Tandis que la rémunération de l’agent immobilier est incertaine jusqu’à la signature de l’acte authentique, un outil permet de sécuriser son travail : un mandat bien rédigé. Mandat exclusif, clauses pénales, protection post-mandat… Tour d’horizon des pratiques à adopter pour éviter les mauvaises surprises.
La vente ne se fait pas ? Aucun honoraire. Voilà la réalité à laquelle sont confrontés, chaque jour, les agents immobiliers. Leur rémunération est liée au succès de la mission confiée, notamment dans le cadre d’un mandat de vente. Tant que l’acte authentique n’est pas signé, les heures de visites, de prospection, de négociation peuvent s’envoler… sans aucune contrepartie financière.
Dans ce contexte, le mandat est un moyen de se prémunir contre plusieurs situations dans lesquelles votre travail ne serait pas reconnu. Car certaines clauses, si elles sont bien formulées, peuvent offrir une véritable protection juridique et financière à l’agent. À l’inverse, une rédaction imprécise peut laisser la porte ouverte à tous les contournements.
Exclusif, semi-exclusif, simple : ce que change le type de mandat
Le choix du mandat, simple, semi-exclusif ou exclusif, joue un rôle clé dans la protection du travail de l’agent immobilier. En plus d’encadrer la relation avec le vendeur, il augmente ses chances de conclure la vente… et d’être effectivement rémunéré.
Le mandat simple est le moins protecteur : le vendeur peut confier la vente à plusieurs agences, voire vendre lui-même. L’agent prend donc le risque de travailler sans garantie d’être payé.
Le mandat semi-exclusif interdit au vendeur de faire appel à d’autres agences, mais il peut encore vendre par ses propres moyens.
Le mandat exclusif est le plus engageant : le vendeur ne peut ni passer par une autre agence, ni vendre seul. S’il trouve un acquéreur, il doit en informer l’agent, qui participera à la vente. Ce type de mandat offre donc à l’agent un cadre plus sûr pour mener sa mission à bien.
Lorsque le mandat interdit au vendeur de vendre par lui-même ou par une autre agence, il prévoit généralement une clause pénale : elle signifie que s’il ne respecte pas cette interdiction, il devra verser à l’agent une indemnité équivalente aux honoraires prévus.
Ces clauses sont parfaitement valables sur le plan juridique, à condition qu’elles soient rédigées en caractères très apparents, sous peine d’être déclarées nulles.
Les ajustements possibles
Le mandat est un contrat assez flexible, tant qu’on n’y met pas de clauses abusives. Mais il n’est pas toujours évident de savoir ce qu’est une clause abusive. Voici donc quelques exemples de clauses utiles pour vous protéger, qui n’ont pas été jugées abusives :
Par exemple, les juges considèrent qu’un vendeur ne peut pas être obligé d’accepter toute offre au prix, une clause dans ce sens est abusive. En revanche, le mandat peut autoriser l’agent à signer tout offre au prix et un avant-contrat au nom du vendeur !
Avec ce type de clause, l’agent sécurise la vente, car il pourra agir directement dès qu’une offre au prix se présente.
Il est également possible d’inclure une clause pénale interdisant au mandant de conclure la vente avec un acquéreur présenté par le mandataire ou ayant visité le bien avec lui. Cette interdiction doit cependant être limitée dans le temps. La jurisprudence a reconnu comme licites des clauses prévoyant cette interdiction pendant 12 à 24 mois après la fin du mandat.
Sans cette clause, le vendeur reste libre, en particulier dans le cadre d’un mandat simple, de refuser une offre présentée par l’agence, puis de vendre directement au même acquéreur, sans verser d’indemnité. Et même dans le cas d’un mandat exclusif, il peut agir de la même manière après la fin du mandat. L’ajout de cette clause est donc essentiel : elle permet de protéger votre travail et d’éviter qu’un acquéreur trouvé grâce à vos efforts soit détourné sans contrepartie.
Pour vous permettre de prouver que vous avez présenté l’acquéreur en premier, pensez à faire signer des bons de visite et à vous constituer des preuves écrites.
Bon à savoir : Sur MyNotary, il est possible d’intégrer une procuration autorisant l’agent à engager le mandant sur toute offre au prix puis sur la signature d’un compromis. Il est également prévu automatiquement une clause pénale destinée à protéger le mandataire contre une vente contournant son intervention :
“Pendant le cours du présent mandat et dans l’année qui suivra l’expiration ou la résiliation du présent mandat, le Mandant s’interdit de vendre le Bien, directement ou indirectement, à une personne présentée à lui par le Mandataire ou un Mandataire qu’il aura substitué. La présente interdiction vise également le conjoint ou partenaire avec lequel cette personne se porterait acquéreur.”
La vente d’un bien en indivision
Autre moyen efficace de sécuriser vos honoraires : en présence de plusieurs propriétaires, faites systématiquement signer le mandat par l’ensemble des indivisaires. Cela vous garantit d’être pleinement impliqué dans la vente.
En effet, même si un mandat non signé par tous les indivisaires reste en principe valable, des difficultés peuvent survenir au moment de la signature du compromis : les indivisaires non signataires du mandat pourraient refuser de signer un compromis faisant apparaître votre nom.
À noter : le cas du démembrement de propriété est différent. Dans ce cas, le(s) nu(s)-propriétaire(s) et le(s) usufruitier(s) doivent obligatoirement signer le mandat pour qu’il soit juridiquement valable.
Une relation à clarifier dès le départ
Notez que, dans le cadre de vos obligations de conseil et d’information, il est essentiel de prendre le temps d’expliquer clairement les implications d’un mandat exclusif ou semi-exclusif, ainsi que de présenter les clauses pénales de manière transparente.
En conclusion, dans une profession où les honoraires ne sont jamais garantis, l’agent immobilier n’a qu’un seul filet de sécurité : le mandat qu’il fait signer. À condition que celui-ci soit rédigé avec soin, encadré juridiquement, et soutenu par des preuves concrètes, il peut offrir une protection réelle contre les ventes sauvages et les contournements. Un mandat bien pensé n’est pas une formalité. C’est une assurance.
Eva Bard, riche d'expériences au sein d'études notariales et diplômée d'un Master en Droit Immobilier, est juriste chez MyNotary. Spécialisée en droit immobilier, elle conçoit et anime des formations certifiées ALUR sur MyNotary Académie, tout en rédigeant des articles et animant des webinaires pour les professionnels de l'immobilier. Engagée dans la vulgarisation juridique, elle s'efforce de rendre les concepts complexes accessibles à tous.