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« Immobilier et digital, réforme des honoraires de transaction: un seul et même sujet », Henry Buzy-Cazaux, président de l’IMSI

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photo : Henry Buzy-Cazaux, président de l'IMSI

Lors du Congrès de l’immobilier -entendez le Congrès annuel de la FNAIM désormais ouvert aux non adhérents-, la ministre du logement, de l’égalité des territoires et de la ruralité a ouvert deux chantiers législatifs et a confié au Conseil national de la transaction et de la gestion immobilières la mission de les préparer: le lien entre numérique et transaction d’une part, la refonte du mode de rétribution des agents immobiliers d’autre part. Ces deux sujets sont-ils distincts? Rien n’est moins sûr.

On ne peut nier que le numérique ait transfiguré la transaction immobilière, et ce de plusieurs façons. C’est d’abord, avec l’Internet, un nouveau canal de commercialisation qui a vu le jour, jusqu’à périmer les autres. Il y a dix ans encore, la vitrine générait 80% des ventes et des locations, alors que les autres moyens, la presse ou l’Internet, n’en déclenchaient que 20%. Aujourd’hui, cette proportion s’est inversée au sens algébrique du terme et la tendance est à ce que les sites d’annonces digitales provoquent la quasi-totalité des transactions. L’avénement du site professionnel Bien’ici intervient dans ce cadre et démontre la conscience de la communauté des agents immobiliers quant à la prééminence de l’Internet. Au demeurant, le modèle professionnel des réseaux de mandataires, qui exercent sans aucun ancrage physique, à partir d’un site, pousse cette logique à son terme et ne manque pas d’interpeler les acteurs traditionnels et les observateurs du marché.

Le numérique, c’est aussi l’évolution du lien avec le client, et l’avénement, enfin, d’une authentique gestion de la relation avec le client – CRM, ou customer relationship management.  On en parle depuis vingt ans, et voilà que l’outil existe, accessible à toutes les entreprises, quelle que soit leur taille. Le digital transmute la transaction en véritable fonds de commerce: là où l’on ne servait le client que ponctuellement, pour résoudre avec lui le problème d’un instant, achat, vente, location, on se met en situation d’accompagner la totalité de son parcours résidentiel. Désormais, l’agent immobilier a les moyens de fidéliser et de valoriser du même coup son fonds de commerce par l’exploitation des données clients.

Cela dit, la digitalisation de la transaction pose une question importante, à laquelle la profession des agents immobilier ne pourra pas se soustraire: les honoraires de transaction ont-ils été favorablement impactés par le numérique? Ce n’est pas sous cet angle, semble-t-il, que les demandeurs d’une réforme du mode de facturation voient le dossier. Ils considèrent qu’il serait normal que les professionnels puissent prétendre à des honoraires anticipés avant la réalisation de la vente. Pour autant, ils sentent aussi que le montant moyen actuel des honoraires perçus paraît élevé aux clients.

Comment se fait-il que l’abaissement du coût de publicité grâce à l’Internet et la facilitation des gestes professionnels du fait de la dématérialisation des documents n’aient pas entraîné une réduction des prix d’honoraires? N’eût-il pas été opportun d’ouvrir la réflexion sur la productivité et les gains à attendre de l’Internet? Plus exactement, les honoraires ont bel et bien baissé depuis quinze ans de l’ordre de 25%, sous l’effet de la désolvabilisation des ménages, mais pas du fait de la digitalisation des process…

Là encore, les réseaux de mandataires, fondés sur un modèle économique et professionnel qui fait la part belle au numérique et, par la baisse des charges fixes, permet un tempérament des honoraires et une meilleure rétribution des négociateurs, contribuent à la béance du questionnement -comme diraient les philosophes- sur l’effet potentiel du digital pour faire évoluer la transaction…sans qu’il soit question de les montrer en exemple: l’heure n’est pas distribuer les indulgences, mais à faire avancer tout le corps professionnel.

Et puis,  se pose le problème de l’ubérisation et de ses conséquences en matière d’altération de la sécurité du consommateur ou d’affaiblissement de la valeur ajoutée. Il appartient en effet au législateur de ne pas laisser mettre à bas l’idéal français d’un marché du logement codifié et rassurant, que d’autres pays nous envient et dont les acteurs en place acceptent les contraintes avec bonne grâce.

En tout cas, la mission de préfiguration confiée au CNTGI et le chantier législatif qui suivra sont à forts enjeux, tant pour les professionnels de la transaction que pour les familles.©byBazikPress

Henry Buzy Cazaux

Après avoir conseillé Pierre Méhaignerie, ministre de l'équipement et du logement, Henry Buzy-Cazaux a occupé des fonctions de responsabilité dans des entreprises immobilières de premier plan, FONCIA, Tagerim ou encore le Crédit Immobilier de France, mais également au sein des organisations professionnelles du secteur. Ancien délégué général de la FNAIM, il a aussi été administrateur de plusieurs autres syndicats immobiliers. Il a été chargé de mission auprès du président du Conseil de l'immobilier de l'Etat.

Il mène depuis toujours une action engagée pour la formation aux métiers de l'immobilier: président d'honneur de l'Ecole supérieure des professions immobilières, cofondateur de l'Institut des villes, du territoire et de l'immobilier du Groupe ESSEC, il est aujourd'hui président fondateur de l'Institut du Management des Services Immobiliers, centre de prospective et d'enseignement.

Il est enfin membre du conseil scientifique de l'observatoire immobilier des notaires et président du groupe "Immobilier, logement et ville durable" du Forum pour la gestion des villes et des collectivités locales et territoriales.

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Vos réactions
  • Par Goya, il y a 8 années

    L’article est intéressant est souligne les évolutions. Le dernier paragraphe souligne les risques d’une « ubérisation » des métiers de l’immobilier, métiers soumis à une forte réglementation juridique que seuls des personnes compétentes peuvent exercer dans le respect du consommateur. Et le législateur impose à juste titre une formation obligatoire régulière, En revanche, dire qu’internet fait réduire les coûts, je ne le crois nullement pour le vivre au quotidien. Les frais de communication sur internet sont élevés pour les professionnels, et internet n’engendre pas d’économie d’échelle ou autre… La modernisation de l’outil informatique, oui. Mais il a engendré aussi une augmentation de coûts (matériel, logiciel). Enfin, la réglementation se densifie, les documents à fournir aussi , en location, comme en transaction (loi ALUR, vente des biens en copropriété), ce qui ne fait baisser nullement les coûts des taches liées à la location, comme à la transaction…

  • Par Jcmiribel, il y a 8 années

    80 % des ventes générées par la vitrine il y a 10 ans ? C’est évidemment faux. Une étude de la Fnaim d’il y a plus de 20 ans estimait ce pourcentage à 4 %.
    Et pour le coût de la publicité, une agence qui travaille correctement y investit 10 % de son CA, aujourd’hui comme il y a 10 ou 20 ans, croire qu’internet a fait baisser les coûts est une illusion. Et de nombreux nouveaux services sont apparus, qui ne sont pas gratuits, loin de là.

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