TOUTE L'INFORMATION PRATIQUE POUR LES PROFESSIONNELS DE L'IMMOBILIER

« Rétractation de l’acheteur, ça bouge ! », Anne-Claude Poncet Expert immobilier BusinessFil

Publié le
Publié le
Réagir 4 réactions
16 559
Evaluer cet article

La jurisprudence récente apporte plusieurs éclaircissements sur le droit de retrait de l’acquéreur d’un bien immobilier.

photo : retractation

L’acquéreur non professionnel d’un bien immobilier bénéficie généralement d’un délai de rétractation de 10 jours. Ce point est régulièrement au coeur de l’actualité jurisprudentielle. Plusieurs décisions récentes méritent toute l’attention des professionnels.

Les biens concernés

Pour que l’acquéreur bénéficie du droit de rétractation prévu à l’article L 271-1 du Code de la construction et de l’habitation (CCH), la vente doit porter sur un immeuble à usage d’habitation, construit ou à construire, ou sur des parts de société donnant vocation à l’attribution d’un bien d’habitation. La Cour de cassation interprète strictement ce texte. Ainsi, si la promesse ne porte que sur la vente d’un terrain à bâtir, l’acquéreur ne bénéficie pas de la faculté de rétractation, même si l’acheteur a la volonté d’y construire un bâtiment d’habitation et que l’acte le mentionne. Attention, cependant, lorsque le terrain à bâtir est situé dans un lotissement soumis à permis d’aménager, le bénéficiaire de la promesse de vente bénéficie d’un délai de 7 jours pour se rétracter, en application de l’article L 442-8 du Code de l’urbanisme. L’acquéreur exerce son droit dans les mêmes conditions que celles prévues pour un bien à usage d’habitation, seule la durée du délai de rétractation est différente.
Cass. civ. 3, 4 février 2016. 

Et en cas de changement d’usage ?

La réglementation ne mentionne, dans son champ d’application, que les biens à usage d’habitation. Ainsi, ses dispositions ne sont pas applicables aux immeubles dont l’usage mixte est  destiné à l’habitation et au commerce. De nombreuses questions demeurent en suspens cependant : notamment, lorsque le bien est à usage d’habitation et professionnel.

En revanche, la Cour de cassation a considéré que l’acheteur d’un local à usage commercial, qui s’engage, dans la promesse de vente, à le transformer en habitation,  doit bénéficier du délai de rétractation « SRU ». En effet,dans ce cas, l’avant-contrat porte sur la vente d’un immeuble à usage d’habitation : la destination d’habitation, conventionnellement choisie par les parties lors de la signature de la promesse de vente, l’emporte sur l’usage actuel du bien.
Cass. Civ. 3, 30 janvier 2008.
Cass. Civ. 3, 12 octobre 2017. 

L’acquéreur protégé

Le droit de rétractation bénéficie à l’acquéreur non professionnel. S’il est aisé d’identifier les professionnels tels que le marchand de biens, qui est exclu de la Protection, la limite entre acheteur professionnel et non professionnel n’est pas toujours certaine, notamment pour les personnes morales, et tout particulièrement les SCI.

Et pour la SCI qui achète un bien ?

Pour la Cour de cassation, il est nécessaire de vérifier l’objet social de la SCI : si l’achat a un rapport direct avec son objet social, la société ne profite pas de la protection légale. Peu importe que la société ait un caractère familial ou qu’elle ne possède qu’un seul bien.  Dans les deux décisions rendues par la Cour de cassation, les SCI avaient pour objet social « l’acquisition… de biens immobiliers ». Elles n’ont donc pas été considérées comme des acheteurs non professionnels. En pratique, il peut apparaître utile de mentionner expressément, dans l’avant-contrat, la raison pour laquelle la protection de l’article L 271-1 du CCH est écartée.
Cass. Civ. 3, 24 octobre 2012.
Cass. Civ. 3, 16 septembre 2014. 

La notification par lettre recommandée

Pour faire courir le délai de rétractation, l’agent a deux possibilités :

  • la notification à l’acquéreur par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, ou par  tout autre moyen présentant des garanties équivalentes ;
  • la remise en mains propres.

La notification par lettre recommandée fait l’objet de plusieurs jurisprudences récentes.

