« Le mandat, vecteur de liberté pour les vendeurs », Quentin Lagallarde, Expert près la Cour d’Appel de Caen et Enseignant droit immobilier et expertise immobilière

Les régimes des offres d’achat et de vente sont mal connus des professionnels. L’offre de vendre et l’offre d’acheter suivant qu’elles se déroulent dans des transactions entre particuliers ou par l’intermédiaire du professionnel loi Hoguet n’emportent pas les mêmes effets.

Bien souvent perçu comme restreignant la liberté des mandants, le mandat loi Hoguet leur confère une plus grande liberté et sécurité que la transaction entre particuliers.

Quelques rappels sur l’offre

L’article 1114 du Code Civil pose les règles de l’offre : « L’offre, faite à personne déterminée ou indéterminée, comprend les éléments essentiels du contrat envisagé et exprime la volonté de son auteur d’être lié en cas d’acceptation. A défaut, il y a seulement invitation à entrer en négociation »

En matière immobilière, l’offre de vendre est bien souvent faite à personne indéterminée, par l’intermédiaire des publicités de vente, alors que l’offre d’acheter est faite à personne déterminée, par l’acquéreur potentiel à propriétaire vendeur déterminé.

L’offre de vente se doit d’être précise, savoir : comporter les éléments essentiels du contrat envisagé. Elle doit au minimum comporter les éléments relatifs à la chose et au prix ; ce sont les éléments indispensables sur lesquels les parties doivent s’accorder. Ainsi, si la volonté des parties se rencontre sur un bien suffisamment et précisément désigné, la vente est formée par l’acceptation de l’offre de vente bien souvent matérialisée par une offre d’achat émise par l’acquéreur, si elle répond aux mêmes conditions. Ce que l’on appelle dans le jargon professionnel « l’offre au prix ».

En matière de copropriété, l’offre (d’achat et/ou de vendre) devrait comporter les indications  relatives à la superficie privative (art. 46 de la loi de 1965) puisqu’en cas de rencontre des volontés il se forme un contrat de vente.

Il est aussi bien souvent recommandé de préciser dans l’offre d’achat les modalités du financement de l’acquisition, les délais, les éventuelles conditions suspensives ainsi et, plus généralement, les éléments essentiels d’un avant contrat.

D’autre part, l’offre doit avoir un caractère de fermeté, c’est-à-dire, manifester la volonté de son auteur d’être lié en cas d’acceptation. Ainsi, une offre assortie de réserves (par exemple une confirmation d’accord ultérieur) n’aurait que le caractère de pourparlers et ne peut donc se transformer en vente.

Autre recommandation, celle d’assortir l’offre d’un délai pendant lequel elle est valable ; pour ce qui est de la vente, elle s’entend valable pendant tout le temps de la parution de l’annonce, pour l’offre d’achat, à défaut de précision, elle serait valable pendant un délai raisonnable… d’où l’importance de préciser le temps pendant lequel cette offre d’acquérir sera valable et à l’issu duquel l’offrant retrouvera sa liberté.

Enfin, il n’est plus nécessaire de conseiller de n’avoir recours qu’aux écrits pour des conditions évidentes de la nécessiter de prouver.

Les offres de vente diffusées par les particuliers

Le 28 novembre 1968, la 3ème Chambre civile de la Cour de Cassation a consacré qu’une offre de vente diffusée par voie de presse d’un terrain et qui a fait l’objet d’une acceptation sans réserves de la part d’un acquéreur formait un contrat de vente. Bien entendu, cela sous-entend que l’annonce immobilière soit suffisamment précise sur le bien et le prix.

Cette solution ancienne s’adaptait aux situations de l’époque. Aujourd’hui, les transactions sont devenues plus complexes et les éléments à intégrer au contrat plus nombreux. Mais un acquéreur qui accepterait sans réserve ni condition de financement l’offre de vente faite par le vendeur d’un bien immobilier devrait encore pouvoir consacrer la vente.

En résumé, entre particuliers, le premier qui accepterait une offre de vente sans réserves ni condition particulière emporterait l’acquisition du bien ; solution juridique qui peut néanmoins entrainer une certaine insécurité puisque le vendeur ne pourrait dans cette configuration se permettre de comparer entre différentes offres d’achat qui seraient aux mêmes conditions, voire supérieures au prix demandé, celle qui a le plus de chances d’aboutir à la réalisation de la vente réitérée par l’acte authentique.

Les offres diffusées par les professionnels loi Hoguet

Les offres de vente diffusées par les professionnels par le biais des annonces immobilières sont, bien souvent, d’un tout autre régime. Il est souvent évoqué la fameuse « offre au prix », lorsqu’un acquéreur émet une offre d’achat ferme et sans négocier le prix notamment et il est couramment considéré qu’il y a accord sur la chose et le prix et que le vendeur est tenu de poursuivre la vente et délivrer le bien à l’offrant.

Cette considération résultant tout simplement des règles bien connues du Code Civil.

D’ailleurs nombre de mandats d’agents immobiliers sont intitulés « mandat de vente » et contiennent des indications telles que « le mandant s’engage à ratifier la vente à tout acquéreur présenté par le mandataire qui accepte les charges et conditions … » et laissent entendre tant aux parties qu’à l’acquéreur que la vente est engagée dès que ce dernier accepte les conditions sans réserves.

