Lorsque la FNAIM a annoncé avoir obtenu une condamnation de l’État pour que le décret prévu depuis 2014 sur la formation des collaborateurs soit enfin pris, on a pu lire une montagne de sottises. Pour rappel, l’article 4 de la loi Hoguet prévoit que le titulaire d’une carte professionnelle peut habiliter un collaborateur à négocier, s’entremettre, ou s’engager, dans les conditions et les limites fixées par la loi.
Un décret devait fixer les conditions de justification par le collaborateur habilité de sa compétence professionnelle, de la qualité et l’étendue de ses pouvoirs.
Une obligation pour tous les métiers
Tout d’abord, pour certains, ce décret ne viserait que les agents commerciaux, donc affaiblirait les réseaux de mandataires. Leurs dirigeants ont exprimé une contrariété sur cette obligation. Pourtant, malgré une hétérogénéité des compétences liée à une croissance rapide, ces réseaux ont accru leurs efforts. Il faut donc se garder de penser que cette obligation gênerait leur développement.
Par ailleurs, les agents commerciaux sont présents dans tous les modèles d’agences de transactions. Cette obligation s’appliquera donc à tous. J’ai aussi pu lire qu’il faudrait distinguer l’obligation de formation selon les métiers. Par exemple, pour le syndic, certains la jugent quasi équivalente à celle du titulaire de carte !
La formation continue imposée aux titulaires et collaborateurs habilités représente un coût non négligeable. Le dirigeant d’un cabinet d’administration de biens de 60 personnes pratiquant les trois métiers et respectant la loi pour l’obligation d’’habilitation des collaborateurs me disait dépenser plus de 50 000 € HT par an. Former peut être une politique de fidélisation et de cohésion pour une entreprise. Mais :
L’obligation de formation concerne tous les métiers et pas seulement la transaction.
L’objectif de la FNAIM est louable : imposer une formation initiale aux collaborateurs habilités. D’ailleurs, la formation de ceux qui dirigent un établissement ou bureau secondaire est déjà prévue par l’article 16 du décret n°72-678 du 20 juillet 1972.
La profession s’est accommodée longtemps de l’absence du décret d’application. Le débat a ressurgi au moment de la massification des forces de vente, sans consensus entre syndicats. Chacun défendait ses adhérents, oubliant parfois la logique de la loi de 2014. L’habilitation confère à son titulaire une fraction des pouvoirs du titulaire de carte. Une formation initiale est donc nécessaire.
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14, 21 ou 42 heures ?
Les propositions varient aujourd’hui entre 14, 21 et 42 heures.
La FNAIM propose un cursus de 42 heures, ou 18 mois d’expérience dans un poste similaire.
C’est ici qu’il convient de distinguer le statut de salarié de celui d’agent commercial. Ce dernier, même habilité, ne peut rédiger ni faire signer aucune promesse ou compromis à l’exception d’un mandat de vente pour le compte du titulaire de carte, ne délivrer aucun reçu, ni donner de consultation juridique. Il ne peut diriger aucune succursale. Ce n’est pas le cas d’un collaborateur salarié, ce qui est une nuance de taille.
La loi Hoguet valorise l’expérience du salarié : ainsi pour obtenir la carte professionnelle sans aucune formation initiale, la loi dispose qu’une expérience de 10 ans est nécessaire dans la spécialité. Or l’article 14 du décret précise que cette expérience est acquise dans les conditions de l’article 12 paragraphe 2 qui parle d’emploi subordonné.
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Le lien de subordination est un lien de formation
Le mot « subordonné » signifie lien de subordination, ce qui implique contrat de travail salarié. La subordination est analysée en lien de transmission du savoir par le titulaire de carte.
Une telle faculté n’existe pas dans le lien qui unit un agent commercial et le titulaire de carte. Dans la pratique, l’encadrement des salariés par le titulaire de carte ne souffre d’aucune contestation puisqu’il y a subordination. L’application des méthodes et processus de l’entreprise est une obligation pour le salarié. Le titulaire de carte reste le principal détenteur du savoir de l’entreprise. Ce lien de subordination permet de déléguer avec la sécurité propre à ce lien.
Ce n’est donc pas la même chose d’habiliter un salarié et un agent commercial. Je suis surpris que les différents acteurs n’aient pas opéré une distinction identique à celle opérée par la loi Hoguet. Car une partie de la profession qui globalement, a du mal à recruter, voit dans cette obligation de formation initiale un obstacle de plus à franchir. Cette objection a été émise notamment par les cabinets de syndic.
Si on part du principe que le lien de subordination a une fonction d’encadrement et de transmission du savoir, 42 heures de formation ne sauraient être équivalentes à 18 mois d’expérience professionnelle. Il vaudrait mieux valoriser cette dernière en la diminuant tout en gardant une formation obligatoire sur la discrimination. Ce dispositif serait avantageux pour les cabinets d’administration de biens, peu onéreux pour les entreprises.
Entendons-nous, ce raisonnement ne saurait remettre en cause l’obligation de formation continue, car elle procède d’une mise à niveau de la profession. Mais je reste convaincu que le cadre réglementaire de l’exercice de nos métiers offre à la fois rigueur, souplesse et liberté surtout depuis que nous avons obtenu la protection de la dénomination de nos métiers réservée aux titulaires de carte.
Inutile d’ajouter de la complexité : commençons par appliquer pleinement les outils existants.