« Mandat d’entremise dénoncé tardivement et indemnisation de l’agent immobilier », Caroline Tomasi-Serre, avocate au Barreau de Paris

En présence d’un mandat d’entremise, le mandant peut refuser de conclure la vente et résilier le mandat de l’agent immobilier qui lui a transmis une offre au prix du mandat et ce, sans avoir à l’indemniser.

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C’est en ce sens qu’a statué la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 8 septembre 2021 (Civ. 1, 8 septembre 2021, n°20-12.171).

En l’espèce, une mandante confie à un agent immobilier un mandat de vente de son appartement pour le prix de 86.500 euros, en ce inclus la rémunération de l’agent immobilier pour la somme de 6.500 euros. Le mandat est conclu pour une durée de trois mois, renouvelable par tacite reconduction.

Pendant la durée du mandat, un candidat acquéreur forme une proposition d’achat du bien au prix fixé dans le mandat incluant les honoraires de l’agent immobilier. Puis, quelques jours après l’émission de cette offre, la mandante – qui ne souhaite plus vendre son bien – résilie le mandat de l’agent immobilier par lettre recommandée avec avis de réception.

Lui reprochant d’avoir refusé de signer une promesse de vente avec le candidat acquéreur qu’il lui avait présenté et ayant fait une offre au prix du mandat, l’agent immobilier assigne la mandante en paiement d’une certaine somme au titre de l’indemnité compensatrice prévue au mandat, en réparation du préjudice subi.

La cour d’appel condamne la mandante à indemniser l’agent immobilier.

Insatisfaite, la mandante forme un pourvoi en cassation et soutient notamment qu’aucune somme d’argent n’est due à l’agent immobilier puisque la vente n’a pas été effectivement conclue.

La Cour de cassation vise les articles 1er et 6, I, de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 dite « loi Hoguet », dans leur rédaction issue de la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 – applicable en l’espèce – et 72 du décret n° 72-678 du 20 juillet 1972, dans sa rédaction issue du décret n° 2015-702 du 19 juin 2015, applicable à la cause.

La Cour de cassation rappelle que qu’il résulte du rapprochement de ces textes, qu’aucune somme d’argent n’est due, à quelque titre que ce soit, à l’agent immobilier avant que l’opération pour laquelle il a reçu un mandat écrit ait été effectivement conclue et constatée dans un seul acte contenant l’engagement des parties ; qu’un tel mandat ne permettant pas à l’intermédiaire qui l’a reçu d’engager le mandant pour l’opération envisagée à moins qu’une clause ne l’y autorise expressément, le refus de ce dernier de réaliser cette opération aux conditions convenues dans le mandat ne peut lui être imputé à faute pour justifier sa condamnation au paiement de dommages-intérêts, hormis s’il est établi que le mandant a conclu l’opération en privant le mandataire de la rémunération à laquelle il aurait pu légitimement prétendre.

Ceci étant rappelé, la Cour de cassation relève que pour condamner la mandante à payer une certaine somme à l’agent immobilier à titre de dommages-intérêts, après avoir énoncé que la clause pénale prévue au contrat n’était pas due en l’absence de réalisation de la vente, l’arrêt retient qu’en s’abstenant de dénoncer le mandat de vente alors qu’elle ne souhaitait plus vendre son bien, la mandante a manqué à son obligation d’exécuter de bonne foi le contrat et a ainsi engagé sa responsabilité contractuelle envers l’agent immobilier.

La Cour de cassation considère qu’en statuant ainsi, alors qu’elle avait constaté que la vente n’avait pas eu lieu et que la mandante avait résilié le mandat conformément aux dispositions de l’article 12 du mandat, la cour d’appel a violé les articles 1er et 6, I, de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 dans leur rédaction issue de la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 et 72 du décret n° 72-678 du 20 juillet 1972, dans sa rédaction issue du décret n° 2015-702 du 19 juin 2015.

En résumé, cet arrêt rappelle qu’en présence d’un mandat d’entremise, le mandant peut refuser de conclure la vente sans avoir à indemniser l’agent immobilier même si celui-ci lui a transmis une offre au prix du mandat. Soulignons toutefois que l’agent immobilier peut obtenir une indemnisation s’il prouve que la vente a finalement été conclue en fraude de ses droits.

 

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Caroline TOMASI-SERRE: Caroline Tomasi-Serre, avocate au Barreau de Paris, est diplômée du Master II de Droit privé général de l’Université Paris II (Panthéon-Assas) où elle est désormais chargée d’enseignement. Après avoir exercé au sein de cabinets d’avocats de premier plan, Caroline Tomasi-Serre a créé sa propre structure afin de développer une pratique qui lui ressemble et de mettre son expertise et son énergie au service de ses clients. Elle intervient principalement en droit immobilier ainsi qu’en droit des contrats, tant en conseil qu’en contentieux devant l’ensemble des juridictions nationales. Caroline Tomasi-Serre 10, rue Frochot 75009 Paris 01.83.62.55.09 http://www.cts-avocat.fr/ cts@cts-avocat.fr