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Le retour des banques étrangères en France

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Les établissements de crédits étrangers qui avaient tenté une percée sur le territoire au début des années 90 sont de retour sur la scène hexagonale. Décryptage.

Après une arrivée désordonnée, voire cacophonique, lors de l’ouverture du marché financier européen en 1992, qui s’est parfois traduite par un repli quasi-immédiat pour certains, l’implantation des banquiers étrangers, et notamment voisins de nos frontières, n’en est pas moins réelle. Tandis qu’on a beaucoup parlé du rapprochement potentiel entre l’italien Unicredit et la Société Générale avant l’été, c’est le bon moment pour faire un point sur la situation. La guerre des Banques aura-t-elle lieu ?

L’invasion annoncée en 1992 n’a pas eu lieu

Et pourtant les candidats étaient nombreux à en croire les autorités. Souvenons-nous. 1992. La mise en oeuvre des décrets européens permet la libre circulation des capitaux et parallèlement l’ouverture des frontières aux établissements de crédit de toute l’Europe. Le catastrophisme médiatique s’en arrange et promet de durs lendemains aux banquiers français, engoncés dans leur conservatisme domestique, protégés en cela par une législation contraignante mais également protectrice.

En l’espace de quelques mois, notre pays voit arriver les vagues anglo-saxonnes (Barclay’s, Morgan Trust Company, National Westminster Bank, JP Morgan, Abbey National, Woolwich, City Group…), espagnoles (CaixaBanK), portugaises (Banco Pinto y Sotto Mayor, Caixa Géral de Dépositos), belges et néerlandaises (Fortis, ING), et, dans une moindre mesure, italiennes et allemandes. Un démarchage très dynamique, tant des clients que des employés bancaires français d’ailleurs, se fait jour. Il correspond, tout étant lié, avec un mouvement de baisse des taux sans précédent et à une dérèglementation des marchés financiers, et donc avec des arguments pour proposer des taux variables attractifs.

Si l’accédant n’a pas succombé aux sirènes du taux variable dans son ensemble, l’investisseur y a vu, avec raison au moins pendant quinze ans, des opportunités non négligeables. De plus, l’ensemble du système bancaire a contribué à la prolifération de ce type de crédit auprès de la clientèle professionnelle, ne serait-ce que pour les prêts à court et moyen terme.

Les erreurs commises ont durement entamé le credo des établissements étrangers

La confrontation avec la réglementation nationale, principalement sur la rémunération des comptes, a été mal appréhendée. Si la remise à plat de cette législation de la fin des années 60 était prévisible, la résistance des pouvoirs publics face aux dangers d’une libéralisation non anticipée, et les conséquences pour le secteur bancaire non préparé à cette disposition, a refreiné les ardeurs, avec même des sanctions inattendues.

La fiscalité nationale, notamment sur les actifs financiers, réorientée au gré des mouvements politiques au pouvoir, a donné le tournis aux directions générales. La résistance des foyers à l’attractivité des taux variables n’a pas du tout été assimilée. Le panel de services proposés en accompagnement de l’offre directe a été trop souvent restreinte, et donc insuffisante pour captiver l’usager. Enfin, les moyens humains recrutés par les succursales de banques étrangères n’ont pas toujours été en adéquation avec la stratégie globale de conquête, et elles ont souvent privilégié la compétence, et la cherté des salaires, au détriment d’une adaptabilité aux méthodes de l’établissement étranger.

Conséquences : turnover important, peu de services, fiscalité et réglementation nationale difficiles à parer, résistance des usagers au taux variable….. C’est pourquoi, à peine quelques années plus tard, on a vu repartir, plus ou moins élégamment, une partie de ces enseignes (NatWest, City, Morgan…). Et pour celles qui n’ont pas fait marche arrière, ce furent des réorganisations, des coupes sombres dans les effectifs, des repositionnements. Alors ? Echec ou juste une mission prospective ?

