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« Reprendre une agence immobilière, mode d’emploi », Me Caroline Dubuis Talayrach, avocat

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Croissance externe ou installation, comme toute reprise d’activité, celle d’une agence immobilière prend du temps. Marche à suivre.

photo : reprendre une agence

Recherche de la  cible, vérifications, négociations , business plan, rédaction des actes, coordination des intervenants (expert-comptable, banque, avocat, éventuellement tête  de réseau…), gestion du calendrier sont inhérents à tout projet de rachat et ne doivent pas être sous-estimés. Alors quels sont les points de vigilance et de de négociations ?

Auditer et valoriser les actifs

La reprise d’une activité peut se faire par la reprise des actifs (cession de fonds) ou la reprise des actifs et du passif, c’est-à-dire par le rachat de la société (cession de parts sociales ou d’actions). Les conséquences juridiques, fiscales et les responsabilités sont différentes. On entend fréquemment que le rachat de parts sociales ou d’actions serait plus «simple » notamment du fait de l’absence de re-signature des  mandats (cf ci-après II. B.).  Cependant il faut se garder de généralités, les rachats de titres ayant d’autres contraintes.

En pratique, la solution est plus nuancée et le  choix entre achat de fonds ou de titres doit être pris, notamment, en considération des activités, de la taille des portefeuilles, de la situation juridique et comptable de la société cible, de  sa fiscalité. Il est donc très vivement conseillé de vous faire assister dès que votre cible est identifi ée. Les process d’achat de fonds ou de titres sont  différents. Nous étudierons dans le présent article l’achat d’un fonds de commerce. L’achat de titres sera examiné dans une prochaine publication. Mais dans tous les cas, il faudra auditer et valoriser ce que vous achetez.

A. La clientèle

L’agence peut exercer les métiers de vente, location, gestion, syndic. Le prix d’achat de chaque activité sera valorisé individuellement. La gestion bénéficie généralement d’un coefficient de valorisation de base de 2,5 contre 0,30 pour la transaction-vente et 1 pour la location. Il s’agit de coefficients moyens qui doivent être pondérés à la hausse ou à la baisse en fonction des spécificités du dossier, de la taille et la qualité des portefeuilles, de la notoriété de l’agence, du lieu.

Ainsi, un « gros » client en gestion, qui représente un risque plus important que  plusieurs clients pour un même chiffre d’affaires, est un facteur de minoration. Certaines agences peuvent avoir également une activité de sous-traitance :  dans ce cas, le cédant ne détient pas les mandats. La pratique dite de la « nourrice » est aussi à prendre en compte dans l’étude du dossier.  Enfin, il faudra étudier les comptes mandants bailleurs et locataires : Sont-ils à jour ?  Les régularisations de charges sont-elles faites ? Existe-il des procédures en cours ? Qui détient les dépôts de garantie ? etc…

B. Le bail

La qualité du bail commercial est aussi à auditer. Naturellement le montant du loyer est un élément, mais pas le seul. Le preneur est-il a jour des loyers ? Le bail a-t-il été renouvelé avec un nouveau bail écrit depuis la loi Pinel ? Les locaux sont-ils conformes en matière d’accessibilité ? Les charges et les conditions du bail sont-elles usuelles ? Des travaux importants sont-ils prévus dans la copropriété ? Autant de points à intégrer dans l’étude du dossier et la  détermination du prix d’achat.

C. Les collaborateurs

Le candidat acquéreur et son conseil demanderont à avoir communication pour chacun des collaborateurs des contrats (agent commercial ou salarié), des chiffres d’affaires réalisés pour l’activité de vente et du nombre d’heures de formation. Rappelons que les heures de formations sont nominatives et « suivent » donc le collaborateur indépendamment de son mandant ou employeur.

D. Le site Internet et les réseaux sociaux

Enfin à l’ère du 2.0, la propriété du site de l’agence et les comptes existants sur les réseaux sociaux sont également à prendre en compte.

La négociation

A. La nature de l’opération

Le mode d’achat de l’activité fait partie de la négociation. Achat de fonds ou de titres, le vendeur est naturellement  libre du type d’opération proposée. L’acquéreur peut souhaiter que l’opération se réalise selon l’autre modalité que celle choisie par le vendeur. Ce sera alors un élément à négocier entre les parties en tenant compte des conséquences juridiques, financières et fiscales de l’opération. Les parties peuvent être en accord sur les modalités de valorisation de la clientèle mais pas sur l’opération juridique à réaliser.

B. La re-signature des mandats et impact sur le prix

La cession de fonds de commerce n’emporte pas la cession des mandats et les mandats ne font pas partie de la clientèle d’un agent immobilier (Cass. com., 28 juin 2017, n° 15-17394. Pour de plus amples développements voir l’article du même auteur « Cession, fusion et transfert des mandats » ). Ainsi, il faut procéder concomitamment à la cession du fonds et au transfert opérationnel des mandats au profit de l’acquéreur. En pratique, il est fréquent de prévoir que les nouveaux mandats de gestion seront résignés avant l’acte définitif et que le nombre de mandats résignés servira à déterminer le prix de vente définitif selon les modalités négociées entre les parties. Les modalités  opérationnelles de re-signature des mandats (le qui fait quoi) seront stipulées au compromis (information des bailleurs, envoi du mandat, suivi et relance, date maximum des retours pour être prise en compte dans le prix de vente).

