« Usage et destination des biens », Caroline THEUIL

Le changement d'usage d’un local ne constitue pas forcément un changement de destination. Le point avec Caroline Theuil Juriste, experte en évaluation et formatrice immobilier.

Les textes ont longtemps fait référence à la notion d’ « affectation». Mais en 2005, afin de remédier à la confusion que ce terme engendrait par rapport à la notion de « destination », le législateur lui a substitué le terme d’ « usage ».  La distinction entre les deux notions n’en reste pas moins délicate, notamment lorsqu’il s’agit d’aborder les  thématiques de changement de destination et d’usage. Pourtant, il résulte de cette distinction plusieurs conséquences  pratiques qui résident dans la différence de champs d’application, des règles de procédure, des motifs  de refus, des prescriptions, des voies de recours et des sanctions.

Le changement d’usage

L’usage des bâtis correspond à un élément de fait, relatif à ce à quoi un immeuble est utilisé. Il relève d’une  prérogative issue du Code de la construction et de l’habitation, destinée à éviter que ne disparaissent, dans certaines  parties du territoire français, les bâtiments d’habitation au profit d’autres usages. Au regard de la réglementation, il  n’existe ainsi que deux catégories d’usages : les logements et les autres locaux qui ne sont pas à usage d’habitation.

L’article L631-7 du Code de la construction et de l’habitation souligne que par principe, le changement d’usage a un  caractère personnel. En d’autres termes, il est accordé à l’administré qui en a fait la demande et est à ce titre  incessible. Le changement d’usage est donc provisoire, pour la durée d’occupation du local par le bénéficiaire de l’autorisation. Mais le local doit ensuite revenir à l’habitation.

Par exception, en cas d’autorisation de changement d’usage avec compensation (le propriétaire s’engage à transformer en habitation un local à usage autre), l’autorisation est alors attachée au bâti et non plus à la personne.  Elle revêt ainsi un caractère réel et définitif : l’autorisation devient « transmissible » et le local n’est définitivement  plus considéré comme un local d’habitation.

Précisons encore que la loi de modernisation de l’économie du 4 août 2008, a institué un régime particulier pour les  locaux mixtes, constituant à la fois la résidence principale du demandeur et son lieu d’activité professionnelle.

Le changement de destination

La destination des bâtis est, quant à elle, régie par un tout autre droit, celui de l’urbanisme. Elle correspond à ce  pourquoi une construction est édifiée, la destination figurant parmi les éléments que doit indiquer la demande  d’urbanisme relative au bien (permis de construire ou déclaration préalable).

Le décret du 28 décembre 2015  portant nouvelle codification du livre Ier du Code de l’urbanisme, a redéfini la notion de « destination des  constructions », autrefois précisée à l’article R*123-9 du Code de l’urbanisme. Dans sa rédaction en vigueur au 31  décembre 2015, l’article R*123-9 visait neuf types de destination possible d’un bien immobilier : l’habitation, l’hébergement hôtelier, les bureaux, les commerces, l’artisanat, l’industrie, l’exploitation agricole ou forestière, les  entrepôts, les constructions et installations nécessaires aux services publics ou d’intérêt collectif. Désormais, c’est l’article R*151-27 du Code de l’urbanisme, qui fixe la liste des cinq destinations possible : l’exploitation agricole et  forestière, l’habitation, le commerce et les activités de service, les équipements d’intérêt collectif et les services  publics, les autres activités des secteurs secondaire et tertiaire.

Retenons en outre que tout local accessoire est réputé avoir la même destination que le local principal auquel il se  rapporte. Ces cinq destinations peuvent par ailleurs être déclinées en sous-destinations comme précisé à l’article R*151-28 du Code de l’urbanisme, et plus précisément définies par l’arrêté du 10 novembre 2016.

Il y a alors changement de destination si un immeuble passe de l’une à l’autre de ces catégories. On l’aura compris,  le changement de destination s’attache au local et est donc définitif au regard des règles d’urbanisme.

Le  changement de destination d’un bâtiment existant est autorisé en raison de la délivrance d’un permis de construire  (article R*421-14 Code de l’urbanisme) dès lors que ce changement s’accompagne de travaux ayant  notamment pour effet de modifier les structures porteuses ou la façade du bâtiment. En dehors de cette obligation,
une simple déclaration préalable est suffisante (article R*421-17, b) du Code de l’urbanisme).

Le changement de sous-destination n’est quant à lui soumis à aucune formalité, dès lors qu’il ne s’accompagne pas  de travaux modifiant les structures porteuses ou la façade du bâtiment.

Le cas particulier de la copropriété

Si le local est régi par le régime de la copropriété, donc soumis à l’application de la loi du 10 juillet 1965, il est  impératif d’interroger le règlement de copropriété de l’immeuble. Celui-ci comporte généralement une clause afférente à la destination de l’immeuble, laquelle détermine l’autorisation ou la prohibition d’activités. La réponse  relève donc d’un examen au cas par cas. Selon le cas, il faudra solliciter ou non l’autorisation de l’assemblée  générale des copropriétaires. Par exemple, un copropriétaire a le droit d’affecter un lot à usage commercial à  l’usage d’habitation sans autorisation de l’AG (Cass. civ. 3e, 5 janvier 1994), sauf si le règlement de copropriété prévoit le caractère obligatoire de la destination commerciale des lots du RDC (Cass. civ. 3e, 26 avril 2006).

Pour conclure simplement, retenons que la destination gère le « contenant » de l’immeuble tandis que l’usage gère  le « contenu » du local.

 

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Caroline THEUIL: Caroline Theuil Juriste, expert en évaluation et médiatrice judiciaire et conventionnelle Titulaire d'un double master en droit, Caroline THEUIL est avant tout spécialiste des contrats immobiliers : elle dispose d'une expertise de près de 10 ans en la matière notamment auprès des personnes publiques. Elle pratique par ailleurs l'évaluation immobilière avec la particularité d'avoir une expérience, et donc une approche, à la fois fiscale et privée de la matière. Éprouvée par la dureté des contentieux, elle s'est instinctivement orientée vers l'apaisement des relations humaines. Médiatrice, elle participe ainsi aujourd'hui activement à la prévention des différends et à la résolution amiable des situations conflictuelles, que celles-ci apparaissent dans un cadre privé ou en entreprise. Forte de cette richesse professionnelle, elle est chargée d'enseignement universitaire, et forme, partout en France, des professionnels de tous horizons.