Et pourtant les conséquences ont été immenses pour tout à chacun…

Avant tout parce que s’il n’y avait pas eu arrivée d’une concurrence agressive, la réaction des banques françaises aurait été plus lente. Ensuite, parce qu’avec les réactions nécessaires sont apparues aussi l’imagination, la sophistication des produits, la multiplicité des offres (parfois même excessive), la recherche d’une amélioration des services…. Certes cette recherche s’est souvent faite au détriment d’autres services, généralement plus basiques et qui semblent plus utiles aux yeux des usagers, mais elle a permis de comparer, et de sécuriser.

Le système bancaire français demeure l’un des plus rassurants au monde, si ce n’est le plus sûr, et en tout cas le plus encadré. Le poids des institutions a aussi ses côtés confortables pour le consommateur… On peut aussi logiquement s’interroger sur la maturité de l’usager bancaire qui a vu essentiellement, et tout d’abord, dans ces transformations son avantage financier. La concurrence exacerbée a obligé les banquiers à complexifier leurs offres, rendant moins lisibles les inconvénients ou les risques.

C’est pourquoi, depuis quelques mois, les autorités européennes et nationales ont mis en branle un arsenal de dispositifs visant à améliorer l’information de l’acheteur, mais le rapport de force n’est pas toujours en faveur de ce dernier, notamment lorsqu’il est fortement demandeur.

Les banquiers français investissent l’international

Par ailleurs, et c’est moins visible pour le quidam, cette situation a généré des fourmillements dans les appétits investisseurs des banquiers nationaux. Du coup, de proies bénies par un marché domestique surprotégé, les banques françaises ont massivement entamé une stratégie de prises de participation à l’étranger : Grèce, Pologne, Italie, Roumanie, Russie, Ukraine, Inde….. et tant d’autres destinations. Le but recherché ?

D’une part, une diversification géographique des sources de profits, avec le développement de métiers dans des conditions moins contraignantes qu’en France (crédit à la consommation, capital investissement, gestion d’actifs financiers….).

D’autre part, un délaissement d’un marché domestique mature, et peu rentable au final, au profit de secteurs générateurs de meilleures marges. Il faut savoir qu’actuellement près des ¾, des profits comptables réalisés par la Société Générale ou par le groupe BNP Paribas le sont hors de nos frontières. Et que plus de 60 % des effectifs de ces groupes ne sont plus localisés en France. De là à dire que les banquiers français ont senti le vent venir…..

A quoi faut-il s’attendre pour demain ?

Les principaux rapprochements capitalistiques sont à ce jour entamés. Dans le paysage bancaire mutualiste, les fusions entre caisses ou banques régionales vont se poursuivre. Les enseignes Crédit Agricole, Crédit Mutuel et Banques Populaires devraient réduire le nombre de leurs représentants autour d’une douzaine chacune dans les prochains mois. Le groupe des Caisses d’Epargne rationalise aussi son maillage national dans les mêmes proportions.

BNP Paribas et Société Générale savent qu’elles sont condamnées à s’allier, entre elles mais c’est peu probable sauf si on le leur impose, ou avec d’autres groupes financiers internationaux, de façon amiable ou au risque de supporter des salves inamicales sur leur capital en Bourse. Les autres n’existent déjà plus, si on excepte la Banque Postale. De leur côté, les banques étrangères continuent d’observer l’évolution de notre marché, et de s’intéresser aux niches.

Il ne faut pas s’attendre, selon moi, à des constructions de réseaux bancaires très étoffés, mais plutôt à des antennes de représentation installées dans des métropoles stratégiques, qui développeront des tissus de mandataires pour investir des zones moins denses, ou qui noueront des partenariats avec des réseaux de prescripteurs professionnels, comme les courtiers, pour capter des nouveaux clients qualifiés, en fonction de leurs objectifs commerciaux du moment.

