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« Fiscalité des revenus locatifs : un autre regard est possible » Jean-Marc Torrollion

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Au regard du poids économique du parc privé locatif, il paraît naturel de concevoir sa fiscalité comme on traite un actif de production dans une entreprise. Tribune de Jean-Marc Torrollion, à l’heure où les contours du futur statut du bailleur privé se dévoilent peu à peu !

photo : revenus locatifs

À l’heure où nous écrivons ces lignes, Mickael Cosson, député des côtes d’Armor et Marc Philippe Daubresse, sénateur du Nord, se sont vus confier par Valérie Létard, ministre du Logement, une mission sur le statut du bailleur privé. C’est une bonne nouvelle !

Tous les acteurs du logement appellent de leurs voeux une réforme de la fiscalité du logement souhaitant la création de ce statut. Des travaux précurseurs avaient été initiés notamment par la FNAIM en 2008, mais aussi plus récemment. On se doit de citer les travaux de Jean Bovieux et Bernard Coloos (1).

À lire aussi : Investissement locatif : bientôt un statut de bailleur privé ?

État des lieux du parc privé locatif

Le parc privé locatif rassemble 7 400 000 logements détenus par 5,1 millions de bailleurs (2). Sa valeur économique peut être estimée à 1 680 milliards d’euros sur un montant total de 8 500 milliards d’euros pour l’immobilier. On peut rapprocher ce chiffre du montant de l’épargne à vue des Français (2 500 milliards d’euros), du montant de l’assurance vie (1 500 milliards d’euros) ou du montant des actions détenues par les Français (2 000 milliards d’euros). L’épargne et l’assurance- vie sont peu fiscalisées, les revenus des actions bénéficient de la flat taxe.

La France loge 24 % de ses concitoyens dans le parc privé locatif. Ce parc est composé majoritairement d’appartements (70 %). Ainsi, sur les 10 millions de logements collectifs, la majorité est occupée par des locataires (5,4 millions), et dans les grandes villes de France, les propriétaires occupants ne représentent souvent qu’un tiers des logements (3).

Si nous nous comparons à l’Europe, peu de pays ont un parc social aussi important que le nôtre (18 % des logements), à part l’Angleterre. Il n’est pas rare que 35 à 45 % de la population soit logée dans le secteur locatif privé (4).

Le poids économique du parc privé locatif est important. Il représente 21 % des dépenses d’activités et 21 % des dépenses courantes du logement (5). Si on compare uniquement le secteur locatif social au secteur locatif privé, ce dernier représente les deux tiers de ces dépenses.

Le parc privé locatif, poumon de la mobilité des Français

Le parc privé locatif est le poumon de la mobilité des Français avec une rotation annuelle de plus de 1,2 million de logements. 29 % des locataires occupent leur logement depuis moins de 2 ans.

Sur le plan fiscal, 42,6 milliards d’euros de loyers sont fiscalisés et engendrent 8,5 milliards d’euros de prélèvement. Les 60 milliards de loyers bruts sont comptabilisés comme des revenus de producteur d’activité dans les comptes du logement. Les bailleurs fournissent un service aux locataires et effectuent des dépenses d’entretien et d’amélioration tout au long de la vie de leur bien. Sans ces investissements, le logement devient indécent et subit une péremption le rendant impropre à rendre un service locatif.

Pour une réforme de la fiscalité

Au regard de cette analyse, il paraît naturel de traiter la fiscalité du logement locatif comme on traite un actif de production dans une entreprise. L’investissement locatif est fortement capitalistique mais son entretien et son amélioration sur la durée le sont également.

L’attractivité de l’investissement locatif est aujourd’hui fortement obérée par la faiblesse de sa rentabilité, la forte réglementation, les obligations de travaux en matière de rénovation énergétique et l’encadrement des loyers.

Fort de ce constat, l’UNPI (Union Nationale des Propriétaires immobiliers), sous l’impulsion de son président Sylvain Grataloup, a créé début 2025 un groupe de travail chargé d’élaborer un projet de réforme de la fiscalité du bailleur. J’ai eu l’honneur de faire partie de ce groupe de travail (6) qui a rédigé un rapport intitulé « un nouveau regard sur le parc privé locatif », présenté au ministère du Logement.

Ce rapport contient deux propositions : la création d’un dispositif fiscal universel des revenus locatifs sur lequel nous reviendrons, et la reconnaissance d’un statut des financières intermédiaires des territoires (Foncière familiale à L’IS constituant un outil de travail).

Le dispositif fiscal universel des revenus locatifs proposé par l’UNPI se caractérise par sa simplicité, sa neutralité et son universalité.

La simplicité est due au fait qu’il ne bouleverse pas le cadre connu du traitement classique des revenus fonciers au réel. Nous rajoutons deux lignes : l’amortissement de l’actif immobilier et l’amortissement des gros travaux.

