors qu’une offre d’achat ou un compromis de vente auraient été signés (ex : Monsieur A, vendeur, serait engagé contractuellement envers Monsieur C, acquéreur, alors que Monsieur B, lui aussi propriétaire, n’aurait pas été informé de la vente du bien dont il ne veut pas).

La donation ou la donation-partage sont des actes non dénués d’intérêt fiscal en matière de transmission patrimoniale, toutefois, les quotes-parts (usufruitiers/nus-propriétaires) évoluent avec le temps et il est du devoir d’information de tous professionnels de l’immobilier d’indiquer à son client quelle quote-part du prix de vente chacun va obtenir. La répartition repose sur le barème de l’administration fiscale suivant :

Ainsi une mère qui aurait donné à l’âge de 53 ans son appartement, d’une valeur de 250.000 € à ses deux enfants leur aurait transmis et donc fait une donation de : 250.000 x 0,5 = 125.000 € soit 62.500 € chacun. 25 ans plus tard, l’appartement serait vendu pour raisons diverses avec l’accord de tous au prix de 350.000 €, les droits de la maman, âgée de 78 ans, seraient de 350.000 x 0,3 = 105.000 € alors que les droits des enfants seraient de : 350.000 x 0,7 = 245.000 € soit 122.500 € chacun.

Les mandats de mises en ventes doivent donc comporter la quote-part respective de chacun afin de ne pas en avoir le reproche voire une action en responsabilité engagée lors du partage du prix.

Vente en viager et démembrement

Juridiquement la vente en viager n’est pas un démembrement de propriété. Le transfert de propriété est effectué au jour de l’acte entre débirentier (acquéreur) et crédirentier (vendeur). L’acquéreur prendra possession des lieux au décès. C’est un caractère aléatoire du contrat qui peut s’avérer gagnant comme perdant.

Rappels

  1. La nue-propriété n’est pas seulement le droit de vendre ou non un bien elle recouvre aussi des obligations, notamment, celle positive liée aux grosses réparations que l’article 606 met à la charge du nu-propriétaire mais sans qu’il soit expressément tenu de les effectuer.

 

  1. La résidence principale d’un couple, même si celle-ci est la propriété d’un seul des deux, ne peut être vendu sans leur accord commun en vertu de l’article 215 du code civil. Il faut donc avoir été mandaté par les deux.

 

Guillaume Philippon, Expert Foncier et Agricole, est aussi Expert près la Cour d’Appel d’Orléans. Il dirige le cabinet Lexpertissimmo, qu’il a créé seul il y a deux ans, dont l’activité accessoire est la formation professionnelle continue auprès du notariat et d’agences immobilières. Anicen sportif de haut-niveau investi dans la cause associative, Guillaume Philippon est membre du Comité Exécutif de l’Institut Européen de l’Expertise et de l’Expert (EEEI). Il est certifié Recognised European Valuer depuis 2014 et intervient partout en France. Contact : 09 62 63 95 41 et http://www.lexpertissimmo.fr

Categories: Expertise
jda: