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« Achat à plusieurs, tontine or not tontine ? », Caroline THEUIL juriste-rédacteur, expert immobilier

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Si le pacte tontinier permet d’éviter les dangers de l’indivision, le système a aussi ses limites notamment au plan fiscal.

photo : tontine

La tontine est une convention intervenant entre plusieurs personnes qui mettent des biens ou des capitaux en commun. Sa particularité est de permettre au dernier survivant d’être de plein droit seul propriétaire du bien et ce, comme s’il en avait toujours été l’unique propriétaire. On distingue plusieurs sortes de tontines dont notamment la tontine immobilière. Si la formule semble alléchante pour un achat en couple, elle présente toutefois des inconvénients.

Définition

La clause de tontine, également appelée « clause d’accroissement » ou encore « pacte tontinier », est une clause contractuelle, à caractère aléatoire, insérée dans l’acte d’achat d’un bien immobilier. Elle permet de créer une fiction juridique : la rétroactivité. Cette clause prévoit, en effet, que le bien reviendra au dernier cocontractant survivant qui se retrouve alors propriétaire de la totalité du bien automatiquement et rétroactivement. Cette clause ne produit donc aucun effet lors de l’achat, ce n’est qu’au décès du premier des cocontractants qu’elle agit. En tant que contrat aléatoire, l’achat en tontine doit respecter les conditions de l’aléa. Concrètement, les cocontractants doivent chacun financer une partie du bien et avoir une espérance de vie similaire, sans quoi l’achat en tontine peut être requalifié en donation à un tiers .

Intérêt

Les règles qui régissent un achat immobilier à plusieurs sont habituellement celles de l’indivision. Mais, au décès de l’un des indivisaires, le survivant doit racheter la part du défunt pour rester propriétaire du bien. Lors d’un achat  immobilier avec clause tontinière, le survivant, nous l’avons vu, est réputé comme ayant toujours été propriétaire du bien dans sa totalité. Cet « artifice » juridique a une conséquence importante : le bien est censé n’avoir jamais fait partie du patrimoine du défunt. Il n’y a donc pas transmission entre le défunt et le survivant, et encore moins de rachat de part. Sur le plan civil, le bien étant la propriété exclusive du survivant, il n’entre pas dans la succession du défunt. Il échappe ainsi aux règles de rapport ou de réduction pour atteinte à la réserve, les héritiers du défunt ne pouvant prétendre à aucun droit. Notons toutefois que, si le pacte tontinier a été conclu dans le seul but de priver les  héritiers de leur réserve héréditaire, ceux-ci ont tout intérêt à engager une action en justice.

L’achat d’un bien immobilier en tontine constitue ainsi un moyen efficace d’assurer une protection du conjoint  survivant surtout pour les couples non mariés. Il peut également représenter un intérêt direct dans le cadre d’une famille recomposée, la transmission au profit du conjoint étant réalisée sans risque de remise en cause.

Limites

La clause de tontine n’a toutefois pas que des avantages…

  • Sur le plan successoral, tout d’abord, le candidat à la tontine doit garder à l’esprit que s’il décède en premier, ses héritiers n’auront aucun droit sur le bien et auront de ce fait une réserve héréditaire plus faible qu’avec une traditionnelle acquisition en indivision.
  • Sur le plan hypothécaire, ensuite, un pacte tontinier rend quasi impossible la prise d’hypothèque puisque le propriétaire final n’est connu qu’au décès de l’un des deux partenaires. La banque aura beaucoup de mal à octroyer un crédit avec une hypothèque d’un bien dont le propriétaire est « inconnu ».
  • Sur le plan fiscal, enfin, la tontine ne présente pas vraiment d’intérêt, celle-ci étant taxable. Bien que le bien ne fasse pas juridiquement partie de la succession du défunt, le cocontractant est soumis aux droits de mutation à titre gratuit, c’est-à-dire au barème des droits de succession calculés selon le degré de parenté et la valeur de la part. Si le survivant est un partenaire marié ou pacsé, cela n’a aucune incidence puisqu’il est exonéré. En revanche, si le survivant est un simple concubin, il devra s’acquitter de droits au taux de 60 %.

Afin de minimiser la charge fiscale qui incombe aux partenaires concubins, certains spécialistes conseillent la création d’une société civile immobilière (SCI) qui possèdera l’immeuble, avec l’insertion d’une clause tontinière dans les statuts. Mais l’exercice reste délicat. Il semble ainsi judicieux de laisser hors du pacte tontinier quelques parts afin de prévenir les risques d’abus de droit, ou d’associer un membre de la famille d’un ou de chaque concubin (conserver deux associés dans la SCI en considérant le principe de rétroactivité). Le survivant recevra ainsi la quasi-totalité des parts en payant une fiscalité réduite (transmission de parts de société).

La fiscalité consent cependant une exception à ce qui précède : quand le bien est la résidence principale du survivant et si sa valeur n’excède pas 76 000 euros au jour du décès du premier indivisaire, le cocontractant survivant est alors soumis aux droits de mutation à titre onéreux (moins coûteux), c’est-à-dire que la transmission est taxée comme une vente.

La tontine est donc à manipuler avec prudence d’autant que ce qui ne sera jamais possible de sécuriser, c’est l’entente entre les cocontractants. En effet, en cas de mésentente ou de conflit, la clause de tontine peut s’avérer lourde de conséquences. Rappelons-le, la tontine n’est pas une indivision et les décisions doivent se prendre à  l’unanimité. À défaut d’accord, le juge ne peut pas demander le partage ou la vente du bien. La situation est alors bloquée jusqu’au décès de l’un des cocontractants.

 

Caroline THEUIL

Caroline Theuil
Juriste, expert en évaluation et médiatrice judiciaire et conventionnelle

Titulaire d'un double master en droit, Caroline THEUIL est avant tout spécialiste des contrats immobiliers : elle dispose d'une expertise de près de 10 ans en la matière notamment auprès des personnes publiques. Elle pratique par ailleurs l'évaluation immobilière avec la particularité d'avoir une expérience, et donc une approche, à la fois fiscale et privée de la matière. Éprouvée par la dureté des contentieux, elle s'est instinctivement orientée vers l'apaisement des relations humaines. Médiatrice, elle participe ainsi aujourd'hui activement à la prévention des différends et à la résolution amiable des situations conflictuelles, que celles-ci apparaissent dans un cadre privé ou en entreprise. Forte de cette richesse professionnelle, elle est chargée d'enseignement universitaire, et forme, partout en France, des professionnels de tous horizons.

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