Le diagnostic structurel, un énième diagnostic immobilier ou un véritable outil communal de prévention ?

Attendu depuis la loi du 9 avril 2024 dite « Habitat Dégradé », le décret n° 2025-814 du 12 août 2025 relatif au diagnostic structurel des immeubles collectifs a finalement été publié au Journal Officiel du 15 août. Ce diagnostic se veut être un nouvel outil pour prévenir les effondrements liés à l’habitat dégradé. Une mesure qui impacte directement syndics, bailleurs et copropriétés, désormais en première ligne pour anticiper, organiser et financer ces nouveaux contrôles. Décryptage juridique avec Maître Cyril Sabatié, Avocat spécialiste en droit immobilier - LBVS AVOCATS.
Cyril Sabatié

Quel est ce nouveau diagnostic ?

Prévu par l’article L. 126-6-1 du Code de la construction et de l’habitation, ce diagnostic structurel se veut un nouvel outil à la disposition des communes afin de prévenir et lutter contre l’habitat collectif dégradé. Cette mesure est notamment une réponse aux drames survenus récemment, tels que l’effondrement des immeubles de la rue d’Aubagne à Marseille en 2018 ou encore à Lille en 2022.

Avec cet instrument, la commune peut définir des secteurs géographiques dans lesquels tout bâtiment d’habitation collectif qui s’y trouve doit faire l’objet, à l’expiration d’un délai de quinze ans à compter de la réception des travaux de construction du bâtiment et au moins une fois tous les dix ans, d’un diagnostic structurel du bâtiment. 

Quels immeubles sont soumis à cette obligation de diagnostic ?

Les périmètres des secteurs dans lesquels tout bâtiment d’habitation collectif doit faire l’objet d’un diagnostic structurel sont délimités par délibération du conseil municipal. 

Le décret précise (1) que le maire (ou le président de l’établissement public de coopération intercommunale compétent) doit annexer dans un délai de trois mois au PLU, au document d’urbanisme en tenant lieu ou à la carte communale, les périmètres des secteurs dans lesquels tout bâtiment d’habitation collectif fait l’objet d’un diagnostic structurel du bâtiment.

La délibération du conseil municipal doit être notifiée par LRAR aux propriétaires des bâtiments situés dans ces périmètres (monopropriétaires ou bailleurs sociaux) ou aux syndics représentant les syndicats des copropriétaires de ces bâtiments (à l’aide notamment du registre national d’immatriculation des copropriétés). 

A défaut de pouvoir réaliser cette notification (par exemple en l’absence de syndic), la notification est valablement effectuée par affichage en mairie ainsi que par affichage sur la façade du bâtiment.

De son côté, le syndic de copropriété est tenu de notifier aux copropriétaires cette délibération lorsqu’elle lui a été notifiée (et consécutivement de porter la question de la réalisation de ce diagnostic structurel à l’ordre du jour de l’assemblée générale des copropriétaires).

Pour les immeubles à destination totale ou partielle d’habitation soumis au statut de la copropriété, cette obligation de réaliser un diagnostic structurel de l’immeuble pourra être satisfaite de manière palliative par l’élaboration du projet de plan pluriannuel de travaux (PPT) (2) lorsque celui qui l’a élaboré répond aux conditions de capacité et de compétence prévues pour le diagnostic structurel.

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Dans quel délai ce diagnostic doit être réalisé ?

Le propriétaire ou le syndicat des copropriétaires doit transmettre le rapport à la commune au plus tard 18 mois à compter de la notification qui lui a été faite de la délibération du conseil municipal (ou de la date la plus tardive de l’affichage alternatif en mairie ou sur l’immeuble).

En cas de réalisation d’un projet de PPT au sein de la copropriété, la transmission de ce projet de PPT à la commune (en lieu et place du diagnostic structurel) doit être réalisée dans le même délai.

En l’absence de transmission du rapport (ou du projet de PPT) dans ce délai de 18 mois à la commune, le maire peut dans le cadre de l’exercice de son pouvoir de police de la sécurité et de la salubrité des immeubles demander au propriétaire ou au syndic de le lui produire.

A défaut de transmission dans un délai d’un mois à compter de la notification de cette demande, le maire peut faire réaliser d’office le diagnostic en lieu et place du propriétaire ou du syndicat des copropriétaires.

Lorsque le maire fait ainsi réaliser d’office le diagnostic structurel en lieu et place du propriétaire ou du syndicat des copropriétaires, les frais engagés par la commune sont recouvrés comme en matière de contributions directes à son profit.

Quel est le contenu de ce nouveau diagnostic ?

