Locaux et bureaux commerciaux : les règles du bail dérogatoire à connaître

Entre flexibilité et risques juridiques, le bail dérogatoire s’impose comme un outil stratégique pour louer des locaux commerciaux sans s’engager sur neuf ans. Simple en apparence, il exige tout de même m une certaine vigilance et une maîtrise des règles juridiques pour éviter que souplesse rime avec déconvenue. Dans cet article, Gérald Berrebi, avocat au Barreau de Paris, partage son expertise pour aider les agents et conseillers immobiliers à sécuriser les locations de leurs clients.

Dans un contexte économique et immobilier incertain, où entrepreneurs et investisseurs essaient de limiter leurs engagements tout en restant actifs, le bail dérogatoire – souvent improprement appelé « bail précaire » ou « bail de courte durée » – constitue indiscutablement un instrument utile dans le cadre de la location de locaux ou bureaux commerciaux.

L’article L.145-5 du Code de commerce permet en effet au bailleur et au locataire de s’affranchir du statut rigide des baux commerciaux en concluant un bail ou plusieurs baux d’une durée maximale cumulée de trois ans (au lieu de la durée minimale de neuf ans prévue pour un bail commercial). Mais cette souplesse a un prix : celui d’une vigilance accrue quant au respect de ses règles juridiques.

Une promesse : un temps d’essai simplifié

Le bail dérogatoire séduit par sa simplicité.

Pour le bailleur, il offre la possibilité de louer un local commercial en évinçant le régime plus contraignant du bail commercial et donc sans s’engager sur le long terme : pas d’engagement sur neuf ans, pas d’indemnité d’éviction à verser pour reprendre possession de son bien…

Ce régime juridique permet ainsi au bailleur de tester la fiabilité et la solvabilité du locataire, auquel un bail commercial de neuf ans – conférant la propriété commerciale – pourra éventuellement être consenti par la suite. Il lui donne aussi la possibilité d’adapter son patrimoine immobilier à une conjoncture mouvante.

Pour le locataire, l’intérêt est tout aussi évident. Bénéficier d’un bail dérogatoire est l’occasion de tester un concept, d’évaluer la fréquentation d’un emplacement, d’apprécier la qualité d’une clientèle, sans s’enchaîner pour une durée longue (car même si la durée maximale est de trois ans, rien n’interdit de conclure un bail dérogatoire plus court), le tout, en bénéficiant d’un loyer généralement inférieur à celui d’un bail commercial de neuf ans pour un local équivalent.

Le bail dérogatoire répond ainsi parfaitement aux besoins et contraintes des commerces éphémères ou des concepts innovants.

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Une limite : une inévitable précarité

La liberté contractuelle ne signifie pas l’absence de règles juridiques : le régime du bail dérogatoire obéit à certains principes impératifs. L’article L. 145-5 du Code de commerce impose qu’à l’expiration de la durée maximale de trois ans, les parties ne peuvent plus conclure un nouveau bail de cette nature pour exploiter le même fonds dans les mêmes locaux.

Ainsi, la succession de baux dérogatoires excédant une durée cumulée de trois ans entraîne la requalification en bail commercial, peu importe la volonté exprimée par les parties.

Le locataire reste ainsi prisonnier d’une précarité inhérente au bail dérogatoire : aucun droit au renouvellement, aucune indemnité d’éviction, même si son activité prospère dans les lieux. La souplesse de ce régime a donc ses limites.

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Un prix : une nécessaire vigilance

La souplesse a aussi un prix : celui de la rigueur et de la vigilance.

Gérald Berrebi, Avocat au Barreau de Paris

En effet, l’article L.145-5 du Code de commerce prévoit qu’à l’expiration du ou des baux dérogatoires, et au plus tard à l’issue d’un délai d’un mois à compter de cette échéance, si le locataire reste et est laissé en possession des lieux sans opposition du bailleur, il s’opère un nouveau bail régi par le statut des baux commerciaux, avec une conséquence non négligeable pour les deux parties : le locataire ne pourra donner congé qu’à chaque échéance triennale, en respectant un préavis de six mois.

Le bailleur, quant à lui, sera lié pour neuf ans et devra verser une indemnité d’éviction s’il souhaite reprendre possession de son bien à l’expiration de ce bail commercial.

Dans un paysage marqué par l’essor des boutiques éphémères (« pop-up stores ») et les difficultés des entreprises, notamment celles du commerce de proximité, le bail dérogatoire apparaît particulièrement adapté aux bailleurs et aux preneurs désireux de limiter leurs engagements sans se priver d’opportunités.

Mais une mauvaise appréhension du régime juridique ou une application hasardeuse peut transformer une expérience profitable en déconvenue sévère.

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