Honoraires et nullité du mandat : la Cour de cassation sécurise les professionnels

Depuis 2017, la nullité du mandat n’est plus systématiquement sanctionnée par la perte du droit à honoraires. Une évolution favorable aux professionnels (I) dont les conditions sont appréciées souverainement par les Tribunaux (II).
Honoraires et nullité du mandat : la Cour de cassation sécurise les professionnels

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I- Évolution de la jurisprudence

La réglementation Hoguet est stricte et son non-respect sévèrement sanctionné notamment en matière de mandat. En effet, il existe au seul titre de la réglementation Hoguet plus de 35 causes de nullité du mandat (1).

Pendant près de 50 ans, la Cour de Cassation a jugé que le non-respect du formalisme de la réglementation Hoguet était sanctionné par la nullité absolue. Une erreur de forme sur le mandat (numéro d’enregistrement non reporté, taille de caractère insuffisante, etc..) et c’était la perte du droit à rémunération et à indemnisation.

En 2017, la Cour de Cassation opère un revirement majeur. Elle juge dorénavant que la réglementation Hoguet régule à la fois des intérêts généraux et particuliers et que le non-respect du formalisme du mandat est une nullité relative susceptible de ratification dans les rapports mandants/mandataires (2 et 3).

En effet, depuis 2016 le Code civil prévoit que « la nullité relative ne peut être demandée que par la partie que la loi entend protéger. Elle peut être couverte par la confirmation (…) », « la confirmation est l’acte par lequel celui qui pourrait se prévaloir de la nullité y renonce (…) L’exécution volontaire en connaissance de cause de nullité vaut confirmation (4). » Ces fondements juridiques posés, quelles sont les conséquences pratiques ?

Seul le mandant peut se prévaloir du non-respect du formalisme du mandat

Les arrêts de 20172 et 3 jugent que les prescriptions formelles du mandat visent la seule protection du mandant dans ses rapports avec le mandataire.
Il en résulte que les tiers au mandat ne peuvent pas se prévaloir du non-respect du formalisme légal d’un mandat de vente. Pour une illustration relative à un locataire qui n’a pas été recevable à contester la validité d’un mandat pour contester un congé (2).

De la même façon, étant un tiers au mandat de vente, un acquéreur ne peut pas contester la validité d’un mandat de vente au titre du formalisme légal (5).

Un mandat nul peut donner droit à des honoraires

Le principe est qu’un mandat nul peut recevoir application si les parties ont renoncé à la nullité par la confirmation également appelée ratification.

La confirmation peut être expresse ou tacite notamment par l’exécution du contrat et c’est en connaissance de cause que les parties doivent renoncer à la nullité. La renonciation tacite par exécution du contrat suscite du contentieux, les uns estimant qu’il y a eu confirmation de la nullité et que les honoraires sont dus, les autres contestant la confirmation estimant avoir exécuté le mandat en méconnaissant la cause de la nullité.

C’est le juge qui apprécie, souverainement et au cas par cas, si les parties ont renoncé à la nullité et si les honoraires sont dus.
Le panorama de jurisprudence ci-après permet de voir les circonstances dans lesquelles le juge considère que les honoraires sont dus ou pas.

II- Panorama de jurisprudence sur la confirmation

En présence d’un mandat entaché de nullité ou d’absence de mandat, la ou les nullité(s) sur le formalisme peuvent être au cas par cas ratifiée(s).

Des cas de confirmation reconnue

  • Un administrateur de biens autorisé à conserver 86 000 € d’honoraires sans mandat car les bailleurs avaient ratifié en connaissance de cause en poursuivant la gestion des biens pendant 7 ans sans protestation sur le service, ni sur le prix ; l’administrateur ayant rendu compte de sa gestion régulièrement et les héritiers ayant mis un terme à la mission dans les conditions du mandat qui leur avait été envoyé pour signature (3).
  • Une absence de mandat signé par le mandant relatif à la vente de plusieurs lots et ratification par le paiement des honoraires au titre de cinq ventes en vertu du mandat non signé (6).
  • Une conservation d’honoraires de gestion malgré deux mandats nuls, la confirmation étant caractérisée par des échanges réguliers de 2013 à 2016 sur la gestion des biens et la communication des taxes foncières pour récupération de la taxe des ordures ménagères (7).

Des cas de confirmation non reconnue

  • Des mandats de vente nuls pour défaut de mentions obligatoires. La preuve de la confirmation ne peut se déduire de l’absence de dénonciation de mandat. Surabondamment, il y avait absence de carte et de garantie financière à la date de signature du mandat (8).
  • Un mandat de vente nul pour non-respect de l’enregistrement dans l’ordre chronologique. La contre-proportion des vendeurs « frais d’agence inclus » est insuffisante à rapporter la preuve de la connaissance du vice par le mandant et sa volonté de ratifier (9).
  • Un mandat de vente non signé du mandant, mandat de recherche exclusif signé par un candidat acquéreur et vente à un tiers : le fait que l’agence ait pu être en possession des clefs ne démontre pas que le propriétaire les lui a confiées en vue de faire réaliser les diagnostics préalables à une vente, quant aux échanges de sms ils démontrent une relation d’affaires mais sont insuffisants à démontrer l’existence d’un mandat tacite (10).

Ainsi, si l’absence de mandat ou la nullité pour non-respect des prescriptions formelles n’est plus systématiquement sanctionnée par la perte du droit à honoraires, la meilleure protection du droit à honoraires reste encore la conformité du mandat.


1 « Les 35 nullités d’un mandat de vente », Me Caroline Dubuis Talayrach, avocat, Journal de l’Agence.
2 Cass. mixte 24 février 2017, n° 15.20411.
3 Cass. 1e civ. 20 septembre 2017, n° 16.12906.
4 Articles 1181 et 1182 du code civil.
5 CA Paris, 15 mai 2025, n° 24/02948.
6CA Lyon 28 novembre 2019, n° 17/05562.
7 CA Aix en Provence, 5 mars 2021, n° 19/13445.
8 CA Paris 6 mai 2021, n° 19.01401.
9 CA Angers, 12 septembre 2023, 22.00358.
10 CA Nimes, 7 mars 2024, N° 22/04012.

Categories: Juridique
Caroline Dubuis Talayrach: Caroline Dubuis Talayrach Après plus de 20 ans d’exercice en Cabinet d’Avocats Conseils et comme Directrice Juridique et Méthode d’une enseigne nationale de franchise en agences immobilières, Maître Caroline Dubuis-Talayrach a ouvert son propre cabinet de : - Mandataire en cessions d’agences immobilières, cabinets d’administration de biens et syndic - Droit des affaires : Conseil et rédaction des actes en création et transmission d’entreprises, droit des contrats, droit de l’agent commercial, droit des sociétés, droit de la franchise, baux commerciaux - Droit de l’agent immobilier : Conseil et rédaction des actes d’achat/vente de cabinets, formation professionnelle, exercice professionnel, honoraires, création de savoir-faire métiers Sa philosophie : Conseiller – Négocier– Former– Défendre Basé à Aix en Provence j'interviens sur toute la France. Tel : 06 16 72 18 90 - cdubuistalayrach@cdtavocat.com