Le contexte
Un acte sous seing privé est conclu pour la vente de bâtiments à usage agricole. Une condition suspensive d’obtention de prêt prévoit que les acquéreurs doivent obtenir un prêt au plus tard le 1er décembre 2002 pour un montant égal à celui du prix de vente et d’une durée de 15 ans au taux maximal de 6 % hors assurance.
Le 22 novembre les acquéreurs se voient refuser un prêt sur 12 ans, puis un second refus intervient quelques mois plus tard pour un prêt du même montant sur 10 ans.
La venderesse considère que la défaillance de la condition suspensive est causée par la faute des acquéreurs et les assigne afin d’obtenir leur condamnation au paiement du prix de vente.
La jurisprudence
- La cour d’appel rejette la demande de la venderesse, qui se pourvoit en cassation.
- La venderesse invoque le fait que la condition suspensive doit être réputée acquise lorsque l’acquéreur n’est pas en mesure de prouver qu’il a sollicité un prêt conforme à la promesse.
- La Cour de cassation rejette le pourvoi et rappelle que la cour d’appel a constaté que la banque avait expliqué, étude de simulation à l’appui, que le prêt sur 12 ans avait été refusé eu égard à une insuffisance de capacité financière, compte tenu des emprunts déjà en cours des acquéreurs.
- Elle considère que la cour d’appel a pu, à bon droit, juger que, si la durée d’emprunt demandée n’était pas conforme au contrat, les calculs produits par la banque démontraient que même dans les conditions de la promesse, le prêt aurait dépassé les capacités financières des acquéreurs.
La Haute Cour décide que la cour d’appel en a valablement déduit que c’était sans faute des acquéreurs que la condition suspensive avait défailli.
En conséquence, la venderesse ne peut prétendre à aucune indemnité.
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Et pour votre agence ?
Cette décision rappelle que le juge apprécie souverainement la faute de l’acquéreur permettant potentiellement de refuser de restituer le séquestre versé et de demander une indemnisation par le jeu de la clause pénale de la promesse.
Elle a par ailleurs été suivie par la jurisprudence récente. Dans une décision du 15 septembre 2016, pour des faits similaires, la Cour de cassation précise que la cour d’appel a souverainement retenu que même si l’acquéreur avait formulé des demandes de financement pour le montant prévu au contrat, elles auraient été refusées. Sa faute n’est donc pas retenue.
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Un arrêt de la Cour d’appel de Nîmes du 17 avril 2025 reprend ce principe.
Elle juge que même si les acquéreurs avaient déposé des demandes de prêt conformes aux stipulations contractuelles, la réalisation de la condition suspensive était vouée à un échec certain, compte tenu de l’insuffisance de leur capacité de remboursement. Ainsi, aucun lien de causalité n’est démontré entre la demande de prêt ne correspondant pas au compromis et la défaillance de la condition suspensive. L’acquéreur ne peut donc pas voir sa responsabilité engagée : le séquestre doit lui être restitué et il n’est redevable d’aucune indemnisation au profit du vendeur.
Ces décisions rappellent l’importance des vérifications auxquelles vous devez procéder, en tant que professionnels, concernant le dossier des candidats acquéreurs et leur solvabilité, afin de sécuriser la vente et éviter que votre responsabilité ne soit engagée.
Références juridiques : Arrêt de la Cour de cassation du 12 septembre 2007, n°06-15.640 – Arrêt de la Cour de cassation du 15 sept. 2016, n° 14-29.438 – Arrêt de la Cour d’appel de Nîmes, du 17 avril 2025, nº 24/01939 – Ancien article 1178 du code civil et nouvel article 1304-3 du code civil.

