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Offre d’achat acceptée : le vendeur est-il toujours engagé ?

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L’étape de la négociation qui aboutit à l’acceptation d’une offre peut être source de litige. Faisons le point sur l’offre et son acceptation avec Emmanuelle Jaulneau, experte en droit immobilier.

offre d'achat acceptée

“Offre acceptée entraîne vente parfaite”

Selon l’article 1583 du code civil, la vente “est parfaite entre les parties, et la propriété est acquise de droit à l’acheteur à l’égard du vendeur, dès qu’on est convenu de la chose et du prix, quoique la chose n’ait pas encore été livrée ni le prix payé”.

Cette règle, rappelée traditionnellement par la jurisprudence (Cour de cassation, Chambre civile 3, 16 mars 2022, n° 21-10.586; Cour de cassation, Chambre civile 3, 30 novembre 2022, 21-24.436) se traduit par le principe général selon lequel une offre acceptée entraîne vente parfaite, et donc engagement définitif des parties, l’une à acheter et l’autre à vendre. La portée de ce principe apparaît toutefois limitée.

Qu’est-ce qu’une offre d’achat ?

L’offre d’achat se définit juridiquement comme la manifestation de volonté de se porter acquéreur d’un bien. Cet engagement doit être ferme : si le vendeur accepte l’offre, l’acquéreur est engagé à acheter. Ce qui signifie que l’offre ne doit pas être faite “sous réserve”.

Outre le fait de devoir exprimer la volonté d’être lié en cas d’acceptation, pour qu’il s’agisse d’une offre engageante pour l’acheteur, elle doit aussi être précise et comprendre les éléments essentiels de la vente. A défaut, il ne s’agit que d’une invitation à négocier, ce qui signifie donc l’absence d’engagement, même si le vendeur l’accepte.

Offre d’achat ferme ou invitation à négocier ?

Distinguer une offre d’une simple négociation n’est pas chose aisée, mais nécessaire pour déterminer l’étendue de l’engagement du vendeur en cas d’acceptation.

Il s’agit d’une question d’appréciation de pur fait. En effet, la loi ne définit pas les éléments que doit contenir l’offre de façon précise.

S’agissant d’une offre d’achat d’un bien immobilier, elle devra notamment pouvoir identifier le bien, le prix et les autres conditions de la vente, et notamment les modalités de financement et autres conditions suspensives qui seront intégrées dans la promesse de vente.

Les modalités de l’acceptation pure et simple d’une offre

Pour qu’on puisse soutenir que le vendeur a accepté une offre, cette acceptation doit être pure et simple, sans réserve. Elle peut résulter de la contresignature de l’offre, alors souvent accompagnée de la mention “bon pour acceptation de l’offre”, ou de toute autre mention équivalente.

A défaut de contresignature, la preuve de l’acceptation peut résulter d’échanges, permettant là aussi de déceler la volonté de s’engager. Les juges ont par le passé considéré qu’un vendeur était engagé par l’acceptation formulée par son notaire ou son avocat, en son nom, sur la base d’échanges de courriers (CA Paris, 2e chambre, section B, 26 juin 2008, n°06/14477 ; Cour de cassation, 3e chambre civile, 9 mai 2012, n°11-15161).

La contre-offre : une nouvelle offre

Le vendeur peut ne pas accepter purement et simplement l’offre mais proposer d’autres conditions, comme par exemple un autre prix, des modalités de paiement particulières ou un délai de réalisation de la vente plus court que celui porté sur l’offre initiale. Cette contre-offre constitue une nouvelle offre. La première ayant été refusée, elle est caduque.

La pluralité d’offres : le choix du vendeur

Lorsque le vendeur reçoit plusieurs offres dites concomitantes, c’est-à-dire reçues dans le même temps, le même jour notamment, les juges lui reconnaissent la liberté de choisir et de privilégier l’offre la plus avantageuse, que ce soit en termes de prix, de financement, ou encore par exemple en termes de délai de réalisation de la vente. La première offre reçue ne prime pas sur la seconde (CA Besançon, 9 juin 1999, n°97/00709 ; CA Paris, 12 février 2002, n° 2000/09080 ; CA Pau 1 février 2022, n° 20/00884).

Il faut d’ailleurs noter que des acquéreurs concurrents peuvent être amenés à surenchérir sur une offre afin de l’emporter. Dans ce cas, il se peut que le prix offert soit supérieur au prix du mandat reçu par l’agence, qui doit alors transmettre ces offres au vendeur.

Les offres au prix et conditions du mandat

Il n’est pas rare d’entendre que l’offre au prix s’impose au vendeur. Cette croyance est aujourd’hui démentie par la position de la jurisprudence. Le mandat de l’agence n’étant qu’un mandat d’entremise, à défaut de clause lui permettant d’engager le vendeur, l’offre qu’il reçoit même aux prix et conditions du mandat n’engage pas le vendeur, qui reste donc libre de l’accepter ou non, sans que ce choix puisse lui être reproché (Cour de cassation, Chambre civile 1, 16 novembre 2016, n°15-22010 ; Cour de cassation, Chambre civile 1, 8 septembre 2021, n°20-12.171 ; Cour de cassation, Chambre civile 1, 15 juin 2022, n°20-22047).

Le vendeur est-il définitivement engagé par son acceptation ?

En pratique, il arrive que le vendeur, après avoir accepté une offre, renonce finalement à signer la promesse de vente, soit parce qu’il renonce à vendre soit parce qu’un autre acquéreur lui présente une offre plus avantageuse. Ayant accepté l’offre, n’est-il pas engagé avec le premier offrant?

La réponse dépend, comme nous venons de le voir, du contenu de l’offre et de la volonté des parties qui en ressort d’être engagées en cas d’acceptation. C’est donc une question d’interprétation de la volonté des parties et des différents éléments soumis au juge.

Les juges ont par exemple considéré que le vendeur qui avait accepté une offre n’était pourtant pas engagé. En effet, il avait demandé des informations sur les modalités de financement avant son acceptation, informations qu’il n’avait pas obtenues.

Pour les juges, le vendeur, en demandant des précisions, avait fait des conditions de financement un élément déterminant de son engagement. La seule signature de l’offre d’achat par le vendeur sans que l’acquéreur ne lui ait répondu ne pouvait donc pas l’engager (Cour de cassation, 3e Ch. Civile, 18 janvier 2024, n°22-18.996).

Dans la même ligne, si la promesse ajoute des conditions qui ne figuraient pas dans l’offre, le vendeur pourrait refuser de la signer car non conforme aux conditions qu’il a acceptée. En ce sens, les juges ont déjà pu confirmer que le vendeur est en droit de refuser de signer un compromis sous condition suspensive de financement, condition qui ne figurait pas dans l’offre qu’il avait acceptée (Cour de cassation, 3e Ch. Civile, 28 mars 2006, n°05-14.090).

Que risque le vendeur s’il renonce à une offre acceptée ?

Lorsque le vendeur a accepté purement et simplement une offre ferme et définitive, il s’engage donc à signer une promesse de vente. S’il y renonce, il ne respecte pas son engagement. L’acquéreur peut donc le poursuivre pour obtenir l’exécution forcée de la vente et/ou une indemnisation, l’accueil favorable de ces demandes restant soumis à l’appréciation des juges.


Cour de cassation, Chambre civile 1, 8 septembre 2021, n°20-12.171

Cour de cassation, Chambre civile 1, 15 juin 2022, n°20- 22047

Cour de cassation, 3e Ch. Civile, 18 janvier 2024, n°22- 18.996

Cour de cassation, 3e Ch. Civile, 28 mars 2006, n°05- 14.090

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