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« Airbnb : l’arbre qui cache la forêt », Henry Buzy-Cazaux, Président fondateur de l’Institut du Management des Services Immobiliers.

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On assiste à un déchaînement politique contre les locations meublées de courte durée. Que le gouvernement ne se trompe pas de combat…

Conjoncture immobilier

Les décideurs politiques, les élus des collectivités locales comme le Gouvernement et le Parlement, font assaut d’imagination juridique pour dégrader l’attrait que l’investissement dans des locations de courte durée exerce sur les ménages français. Le projet de loi de finances initiale pour 2024 accueille déjà des amendements de nature à rendre moins favorable la fiscalité de ces locations. On assiste à un concours de créativité législative…

Le ministre en charge du Logement n’est pas en reste. Il propose que l’abattement des revenus fonciers issus de ces locations soit fortement réduit. Le Rapporteur général du budget, député du Gers, a ouvert le dossier du statut du loueur en meublé non professionnel (LMNP) pour alourdir la taxation des plus values de cession des logements exploités sous ce régime. L’amendement prenait dans sa nasse non seulement les locations meublées de courte durée, mais aussi les meublés loués à l’année et les résidences services.

Cette absence de nuance a été corrigée par un autre amendement, limitant aux locations courtes l’aggravation de la taxation de la plus value. Il est proposé qu’elle prenne en compte les amortissements pour la totalité de leur montant dans le calcul de la valeur résiduelle du bien, au lieu de la taxation conforme à la fiscalité personnelle jusqu’alors applicable.

La liste des coups portés à Airbnb n’est pas close : les députés veulent aussi assujettir aux interdictions de louer de la loi Climat et Résilience les logements concernés, et leur réserver le même sort qu’aux logements loués nus.

 

« Rien n’est fait pour restaurer l’attractivité des locations longues,

alors que l’urgence d’abonder le parclocatif privé saute aux yeux. »

La lucrative location touristique accusée de remplacer l’offre de location classique

Pourquoi cette mobilisation contre cette cible ? Simplement parce que les tensions sur le marché locatif sont pour partie attribuées à cette évasion de l’offre classique de logements à louer pour des durées longues vers la très lucrative location touristique. Dans les communes où ce problème prend une acuité exacerbée, les maires en sont réduits à imposer des règles fragiles au plan juridique, telle la compensation, c’est-à-dire l’obligation faite aux investisseurs de mettre sur le marché de la location longue un logement comparable à celui qu’ils exploitent en location touristique. Le Gouvernement et le Parlement ne peuvent laisser sur ce sujet les élus locaux en plein désarroi.

Pourtant, la cause n’est pas entendue : à quelques mois des Jeux olympiques et paralympiques que la France accueille, on sait le potentiel hôtelier insuffisant pour accueillir les 16 millions de passionnés de sport attendus. Les débats s’annoncent houleux pour trouver le bon équilibre.

 

Mais rien n’est fait pour restaurer l’attractivité des locations longues

Le problème de ce combat politique, c’est qu’il masque l’essentiel : pendant que l’État et les lobbies s’occupent de cette question, effectivement importante, rien n’est fait pour restaurer l’attractivité des locations longues. Les niches fiscales disparaissent les unes après les autres, le Pinel est condamné irrémédiablement, mais du statut stable et équitable de l’investisseur dans le logement neuf ou dans l’existant rénové, il n’est pas question. Le ministre du Logement annonce l’ouverture du chantier en 2024, alors que l’urgence absolue d’abonder le parc locatif privé saute aux yeux. Au moins un souci de temporalité, sinon une insuffisance de conscience de la part de l’exécutif.

L’objectif premier consiste à stabiliser l’offre locative actuelle alors que les propriétaires de passoires énergétiques sont pris d’une peur panique à l’abord des échéances d’interdiction de louer.

Le second objectif n’est pas moins pressant : l’investissement locatif est en perte de vitesse. En 2023, les ménages qui ont fait le choix d’apporter un logement de plus au parc loué et de contribuer à la mission d’intérêt général de loger leurs compatriotes auront été deux fois moins nombreux qu’au cours des dernières années.

 

« Une fiscalité intelligente pour les investisseurs immobiliers résidentiels aurait plus d’efficacité. »

 

En cause bien sûr l’accès au crédit très fermé pour eux, plus encore que pour les accédants, s’ajoutant à l’inquiétude liée à la transition écologique, mais surtout un défaut d’attrait fiscal et de contrat clair avec la collectivité. Il ne s’agit pas de vouloir un régime d’exception, mais un statut inscrit dans le code général des impôts, reconnaissant le rôle économique et social du bailleur, avec amortissement et déduction de toutes les charges d’exploitation.

Il devrait aussi porter une logique interne équitable : le propriétaire qui consent des loyers inférieurs ou très inférieurs au marché, qui redresse la vertu écologique de son logement, mérite une considération fiscale majorée.
C’est de cet authentique new deal que l’investissement locatif et le pays ont besoin. Il ne faudrait pas que le Gouvernement se trompe de combat, ou encore que l’arbre lui cache la forêt : installer une fiscalité intelligente pour les investisseurs immobiliers résidentiels aura plus d’efficacité pour déployer l’offre que de s’acharner sur Airbnb.

 

 

Henry Buzy Cazaux

Après avoir conseillé Pierre Méhaignerie, ministre de l'équipement et du logement, Henry Buzy-Cazaux a occupé des fonctions de responsabilité dans des entreprises immobilières de premier plan, FONCIA, Tagerim ou encore le Crédit Immobilier de France, mais également au sein des organisations professionnelles du secteur. Ancien délégué général de la FNAIM, il a aussi été administrateur de plusieurs autres syndicats immobiliers. Il a été chargé de mission auprès du président du Conseil de l'immobilier de l'Etat.

Il mène depuis toujours une action engagée pour la formation aux métiers de l'immobilier: président d'honneur de l'Ecole supérieure des professions immobilières, cofondateur de l'Institut des villes, du territoire et de l'immobilier du Groupe ESSEC, il est aujourd'hui président fondateur de l'Institut du Management des Services Immobiliers, centre de prospective et d'enseignement.

Il est enfin membre du conseil scientifique de l'observatoire immobilier des notaires et président du groupe "Immobilier, logement et ville durable" du Forum pour la gestion des villes et des collectivités locales et territoriales.

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Vos réactions
  • Par Thibault, il y a 3 mois

    Il oublie l’essentiel : la lenteur de la justice dans le cas d’impayés, de dégradations et/ou squatteurs. Et les décisions parfois incompréhensibles, les reports d’audiences, les commissions de surendettement… la liste est longue.

  • Par Pascal RAMBEAU DE BARALON, il y a 3 mois

    Comment ne pas parler de l’ineptie du mode de calcul du DP ? 71% sont faux et en plus, les exemples abondent de gens qui ont fait des travaux et n’ont pas eu de meilleure note puisque, il faut en réalité refaire entièrement tout le logement aux dernières normes ce qui est délirant.
    Personne ne peut garantir à un bailleur qu’il aura une meilleure note même après travaux. Ceux ci sont d’ailleurs si couteux qu’ils rendent une location non rentable à vie ! C’est tout ce système qu’il faut réformer de manière à ce que le DPE corresponde à la réalité.

  • Par Ch, il y a 3 mois

    Excellent article qui résume parfaitement la réalité, mais l’état est surtout occupé à réduire son déficit et donc à limité les avantages fiscaux !! 

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