A noter qu’en faisant signer les mandats avant la vente, le vendeur pourra vouloir des garanties dans l’hypothèse où la cession ne se réaliserait pas. Le conseil de l’acquéreur accompagnera donc utilement son client sur ce point et proposera une solution sécurisante pour chacune des parties.

En dernier lieu, rappelons que la clause usuelle qui autorise la cession des mandats au profit d’un acquéreur n’est pas suffisante au regard des dispositions de la loi Hoguet pour opérer le transfert des mandats. Pourtant, depuis la refonte du Code civil (2016), il existe une solution qui permet, tout en respectant la loi Hoguet, de transférer les mandats sans requérir l’intervention du bailleur. En pratique, cette clause nécessite que le vendeur ait mis à jour ses mandats en prévision de la cession, ce qui est rarement le cas, même s’il y a un intérêt financier certain.

C. Le sort des compromis en cours

C’est clairement un élément du prix de vente. Négocier que les honoraires des compromis en cours reviennent à l’acquéreur permet de diminuer indirectement le prix d’achat (et donc le prix de vente du vendeur), ce qui n’est pas sans poser potentiellement des difficultés notamment fiscales. Si vous être acquéreur et que vous avez négocié le sort des compromis en cours à votre profit, parlez-en à votre conseil, il saura vous guider et vous sécuriser sur ce point.

Les agences immobilières, les administrateurs de  biens et les syndics, en tant qu’activités réglementées, ne sont pas des activités comme les autres. Les portefeuilles de gestion sont prisés et rares mais, pour autant, ils ne sont pas à racheter à n’importe quel prix sous peine que l’opération ne soit pas rentable. Les documents qu’un acquéreur demande pour analyser la qualité du portefeuille sont légitimes et si le vendeur ne les fournit pas, il convient de s’interroger sur les raisons de son refus et la pertinence de l’opération.

 

Caroline Dubuis Talayrach

Caroline Dubuis Talayrach
Après plus de 20 ans d’exercice en Cabinet d’Avocats Conseils et comme Directrice Juridique et Méthode d’une enseigne nationale de franchise en agences immobilières, Maître Caroline Dubuis-Talayrach a ouvert son propre cabinet de :
- Mandataire en cessions d’agences immobilières, cabinets d’administration de biens et syndic
- Droit des affaires : Conseil et rédaction des actes en création et transmission d’entreprises, droit des contrats, droit de l’agent commercial, droit des sociétés, droit de la franchise, baux commerciaux
- Droit de l’agent immobilier : Conseil et rédaction des actes d’achat/vente de cabinets, formation professionnelle, exercice professionnel, honoraires, création de savoir-faire métiers

Sa philosophie : Conseiller – Négocier– Former– Défendre
Basé à Aix en Provence j'interviens sur toute la France.
Tel : 06 16 72 18 90

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Vos réactions
  • Par Mathieu GUÉNEAU, il y a 4 années

    Merci Maître de votre excellente analyse que nous partageons au quotidien. Vos mises en gardes sont précieuses et évitent certains écueils que subissent certains vendeurs ou acquéreurs qui ne se seraient pas entourés de ces bons conseils.
    Avec une expérience de plusieurs centaines de cessions d’agences ou de cabinets depuis 14 ans, nous, agenceimmobiliereAceder.com nous permettrions d’ajouter, si vous permettez :
    – Les Coopératives (Orpi et L’Adresse) ainsi que tous les franchiseurs feront systématiquement signer au preneur un nouveau contrat de franchise avec systématiquement un droit d’entrée à taux plein au preneur, sauf exception. Et cela peut aller de 10 à 40Ke ht.
    – L’ancien et le futur contrat de ce réseaux sont à bien (faire) lire, tant concernant les obligations du Réseau vis à vis de son nouvel adhérent mais surtout celles de ce dernier face à son franchiseur, notamment les condition financières de sortie du contrat qui peuvent se révéler fortes onéreuses.
    – Enfin, c’est pour nous de toute évidence, une cession doit se faire systématiquement avec l’aide d’un AVOCAT spécialisé en matière de cession d’affaires immobilières et non un simple ami avocat ou celui qui « s’est super bien occupé de mon divorce ».
    Les spécialités juridiques étant aussi nombreuses que les médicales, il me semblerait compliqué de confier la résolution de mon problème cardiaque à mon ami pédiatre ou dentiste… Ici précisé qu’il est préférable de choisir un avocat qui a l’habitude de ce type de cession à contrario d’un notaire qui n’en n’a jamais fait ou fort peu et qui, pour nombre d’entre eux, sera un concurrent en transactions immobilières.

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