Si le sujet de l’accès au crédit immobilier est une problématique en général, le contexte actuel ajoute des contraintes complémentaires au marché. Les premiers à en payer les conséquences sont très souvent les personnes dont la situation professionnelle ou personnelle est la plus fragile. À cet égard, il faut bien reconnaître que les ménages unipersonnels féminins ou les familles monoparentales sont davantage touchés, et ce de façon d’autant plus prégnante que les familles monoparentales sont pour 85 % des femmes.
Alors, les femmes seules ont-elles un accès plus restreint au crédit immobilier ?
Les femmes ont-elles un accès plus restreint au crédit ?
Même si la différence n’est pas excessivement forte, elle est tout de même nette : 20,3 % des emprunteurs « solo » sont des hommes, pour 19 % de femmes, dans le cadre de crédits immobiliers contractés par un seul emprunteur, selon le site Selexium.
Ces chiffres sont à rapprocher également des statistiques relatives aux typologies d’emprunteurs, qui font ressortir qu’en 2023-2024, 40 % environ des achats immobiliers sont réalisés par des ménages unipersonnels ou monoparentaux selon le site MoneyVox. Parmi ces 40 %, 46 % sont des femmes et 54 % des hommes.
Cette moindre représentativité des femmes seules n’est pas le fait principal de décisions bancaires. La loi punit lourdement toute décision de discrimination genrée et un refus de prêt dans le cadre d’un projet d’achat n’est donc pas causé par un sectarisme forcené ou des conditions plus strictes d’accès pour les femmes.
Pourquoi les femmes sont davantage lésées ?
Une des explications est liée aux revenus des emprunteurs. L’inégalité existe bien : le revenu salarié moyen des femmes est inférieur à celui des hommes de 16 % à poste égal à l’échelle de l’Europe, et de 15,9 % en France.
Là où tout bascule encore davantage, c’est lorsqu’il y a des enfants dans le ménage monoparental. Les femmes se voient attribuées leur garde dans 72 % des cas de divorces et séparations. Ceci signifie que dans le calcul de l’endettement par le banquier, lors de l’étude d’une demande de crédit immobilier, le nombre de personnes dans le foyer détermine le calcul du « reste à vivre ». Ainsi, dès lors que le nombre d’enfants au foyer augmente, les banques redoublent de prudence.
Les autorités de tutelle du monde bancaire ont par ailleurs ajouté une couche supplémentaire de recommandations sur la prévention de l’endettement des ménages, en attirant l’attention des banques sur les revenus « durables » des emprunteurs au cours de la vie du prêt. Ceci a signifié que l’approche des revenus de redistribution comme les pensions d’aide à l’éducation des enfants, ou les allocations familiales, ont été révisées et durcies dans la quasi- totalité des établissements.
De même, pour les personnes qui disposent de revenus locatifs dans leur patrimoine, la fin du calcul par différentiel entre revenus encaissés et charges déboursées a précipité certaines personnes dans une situation d’endettement telle qu’il leur a été impossible de contracter un nouvel emprunt, même pour changer de résidence principale.
Dans cette énumération, une lueur est apparue pour les personnes bénéficiant de pensions alimentaires, puisque la loi définit depuis mars 2022, que si le versement de la pension n’est pas effectué, l’ARIPA assure l’intérim du montant, en recouvrant cette somme directement sur les revenus de celui (ou celle) qui devait procéder au versement.
Quelques solutions
S’il n’est pas possible de s’affranchir des règles prudentielles d’accès au crédit, il existe des astuces pour optimiser ses chances de décrocher un accord pour une femme seule.
Tout d’abord, il faut explorer toutes les pistes relevant des prêts aidés. Ainsi le Prêt à Taux Zéro (PTZ) peut représenter jusqu’à 50 % du financement de l’opération, contrairement à avant 2025 où sa quotité ne pouvait excéder 40 %. Dans le même registre, si le Bail Réel Solidaire (BRS) reste encore marginal dans la production de prêts réglementés, il connaît une évolution importante. D’autant que le Gouvernement autorise le recours au PTZ aussi pour le financement. Rappelons que le BRS est un prêt social permettant d’acheter uniquement le bâti, avec une période préalable de location-accession du logement.
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Il faut aussi explorer les solutions de prêts permettant la modulation, c’est-à-dire prévoyant dans les conditions générales d’augmenter à sa guise le montant de l’échéance de remboursement. Cela permettra, en cas d’évolution de carrière et de revenus, de départ ultérieur des enfants ou de refonte d’un nouveau foyer avec un partage des dépenses courantes, d’accélérer le remboursement du prêt. Et a contrario, en cas de coup dur, de réduire le montant de l’échéance pour ne pas être étranglée par l’amortissement du prêt.
Il convient encore de prioriser la consultation d’un courtier, qui a un panorama plus large de solutions. Toutes les banques sont soumises aux mêmes règles prudentielles, mais certaines sont parfois plus ingénieuses. En cas d’endettement déjà existant (prêt à la consommation, crédit renouvelable…), le courtier peut aussi envisager de regrouper les crédits et prévoir l’intégration d’une ligne de prêt pour un achat immobilier. Les prêts à la consommation, généralement amortissables sur des durées inférieures (7-10 ans), se retrouvent étalés sur la durée du crédit immobilier.
Cela représentera un coût total plus élevé certes, mais cela permet de réaliser l’opération et rien n’interdit que l’emprunt soit remboursé bien avant le terme prévu initialement.
Enfin, il convient de ne pas omettre d’interroger les services sociaux, notamment la Caisse d’Allocations Familiales ou encore de se renseigner auprès des collectivités locales qui, parfois, accompagnent l’installation d’habitants sur leur territoire avec des subventions ou des accords de prêts bonifiés.
L’apport personnel demeure une clé de voûte importante pour obtenir l’accord bancaire. Ce n’est pas pour rien si le montant de l’apport personnel des femmes seules dans les dossiers de prêt à l’accession représente en moyenne 22,9 % en 2024 (source du site Empruntis) contre 20,8 % pour les hommes. Sans doute un coup de pouce des parents derrière cela.
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D’ailleurs, il faut vraiment profiter de la période actuelle, car la loi de Finances 2025 a entériné la disposition fiscale très intéressante de l’exonération de droits sur les donations familiales à raison de 100 000 euros par donateur et jusqu’à 300 000 euros au global par donataire, pour réaliser l’achat de sa résidence principale. La disposition ne vaut que jusque fin 2026.
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