Cette stratégie d’implantation par touches assure aux décideurs des coûts d’implantation réduits – ce qui coûte cher dans une banque, ce sont les locaux, les hommes et l’informatique – une réactivité très forte, une adaptation des moyens aux volumes traités ou attendus, un prix d’acquisition des clients clairement identifié et budgété. Et pour peu que l’établissement bancaire soit structurellement collecteur sur son marché domestique, le coût de refinancement est presque nul.

Les banques françaises fragilisées

Dans les faits, cela signifie que la Banque n’a quasiment pas d’obstacle pour proposer des offres commerciales agressives adaptées à la clientèle qu’elle veut toucher. Car ne nous berçons d’aucune illusion, toutes les banques cherchent au final à peu près les mêmes clients : un patrimoine existant ou en constitution, des revenus conséquents et si possible récurrents, un profil plutôt consommateur mais avec de la garantie à proposer !

Pour satisfaire cette clientèle, les banques françaises doivent consentir des efforts sur leurs marges, ellesmêmes alourdies par des charges fixes conséquentes du fait de la taille de leur réseau, de la gestion des volumes d’encours, d’une absence de gestion commerciale antérieure, et des provisions supportées sur les risques engrangés. Ajoutons à cela une gestion des effectifs délicate et plombée par les recrutements des années 70-80 dus au développement intense des points de vente, et une perte visible de compétences techniques depuis une dizaine d’années qui a rendu les clients exigeants, velléitaires et infidèles.

Les Banques françaises ne sont donc pas capables de rivaliser, et ne peuvent jouer que sur le caractère national de l’enseigne et du capital confiance malgré tout acquis pour se prévaloir d’une pérennité, au moins quant à leur présence de proximité. A ce jour l’empathie ne suffit plus seulement, et au mieux le client courtisé par d’autres acceptera tout au plus de conserver une relation avec un « petit » compte, peu rentable pour le banquier. Enfin, la question du taux fixe reste non traitée. La France demeure une exception mondiale dans la distribution de crédits à taux fixe. La mise en oeuvre des dispositions prévues par la circulaire financière internationale, dite « Bâle 2 », dès fin 2007 aurait dû fortement chahuter les habitudes.

Mais les soubresauts des marchés financiers et le relèvement répété des taux directeurs de la Banque Centrale Européenne de ces derniers mois ont contrarié cette ligne. Ce ne sera que partie remise car il parait inéluctable qu’avec l’allongement de la durée des crédits immobiliers, le recours au taux fixe ne sera plus possible, et ce surtout si les banques étrangères présentes en France demeurent fermes sur leurs positions de ne pas offrir ce type de support aux prêts qu’elles consentent.

Qui sont-ils, ces envahisseurs de l’ombre ?

Leur profil est sensiblement le même que celui de nos établissements nationaux qui investissent à l’étranger. Des caisses d’épargne ou des banques, installées depuis longtemps sur leur marché domestique, qui cherchent avant tout une diversification dans leur activité, qui veulent une tête de pont sur un autre territoire géographique que le leur traditionnel, ou qui recherchent une place de leader sur des niches d’activité.

Des établissements espagnols comme la Kutxa Bank, italiens comme Micos Banca, néerlandais comme Robeco, américains comme General Electric Money Bank, pour l’instant. La City s’interroge sur son retour. Unicredit attend l’opportunité. Il ne serait pas non plus hérétique de voir arriver des banques chinoises ou indiennes qui consolideraient leurs risques domestiques avec des garanties plus appréciables, même au détriment d’un affaissement de leurs marges.

Tout dépendra du dynamisme économique français et surtout de la vitesse à laquelle le système bancaire va achever sa restructuration. En fonction de la réponse, on assistera à une guerre de monstres pour des parts de marché, ou à des investissements sporadiques qui feront l’effet de guérillas sur des populations ou des créneaux d’activité pré ciblés et rentables.

Bruno Rouleau 

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