La méconnaissance de la loi Hoguet sur ce point, surtout de la part des professionnels, entraine un contentieux injustifié.

En effet, la Cour de Cassation a eu l’occasion à plusieurs reprises de rappeler la véritable qualification du mandat loi Hoguet. La haute juridiction (Cass. 1ère Civ – 10 mai 1995 – n°92-16114) a pu dire dans un arrêt que tant l’intitulé du mandat que la clause « ratifier la vente à tout preneur présenté par l’agence X en acceptant le prix et les conditions des présentes » étaient insuffisants au regard des exigences posées par l’alinéa 3 de l’article 72 du décret de 1972 pour engager l’opération de vente. La Cour a réaffirmé qu’une offre d’achat aux prix et conditions du mandat de l’agent immobilier n’engageait pas le vendeur (Cass. 1ère Civ – 14 décembre 2004 – n°03-10528)  et qu’ainsi le professionnel n’avait pas droit à honoraires mais à néanmoins à indemnisation sa mission étant réputée accomplie, rappelant ainsi la qualification du mandat en simple contrat d’entremise ; elle a par la suite d’ailleurs précisé dans un arrêt de principe (Cass. 1ère Civ – 28 juin 2012 – n°10-20492) que ce refus du vendeur ne pouvait donner lieu à une indemnisation du professionnel que si le mandat comportait une clause pénale le prévoyant expressément. Cet arrêt a aussi été l’occasion de rappeler l’alinéa 3 susvisé « Lorsqu’il comporte l’autorisation de s’engager pour une opération déterminée, le mandat en fait expressément mention. ». Il faut donc entendre, à la lecture de la jurisprudence, que pour qu’un vendeur puisse être contraint de vendre il faut que le mandat transfère le pouvoir pour l’agent immobilier d’aliéner le bien en lieu et place du mandant avec une véritable clauses de représentation. A défaut, le mandat est un simple mandat d’entremise.

La solution semblait figée mais la Cour de Cassation a opéré un revirement de jurisprudence en 2016 en donnant une lecture des plus strictes de la loi Hoguet (article 6 I alinéas 8 et 10) et son décret d’application (article 72) qui disposent que le professionnel n’a droit à aucune rémunération, indemnisation de frais engagés, honoraires, etc… tant que l’opération n’a effectivement été constatée par un acte écrit contenant l’engagement des parties. Ainsi, en l’espèce, la Cour de Cassation a débouté le professionnel de sa demande d’indemnisation après avoir présenté par trois fois des offres correspondant au prix demandé par le mandant car aucun acte n’est venu constater l’échange des consentements entre vendeur et acquéreur. Cette solution est des plus lourdes contre le professionnel qui avait certainement engagé et multiplié les démarches pour aboutir au résultat conformément à la mission confiée par le mandat.

Ainsi, la plupart des mandats, rare exception étant faite de ceux qui comporteraient pouvoir de s’engager pour les mandants, ne sont que des mandats d’entremise.

Ainsi, les annonces diffusées par les professionnels ne sont pas des offres de vente mais de simples invitations à entrer en pourparlers avec le vendeur par l’intermédiaire du professionnel.

La sécurité et la liberté, arguments du mandat Loi Hoguet

Les effets très limités du mandat de par la mission de recherche d’acquéreurs qu’il confie la plupart du temps permettent d’offrir davantage de liberté et de sécurité au mandant vendeur.

En effet, à contrario de l’annonce diffusée par le particulier qui pourrait emporter vente en cas d’acceptation, l’annonce diffusée par le professionnel n’est qu’une invitation à entrer en pourparlers avec le mandat avec cet intermédiaire. Cela permet au vendeur de pouvoir conserver un pouvoir d’agrément en cas d’acceptation sans réserve ni condition de l’offre de vente d’un bien déterminé. Dans le contexte actuel où plusieurs acquéreurs peuvent se présenter sur un même bien, avec des conditions financières différentes, des offres de prix parfois même inespérées par rapport au mandat, le mandant pourra choisir avec davantage de liberté son futur cocontractant.

Le mandat n’est donc pas un contrat restrictif de liberté pour les mandants ; il est une grande protection pour un processus de vente davantage sécurisé où le professionnel de la transaction à un devoir de conseil éminemment important à jour. Bien des particuliers diront que passer par agence coûte cher, mais la liberté n’aurait-elle pas un prix ?

 

Categories: Expertise
Quentin LAGALLARDE: Quentin LAGALLARDE , Chartered surveyor MRICS, expert évaluateur en immobilier près la Cour d’Appel de Caen. Certifié en expertise immobilière de l'ESSEC Business School et titulaire du DU expertise judiciaire (faculté de Droit de l'université de CAEN). Il est membre agréé du collège des experts du SNPI, Quentin LAGALLARDE dispose de plusieurs années d'expérience dans différents cabinets immobiliers en matière d'expertise, transaction et location. Il est certifié REV par TEGoVA, MRICS et également inscrit sur la liste des experts près la Cour d'Appel de Caen. En sus de son activité expertise, il est formateur auprès des professionnels de l’immobilier. Ses formations sont disponibles sur www.cotentin-expertise.fr. Téléphone : 02 33 03 17 02