La neutralité fiscale est nouvelle et concerne trois aspects :

  • la neutralité fiscale entre le neuf et l’ancien ;
  • la neutralité entre la location nue à usage d’habitation principale et meublée, sauf statut du LMP ;
  • la neutralité territoriale.

L’universalité est par elle-même très novatrice. Tous les bailleurs de logement ont vocation à intégrer le dispositif au terme d’une période transitoire pour le parc locatif existant. Le dispositif fiscal universel des revenus locatifs s’appliquerait aux acquisitions destinées à la location mais aussi, aux biens reçus par donation ou  succession, maintenus à usage locatif par les donataires ou les héritiers. Enfin, il a vocation à être choisi par les bailleurs d’un logement existant à condition de maintenir à la location leur bien pendant 10 ans.

S’inspirant de la fiscalité allemande, le dispositif fiscal universel des revenus locatifs s’articule autour des points suivants :

  • amortissement pendant 40 ans, à hauteur de 2 % par an du bien locatif (les 20 % non amortis correspondent à la valeur du terrain) ;
  • amortissement des gros travaux pendant 20 ans à hauteur de 5 % par an (y compris l’addition de surface et la surélévation aménagement de combles) ;
  • déduction des charges courantes et menus travaux à l’identique du système actuel ;
  • déduction des intérêts d’emprunt ;
  • report du déficit sur le revenu imposable sans limite ;
  • réintégration au prix de revient du montant de l’amortissement en cas de vente seulement au bout de 10 ans ;

Les projections permettent d’appréhender une augmentation importante de la trésorerie disponible (et donc de la rentabilité) pour le bailleur par la déduction fiscale de l’amortissement du revenu foncier, et de limiter considérablement pour l’Etat l’impact fiscal de la déductibilité immédiate des travaux (7).

En 10 ans, 20 % du prix du logement aura été déduit des revenus fonciers permettant ainsi au bailleur d’améliorer considérablement sa capacité de financement des travaux. La rentabilité annuelle s’améliore de 0,8 à 1 %. En toute logique, l’amortissement est exclusif des aides de l’Etat.

En pleine charge (au bout de 20 ans, et en intégrant tous les logements dans le dispositif), le coût pour l’Etat est inférieur de 500 millions d’euros au cumul des avantages fiscaux actuels pour le secteur locatif privé en n’oubliant pas les trois caractéristiques du dispositif : simplicité, neutralité et universalité.

Par cette proposition, l’UNPI et son président Sylvain Grataloup entendent conforter un des piliers de la politique du logement de la France, le parc privé locatif, en orientant une partie de l’épargne peu fiscalisée des Français sur une activité de production de service au logement utile pour notre pays, avec une offre locative de qualité sur tout le territoire. Cette proposition poursuit aussi un autre objectif : démocratiser l’investissement locatif sur le long terme.

À lire aussi : Investissement locatif : les contours du futur statut du bailleur privé se dévoilent


1) Réformer la fiscalité du logement locatif – politique du logement.com -Avril 2023.

2) Compte du logement 2022- FNAIM : Le logement en France et en Europe 2023.

3) 76 % du parc locatif appartient à des bailleurs personnes physiques, 21 % à des sociétés, 3 % à des collectivités territoriales.

4) Danemark, Autriche, Allemagne, Suisse, la population logée dans le parc privé locatif varie entre 41 % et 55 %.

5 Dépense courante du logement 400 milliards d’euros (loyers dont loyers imputés, dépenses d’énergie et d’eau, charges annexes) – Dépenses d’activité 378 milliards d’euros (gros travaux, vente de neuf et d’ancien).

6) Sylvain Grataloup, président UNPI France – Bruno Brosset, administrateur UNPI France – Hugues Martin, Avocat fiscaliste UNPI 69 – Jean Marc Torrollion, administrateur UNPI 69 .

7) Dans les comptes du logement le déficit foncier comptabilisé en 2022 est de 11,9 milliards d’euros.

Jean-Marc Torrollion

Diplômé d’une maîtrise de droit notarial et de l’ICH mention gestion, Jean-Marc TORROLLION est agent immobilier à Grenoble depuis 1987.
Il a poursuivi un développement continu en Rhône Alpes jusqu’à bâtir le vingtième cabinet d’administrateur de biens de France. Investi dans la vie syndicale depuis 27 ans, il adhère d’abord à la Chambre FNAIM Isère, puis devient Président de la Chambre de 2004 à 2009.
Il poursuit son parcours en devenant Président Régional de la FNAIM Rhône-Alpes, avant d’être nommé Président Délégué de la Fédération en 2013.
Le 13 octobre 2017, Jean-Marc Torrollion est élu Président de la FNAIM et ce, pour 5 ans. Il est Président d’honneur du site BIEN ICI.
Jean Marc Torrollion est également Chevalier de la légion d’honneur.
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