Et si l’acquéreur ne va pas retirer le recommandé ?

La Cour de cassation a tout récemment confirmé le sens du texte de loi : même si l’acheteur  s’abstient d’aller retirer sa lettre  recommandée à la poste, le délai de rétraction, qui lui est offert, court, à la  condition, bien entendu, que la notification soit effectuée à la bonne adresse. Inutile donc, et risqué envers votre vendeur, de procéder à une seconde notification, dans ce cas. En pratique, gardez, sans l’ouvrir, le courrier que la poste vous restitue à l’issue du délai de conservation de 15 jours. Vous pourrez ainsi justifier que vous avez  accompli les démarches nécessaires auprès de l’acheteur.
Cass.Civ. 1, 14 février 2018. 

Et si le recommandé n’est pas remis au bon destinataire ?

Cette épineuse question a également fait l’objet d’une décision récente de la Cour de cassation. Lorsque le  courrier recommandé n’est pas remis à son destinataire, mais à une autre personne, la notification n’est pas valablement effectuée, à moins que la personne qui a signé l’accusé de réception ne dispose d’une procuration pour recevoir l’acte de notification de la promesse de vente. Cette jurisprudence, conforme aux principes généraux en matière de lettre recommandée, oblige à une vérification scrupuleuse de la signature  figurant sur l’accusé de réception, afin de protéger le vendeur.
Cass. Civ. 3, 12 octobre 2017. 

La rétractation de l’acheteur

L’acquéreur peut se rétracter dans les mêmes formes que celles prévues pour la notification. L’achat immobilier est fréquemment effectué par plusieurs acquéreurs, notamment en couple. En présence de plusieurs acheteurs, chacun doit bénéficier du délai de rétractation.

Et si un seul acquéreur se rétracte ?

Chaque acheteur a  la faculté de se rétracter, alors que le co-acquéreur ne partage pas toujours son intention de mettre fin à la vente. Pour une acquisition effectuée par un couple marié sous le régime de la communauté de biens, et  indissociablement  désignés comme acquéreurs, la jurisprudence récente précise que la rétractation de l’un des époux emporte celle de l’autre. En conséquence, le vendeur ne pouvait pas obtenir le paiement de la clause pénale de la part de l’époux qui ne s’est pas rétracté.

Pour éviter tout litige, il est possible de prévoir dans l’avant-contrat le sort de la vente en cas de rétractation d’un acquéreur. Chacun des acheteurs s’engage généralement en  considérant qu’il n’achète pas seul, il apparaît logique que la vente soit caduque si l’un d’entre eux renonce.
Cass. Civ. 3, 14 septembre 2017.

 

.

Vous souhaitez réagir sur cet article ? Contactez les experts BusinessFil au 01 47 87 49 49

.

 

 

Ne manquez pas aussi
Du même auteur
Newsletter

Recevez l'essentiel de l'actualité immobilière sélectionné par la rédaction.

Sur le même thème
Vos réactions
  • Par Max B, il y a 6 années

    Bonjour, un compromis de vente avec un paiement de 3 ou 5 % du bien peut il être signé par l’acquéreur chez l’Agent qui représente le vendeur en exclusivité pour être ensuite remis au Notaire pour execution de l’acte définitif ?
    Merci

  • Par Alexandre - Négociateur Immobilier, il y a 6 années

    Bonjour,

    oui, car comme stipulé, c’est la partie qui se désiste qui sera prise en compte et la part restante ne peux être vlidée, après c’est peut-être au cas par cas =)

  • Par LE GALL, il y a 6 années

    article très utile et clair.

  • Par BEDESTROFFER Claudine, il y a 6 années

    BJR,
    vous évoquez le cas d’un couple marié sous le regime de la communauté , en cas de désistement d’un des co contractants

    ….dans le cas d’un couple, non marié, non pacsé, que devient la promesse d’achat si l’une ou l’autre des Parties se désiste DANS LES 10 JOURS APRES SIGNATURE,… la promesse devient elle caduque .. ,??
    Merci d’avance pour votre réponse

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.

Le journal trimestriel

Vous souhaitez consulter notre dernier magazine ou l'une de nos éditions précédentes ?

Consulter en ligne