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« La désintermédiation n’aura pas lieu, enfin pas encore ! », Jérôme REVY – Venture Partner chez NCI

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La mode est à la désintégration des modèles traditionnels. Pour autant, les ingrédients d’une désintermédiation totale ne sont pas encore réunis

photo : journal de l'agence désintermédiation

Il n’aura échappé à personne que le syndic bashing est à la mode. Matera puis Bellman se sont attirés successivement  les foudres de la FNAIM et de l’ANGC (Association Nationale des Gestionnaires de Copropriétés)  pour des publicités dénigrant la profession. Après tout, il ne faut pas s’en étonner : la mode est à la désintégration des modèles traditionnels et pour attirer le chaland, certains ont cru qu’il fallait les désigner à la vindicte populaire.

En 2018, les professionnels de la transaction ont bien cru vivre leurs derniers jours avec l’arrivée des modèles à la  Purplebricks. Pourtant, l’équilibre du marché semble ne pas avoir beaucoup changé : les néo-agences sont devenues  des professionnels de l’immobilier et la disruption n’est pas arrivée.

Faut-il s’inquiéter ?

C’est un fait, le marché résidentiel reste globalement intermédié. On estime que la part des transactions réalisées  par les particuliers n’excède pas 30 % et que les syndics bénévoles ne représentent pas plus de 15 % du marché.  Seul le marché de la gestion locative serait le moins intermédié, si l’on fait abstraction du parc public. Pour  désintermédier la profession, il faudrait une grande maturité de la clientèle, des ressources financières importantes pour migrer une  population acquise aux professionnels vers des modèles nouveaux, une énorme insatisfaction des utilisateurs, une  distorsion trop grande entre la valeur perçue et le coût des prestations et enfin, une absence  de réaction des  professionnels.

La désintermédiation de l’agent immobilier

En 2017, une étude réalisée par Consortium Immobilier montrait que 50 % des sondés ne souhaitaient pas passer par un agent immobilier pour vendre leur bien. Pourtant, ce dernier représente 70 % des transactions. On estime aussi  que 70 % des Français démarrent leur projet de vente via un site de particuliers, mais qu’ils recourent  majoritairement à un professionnel pour finaliser leur vente, surtout si celle-ci est complexe. Preuve que les agents  immobiliers restent indispensables.

Du point de vue de l’acquéreur, l’intermédiation ne pose globalement pas de  problème ; elle est même un élément d’assurance et une aide à la négociation.

Du côté des start-up, la désintermédiation est une innovation d’usage qui, pour être adoptée, nécessite d’énormes investissements en  marketing de marque et en acquisition de leads. Or, les portails immobiliers et les professionnels investissent déjà  beaucoup. Un nouveau modèle arriverait en concurrence avec une multitude d’acteurs déjà installés. Les investissements à réaliser devraient être colossaux, ce que les investisseurs français auraient du mal à  réaliser. Je prends donc le pari que le marché restera intermédié par les professionnels dans la transaction.

Et les néo-agences ?

La taille du marché, la pénurie d’offres et la multiplicité d’acquéreurs vont permettre aux nouveaux acteurs de tirer  leur épingle du jeu. Au Royaume-Uni, on estime à 4 % la part de marché des néo-agences, c’est-à-dire peu ou  prou la part de marché du plus gros réseau de transaction en France. Dans l’Hexagone, les acteurs tels que Proprioo, Liberkeys ou Hosman se font une place mais la concurrence est rude. Leur absence de proximité peut les  freiner, tout comme leur modèle de déploiement peu agile.

Il faudra à l’avenir compter sur ces nouveaux intervenants, sans s’inquiéter outre mesure. N’oublions pas que le  véritable concurrent du professionnel reste le particulier. Le meilleur atout des professionnels reste encore dans leur manche, perdu dans la doublure : le mandat exclusif. Partout où il s’est imposé, les taux d’intermédiation ont  explosé, comme aux États-Unis ou dans les pays nordiques.

Les acteurs de la gestion locative ont des raisons de s’inquiéter Le marché de la gestion locative est, quant à lui, le  marché le moins intermédié. La majorité des propriétaires ont moins de deux biens et une fois installé, un  locataire part en moyenne tous les trois ans. Dans ce contexte, le recours à un professionnel est moins évident.

Néanmoins, l’immobilier locatif est tendance et les multipropriétaires de plus en plus nombreux. C’est une aubaine  pour les plateformes de gestion locative, moins coûteuses qu’un professionnel d’administration de biens, avec des solutions technologiques plus séduisantes. Au passage, les réseaux de mandataires comptent bien  participer à la fête en investissant dans des « nourrices ».

La guerre des syndics aura lieu

Quant aux syndics, ils font face à plusieurs défis : rentabilisation, automatisation des tâches à faible valeur ajoutée,  recrutement, croissance organique. Il est admis qu’en deçà de 50 immeubles, une activité de syndic n’est  pas rentable et passé une certaine taille, les cabinets sont tentés de céder leur portefeuille. De fait, on assiste à une  véritable concentration entre les mains des 3 majors Nexity, Foncia et Citya. C’est une profession en tension qui  fait l’objet d’une campagne de dénigrement sans précédent des nouveaux acteurs.

Pour la faire évoluer, il y a deux voies possibles : la désintermédiation ou la digitalisation du professionnel. En  France, Matera a ouvert la porte à la désintermédiation de la profession de syndic, en proposant aux  copropriétaires de se passer des services professionnels et en leur offrant les mêmes outils, en plus d’un backoffice  juridique et comptable, moins cher !

Or, tous ceux qui un jour ont été responsables d’un conseil syndical de copropriété savent que sans le syndic, ils  seraient perdus. Personne ne souhaiterait même à son ennemi d’endosser le dur rôle de syndic de copropriété à  titre bénévole. Ce modèle désintermédié me semble ainsi difficile à installer dans le paysage  français pour le  moment.

En revanche, il doit inciter les professionnels à adopter de meilleurs outils digitaux, pour gagner en rentabilité et  en confiance. Il y a définitivement une place pour des acteurs hybrides, tels que Homeland, Hellosyndic ou White  Bird, qui pratiquent des tarifs abordables.

Repenser les modèles traditionnels

Pour conclure, je crois que la  profession a su prendre conscience assez vite du risque de disruption réel qui pèse sur elle dans un monde plus  digital. Pour autant, les ingrédients d’une désintermédiation totale ne sont pas encore réunis. C’est pourquoi il est  urgent de repenser les modèles traditionnels dans une approche hybride, en s’appuyant sur les start-up qui ont  souvent compris plus vite les besoins des nouveaux consommateurs. En cela, les professionnels doivent encourager l’innovation, la promouvoir et la financer dans des modalités qui sont encore à inventer.

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