Dans l’immobilier, les écarts culturels ne sont pas qu’une affaire de style. Ils sont une affaire de fond, d’exigence, et de vision du métier. Et ce fossé est encore plus flagrant quand on observe ce que pensent les professionnels… et ce que vivent les clients. Emmanuel Peretti, coach et stratège immobilier, nous partage son regard.
États-Unis : un modèle d’exigence (en progrès constant)
Aux États-Unis, les Real Estate Agents eux-mêmes dénoncent leur formation comme trop légère. Et réclament… plus d’heures, plus de pratique terrain, plus de stratégie. Pas par obligation. Par exigence professionnelle. Parce que là-bas, on considère que pour être respecté, il faut d’abord être compétent.
Selon une enquête de la National Association of Realtors (NAR), environ 65 % des professionnels immobiliers aux États-Unis estiment que la formation initiale n’est pas suffisamment approfondie pour les préparer pleinement au métier.
Près de 70 % indiquent avoir besoin d’une formation plus axée sur les compétences pratiques : gestion des objections, prospection, marketing digital, négociation avancée. Beaucoup réclament une formation continue plus exigeante pour améliorer l’image globale de la profession auprès du public, souvent critique envers les agents.
Et pourtant la durée de formation initiale est en moyenne de 100 à 180 heures selon les États.Par exemple : 135 h en Californie, 180 h au Texas.
Ce que disent les agents américains :
« Il faut durcir l’accès à la profession, pour mieux servir le public. » « Trop de théorie, pas assez de tactique. Il faut former pour performer. »
Le métier est structuré. Chaque agent doit travailler sous la responsabilité d’un broker agréé. Et pour devenir broker soi-même, il faut plusieurs années d’expérience, un examen spécifique et une formation complémentaire.
L’exclusivité est la norme. Elle engage fortement le professionnel et sécurise le vendeur. Résultat : une vraie implication, une vraie stratégie, et des comptes à rendre.
La relation client est un pilier. Dans un marché concurrentiel et compétitif, l’agent est jugé sur sa disponibilité, son niveau de service et ses résultats tangibles.
Malgré tout, ils veulent encore élever le niveau.
En France : chez les conseillers, l’exigence minimale suffit
En France, on parle ici des conseillers immobiliers qui exercent sous la carte professionnelle d’un titulaire, qu’ils soient salariés ou agents commerciaux. L’accès au métier est quasi immédiat. Sans diplôme. Sans parcours imposé. Et avec des formations souvent suivies par obligation, moins souvent par volonté d’excellence.
Pas une seule heure obligatoire pour démarrer. Un décret attendu (depuis des lustres) pour imposer enfin… 42 heures de formation initiale.
Aujourd’hui ? L’unique obligation réglementaire est la suivante : 42 heures de formation continue tous les 3 ans. Soit 2 jours de formation par an. Pas une seule heure obligatoire pour démarrer.
Le mandat simple est omniprésent. Résultat : peu d’engagement, peu d’investissements, et des professionnels qui multiplient les biens sans réelle stratégie.
L’image du métier est affaiblie. Les particuliers doutent. Certains agents sont excellents, mais noyés dans une masse de profils peu formés, peu impliqués, peu stratégiques.
La défiance est installée : On entend souvent dire que : « Les agents ne rappellent pas », « Ils ne connaissent pas le bien » ou « Ils prennent leur commission mais ne s’investissent pas. »
Et pendant ce temps… on continue à former à la va-vite.
Tour d’Europe : les détails par pays
Allemagne
Formation : Pas de diplôme obligatoire. Un simple enregistrement administratif suffit pour exercer. Très peu de barrière à l’entrée.
Mandat : Mandat simple dominant. Plusieurs agences peuvent commercialiser le même bien.
Image : Profession perçue comme intermédiaire, peu valorisée. Peu de stratégie ou d’accompagnement.
Commission : Longtemps payée uniquement par l’acheteur. Depuis 2020, frais partagés vendeur/acheteur.
Espagne
Formation : Aucun diplôme requis. La profession est peu réglementée.
Mandat : Mandats simples très fréquents. L’exclusivité reste minoritaire.
Image : Très variable selon les régions. Manque de structuration. Méfiance des clients.
Commission : 3 à 5 %, généralement à la charge du vendeur.
Italie
Formation : Examen obligatoire après une formation dispensée par les Chambres de commerce. Accès plus réglementé.
Mandat : Mixte. Mandats simples encore dominants, mais exclusivité plus fréquente dans les grandes villes.
Image : Moyenne. Plus stable qu’en Espagne, mais manque d’uniformité.
Commission : Généralement 2 à 3 % de chaque côté (vendeur et acheteur).
Mandat : Exclusivité fréquente. Accompagnement structuré.
Image : Très bonne. Métier valorisé. L’agent est perçu comme un véritable conseiller.
Commission : 1 à 2 %, souvent négociée.
Suède
Formation : Licence immobilière obligatoire, délivrée par une autorité nationale.
Mandat : Mandat exclusif quasi systématique. Process très encadré.
Image : Excellente. Transparence, rigueur et haut niveau de confiance.
Commission : 2 à 3 %, charge vendeur.
Royaume-Uni
Formation : Non obligatoire, mais certifications (NAEA, etc.) de plus en plus fréquentes.
Mandat : L’exclusivité est courante, notamment chez les grandes agences.
Image : Correcte dans l’ensemble, meilleure dans les structures bien implantées.
Commission : 1 à 2 %.
Conclusion : Ce n’est pas un diplôme qui fait un pro. C’est une posture.
Selon Emmanuel Peretti, la loi peut, certes, poser un cadre. Mais elle ne changera jamais l’état d’esprit d’un secteur. Ce qui change la donne, c’est le niveau d’exigence que chaque professionnel s’impose.Ce qui construit la valeur perçue, c’est le niveau de service, d’expertise et d’engagement.
Ainsi, pour changer regard des vendeurs… changeons d’abord notre manière de faire ce métier.