A ce jour un arrêté ministériel (3) reste à paraître afin de préciser le modèle de rapport de ce diagnostic structurel ainsi que les principales informations techniques contenues dans ce même rapport.

Le décret précise toutefois que dans le cadre de sa mission la personne qui réalise le diagnostic structurel effectue une inspection visuelle extérieure et intérieure du bâtiment qui met en évidence les désordres apparents et établit un rapport sous format numérique.

Sur le plan technique le rapport de diagnostic structurel devra contenir à minima les informations suivantes :

  • La description du bâtiment notamment le type de construction, l’année de construction, le nombre d’étages, la présence d’un sous-sol et la superficie ;
  • La description des éléments structurels diagnostiqués et des désordres observés;
  • La description des derniers travaux réalisés sur l’immeuble et l’analyse de leur impact éventuel sur la stabilité et la solidité du bâtiment.

Le cas échéant, le rapport peut également comporter :

  • Les investigations complémentaires recommandées ;
  • Les recommandations des mesures de sécurisation du bâti avant la réalisation des travaux ;
  • Les recommandations des travaux à réaliser sous la forme d’une liste hiérarchisée.

Qui peut réaliser ce diagnostic ?

Le propriétaire ou le syndicat des copropriétaires d’un bâtiment soumis à cette obligation d’établir le diagnostic structurel est tenu de faire réaliser ce diagnostic par une personne qui justifie des compétences et garanties prévues par les articles R.126-43-4 à R.126-43-7 du CCH.

La personne qui réalise le diagnostic structurel du bâtiment peut être une personne physique, une personne morale ou un groupement doté de personnalité juridique. Cette personne ou ses employés ou les membres du groupement qui interviennent dans la réalisation du diagnostic doivent justifier de compétences, de diplômes, de leur indépendance (4) et d’une assurance responsabilité civile (5).

La personne qui réalise le diagnostic structurel doit ainsi produire au propriétaire ou au syndic (et éventuellement à la commune) les éléments suivants :

  • Les documents justifiant de ses compétences, ou celles de ses employés ;
  • Une attestation d’assurance de responsabilité civile professionnelle ;
  • Une attestation sur l’honneur de son impartialité et de son indépendance à l’égard du propriétaire ou du syndic de copropriété et des entreprises intervenant sur l’immeuble sur lequel porte le diagnostic structurel.

En conclusion, selon le communiqué de presse de Valérie LETARD, la Ministre chargée du Logement, « Le diagnostic structurel est un nouvel outil qui va permettre de détecter et signaler les risques d’effondrement ». 

Néanmoins, derrière ce nouvel outil le problème financier demeure entier. A n’en pas douter ce nouveau diagnostic sera onéreux et les travaux qu’il induira seront nécessairement encore plus couteux. Dans les copropriétés dégradées, aux situations financières déjà le plus souvent obérées, ce nouveau diagnostic structurel permettra sans doute « de tirer une sonnette d’alarme » mais malheureusement pas de résoudre les problèmes structurels du bâtiment diagnostiqué.

S’agissant des copropriétés dans lesquelles le diagnostic structurel aura révélé une situation alarmante et/ou dangereuse (et que le syndicat est dans l’impossibilité de pourvoir à la conservation de son immeuble), rappelons que le maire de la commune, mais également le préfet, disposent du pouvoir de solliciter judiciairement la désignation d’un administrateur provisoire en application de l’article 29-1 I de la loi du 10 juillet 1965.

Ce nouvel outil ne sera donc pleinement efficient que si la commune va jusqu’au bout de la démarche visant à remédier à l’habitat dégradé.

1)  Article L.126-43-1 du CCH.

2) Prévu à l’article 14-2 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965.

3) Article R. 126-43-10 III du CCH.

4) Prévue par l’article R. 126-43-7 du CCH.

5) Le montant de la garantie ne peut être inférieur à 1 000 000 euros par sinistre et 1 500 000 euros par année d’assurance.

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Cyril Sabatié: Cyril SABATIE est avocat au Barreau de Paris et associé fondateur du Cabinet LBVS AVOCATS. Il dispose également de deux autres cabinets sur Nice et Angers destinés principalement au conseil des professionnels de l’immobilier et de la construction. Il a été notamment Directeur juridique de la FNAIM et est l’auteur de divers parutions et articles sur le droit immobilier, en particulier l’ouvrage COPROPRIETE aux éditions Dalloz-Delmas. Il est également membre de la Chambre nationale des experts en copropriété (CNEC) et de la Chambre des experts immobiliers FNAIM (CEIF).