La formation obligatoire des collaborateurs en transaction et gestion immobilière suscite de nombreuses interrogations. Entre la nécessité d’un socle commun de compétences et le risque de voir les exigences réduites au minimum, ce dispositif — si tant est qu’il voit le jour — sera-t-il réellement à la hauteur des enjeux pour les professionnels de l’immobilier ? Tribune d’Henry Buzy-Cazaux.
La parution du décret d’application de la loi ALUR tant attendu sur la formation obligatoire avant habilitation pour les collaborateurs de la transaction immobilière et de la gestion immobilière se fait attendre. Elle devait avoir lieu, au plus tard, le 25 août dernier. Mais c’était sans compter sur l’agenda et la rentrée politique chahutée du Gouvernement.
En attendant de savoir à quel.le ministre le logement sera confié, penchons sur le contenu du texte attendu. L’intention du législateur de 2014, inspiré par le livre blanc immobilier signé des organisations professionnelles représentatives rendu public en 2010, était claire : assurer une compétence socle à tous ceux qui entrent dans la carrière de négociateur immobilier ou de gestionnaire immobilier. Faute de décret d’application, cette disposition clé de la loi du 24 mars 2014 n’est jamais entrée en vigueur. Il fallait par conséquent que des précisions soient apportées par un décret immobilier.
Quelle durée de formation immobilière exiger ?
La question la plus importante relevait de la durée de formation immobilière exigible. On s’achemine vers 35 heures de formation, c’est-à-dire une semaine. Le contenu est également clair : le paysage immobilier et ses acteurs, les fondamentaux de l’immobilier résidentiel, soit les lois de 1965 sur la copropriété, de 1989 sur les rapports locatifs, le Code de l’urbanisme, des rudiments de fiscalité immobilière, la loi Hoguet, les enjeux de la transition environnementale dans l’habitat, la lutte contre la discrimination immobilière.
Consensus aussi sur deux situations particulières : celle des diplômés d’une formation immobilière, présupposés détenir ces connaissances, et la question des nouveaux entrants dans l’immobilier, également assujettis aux 42 heures de formation continue immobilière pour le renouvellement de leur habilitation. Les premiers seront a priori exonérés des 35 heures de formation, et les seconds d’une partie de la durée obligatoire triennale. C’est sur les modalités de la formation immobilière, présentielle ou distancielle, et du contrôle de l’assimilation des compétences que ceux qui ont voix au chapitre s’accrochent.
Ce sujet a été débattu, comme il se doit, au sein du Conseil national de la transaction et de la gestion immobilières, qui a rendu le 25 juillet dernier un avis au Gouvernement avant qu’il ne prenne le décret immobilier. La ministre leader pour la rédaction du décret, Valérie Létard, avait annoncé qu’elle trancherait en cas de désaccord interne à la communauté professionnelle… et ce sera le cas. Pour simplifier, les représentants des consommateurs, eux, sont acquis à la formation immobilière en présentiel, mais ils ne seront ni les organisateurs ni les payeurs. Il reste que la ministre ne pourra être indifférente à leur position.
Comment évaluer l’acquisition des compétences en immobilier ?
Se pose aussi la question de savoir comment évaluer l’acquisition des connaissances à l’issue de la semaine de formation immobilière. Une épreuve avec présence physique du candidat dans un centre d’examen immobilier, ou un questionnaire administré par voie numérique ?
En termes pédagogiques, les meilleures options devraient s’imposer d’elles-mêmes : on sait que, pour transmettre savoirs et savoir-faire efficacement, rien ne vaut le face à face entre un apprenant et un enseignant, a fortiori s’il est un professionnel de l’immobilier. On est dans l’ordre du compagnonnage plus que dans un protocole scolaire. Il s’ajoute la faculté d’échanges entre apprenants, enrichissants : la notion de promotion a du sens. S’agissant du contrôle de l’assimilation des connaissances, l’organiser en sorte qu’il ne laisse place ni à la complaisance ni à la fraude est indispensable.
Faudra-t-il que le décret immobilier précise tout cela ? Les acteurs de l’immobilier, entreprises et candidats à l’habilitation immobilière, ne peuvent-ils s’astreindre sans que le règlement les y oblige à une part de formation présentielle immobilière et préférer attester sérieusement de l’intégration des savoirs par une épreuve rigoureuse ?
Au-delà même des modalités, il est vital de comprendre qu’en matière de formation immobilière, l’État a la mission de fixer un socle, qui ne saurait être considéré comme solde de tout compte.
Qu’il s’agisse des 42 heures de formation continue immobilière obligatoires depuis 2015 ou de la formation préalable à l’habilitation immobilière, bientôt en vigueur, ce sont là des planchers.
De même, ne former qu’à distance ne permet pas d’atteindre le meilleur niveau d’assimilation des compétences. D’ailleurs, l’effet pervers de ces contraintes règlementaires voulues par les syndicats et obtenues des pouvoirs publics est identifié : le minimum devient le maximum pour la plupart des professionnels de l’immobilier.
La toise est à fixer en référence à l’objectif d’efficacité et de qualité attendu, ni plus ni moins. Il n’est que temps de regarder la formation immobilière pour ce qu’elle est : un moyen, le plus puissant, de bien faire son métier avec facilité et bonheur.
Très loin d’une sujétion qu’on contourne, qu’on bâcle ou dont on s’acquitte comme d’une corvée.
Après avoir conseillé Pierre Méhaignerie, ministre de l'équipement et du logement, Henry Buzy-Cazaux a occupé des fonctions de responsabilité dans des entreprises immobilières de premier plan, FONCIA, Tagerim ou encore le Crédit Immobilier de France, mais également au sein des organisations professionnelles du secteur. Ancien délégué général de la FNAIM, il a aussi été administrateur de plusieurs autres syndicats immobiliers. Il a été chargé de mission auprès du président du Conseil de l'immobilier de l'Etat.
Il mène depuis toujours une action engagée pour la formation aux métiers de l'immobilier: président d'honneur de l'Ecole supérieure des professions immobilières, cofondateur de l'Institut des villes, du territoire et de l'immobilier du Groupe ESSEC, il est aujourd'hui président fondateur de l'Institut du Management des Services Immobiliers, centre de prospective et d'enseignement.
Il est enfin membre du conseil scientifique de l'observatoire immobilier des notaires et président du groupe "Immobilier, logement et ville durable" du Forum pour la gestion des villes et des collectivités locales et territoriales.