Sécuriser votre commission d’agent immobilier : et si le mandat de représentation devenait un réflexe ?

Il existe des leviers juridiques pour mieux sécuriser vos honoraires. Avocat en droit immobilier, Sylvain Dubois explique pourquoi la simple clause pénale ne suffit pas et en quoi le mandat de représentation peut offrir une protection renforcée aux agents immobiliers.
Commission de l’agent immobilier : et si le mandat de représentation devenait un réflexe ?

Le droit à rémunération de l’agent immobilier repose sur un principe constant : aucune commission n’est due si la vente n’a pas été effectivement conclue et constatée par écrit. Cette exigence, consacrée par la loi Hoguet du 2 janvier 1970 (1), se traduit dans la jurisprudence par une fermeté constante (2).

L’agent, même lorsqu’il a accompli tout le travail d’entremise et trouvé un acquéreur aux conditions fixées par le mandat, peut se voir priver de sa commission si le vendeur se rétracte ou si l’acte de vente n’est pas signé pour une autre raison. Cette fragilité invite à s’interroger sur les outils contractuels permettant de mieux sécuriser la rémunération de l’agent immobilier.

I. Le droit à rémunération de l’agent immobilier fragilisé par la nature du mandat d’entremise

Par nature, le mandat confié à l’agent est un mandat d’entremise. Il se définit comme un contrat par lequel le professionnel s’engage à rechercher un acquéreur et à rapprocher les parties, mais sans pouvoir représenter le vendeur ni conclure la vente en son nom. À défaut de stipulation expresse, l’agent ne peut donc pas signer pour le compte du mandant, que ce soit la promesse ou l’acte authentique de vente (3).

La Cour de cassation a rappelé qu’un tel mandat consiste en la recherche d’un acquéreur aux conditions fixées, mais qu’il n’équivaut pas à une offre de vente (4). En l’absence de stipulation spéciale, le mandat d’entremise n’est juridiquement qu’un simple contrat de courtage, conférant à l’agent une mission de prospection et de négociation, sans pouvoir d’engager le vendeur (5).

Dès lors, si le vendeur refuse de conclure la vente au prix prévu au mandat, l’agent ne peut l’y contraindre et reste privé de commission.

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II. La clause pénale : une protection imparfaite

Il est fréquent que les parties prévoient, dès la conclusion du mandat, une clause pénale. Celle-ci a pour objet de fixer à l’avance la somme due en cas d’inexécution contractuelle de la part du mandataire. Ainsi, de nombreux mandats stipulent que le vendeur s’interdit, pendant la durée du mandat et pendant une certaine durée après sa résiliation, de traiter directement avec un acquéreur présenté par l’agent immobilier, sous peine de devoir verser à ce dernier une indemnité correspondant en pratique au montant de sa commission.

Conformément au droit commun des obligations, une telle clause fait la loi des parties et doit, en principe, recevoir application pure et simple (6). Elle est d’ailleurs expressément admise par l’article 6, I, alinéa 6 de la loi Hoguet.

Toutefois, cette sécurité apparente est atténuée par deux limites importantes. D’une part, le juge conserve le pouvoir de modérer ou d’augmenter la pénalité si elle est manifestement excessive ou dérisoire (art. 1231-5 du Code civil). D’autre part, sa mise en œuvre suppose généralement d’engager un contentieux afin de démontrer la violation par le vendeur de son engagement contractuel.

En pratique, la clause pénale joue surtout un rôle dissuasif. Elle peut conforter l’agent en cas de manquement du vendeur, mais elle ne garantit pas une rémunération immédiate et certaine.

III. Les atouts du mandat de représentation

Bien que rarement mis en œuvre en pratique, un mécanisme intéressant consiste à compléter le mandat d’entremise par un véritable mandat de représentation. L’article 72, alinéa 3, du décret n° 72-678 du 20 juillet 1972 autorise en effet qu’un mandat confère à l’agent immobilier le pouvoir de s’engager au nom et pour le compte du vendeur, à condition que cette faculté soit prévue de manière claire, expresse et spéciale.

Ce mandat de représentation peut porter aussi bien sur la signature de l’avant-contrat que de l’acte réitératif devant notaire. La jurisprudence est constante : sans un tel pouvoir, l’agent ne peut pas engager son mandant et tout acte signé en son nom est nul (7). En présence d’un tel mandat, l’agent peut, en principe, conclure la vente pour le compte du vendeur, ce qui tend à réduire le risque de blocage et à mieux sécuriser sa commission.

L’utilisation de ce mécanisme requiert avant tout l’accord éclairé du vendeur. Ce dernier doit mesurer la portée d’un tel engagement, puisqu’il délègue la faculté de conclure en son nom et perd la maîtrise directe de la phase contractuelle. Sa mise en œuvre appelle par ailleurs une rédaction particulièrement rigoureuse et s’inscrit dans le cadre d’une relation de confiance solide entre l’agent et son mandant. À défaut d’une explication claire des enjeux et des limites de ce mécanisme, la clause risque de générer incompréhensions et contestations.

Conclusion

Le droit à rémunération de l’agent immobilier est fragilisé par la nature même du mandat d’entremise, qui ne lui confère pas le pouvoir d’engager le vendeur. La clause pénale, fréquemment insérée dans les mandats, constitue un instrument de protection mais demeure imparfaite en raison de son contrôle par le juge et de sa propension à générer des contentieux.

Le mandat de représentation apparaît comme un complément susceptible de mieux sécuriser la rémunération de l’agent dès la conclusion du mandat. Son efficacité reste toutefois conditionnée à l’accord explicite du vendeur et à une rédaction claire et rigoureuse.

En définitive, si la clause pénale conserve essentiellement une fonction dissuasive, le mandat de représentation a l’avantage d’offrir à l’agent immobilier un outil capable de fluidifier le processus de vente et, par là même, de renforcer la sécurisation de sa commission dès la signature du mandat.

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[1] Article 6, I de la loi n°70-9 du 2 juin 1970 

[2] Voir par exemple Cass. 3e civ., 11 mars 2009, n° 07-20509 ; Cass. 1ère civ., 13 juin 2006, n° 04-15943 – Cass. 1ère civ., 15 mai 2001, n° 95-17098 ; Cass. 1ère civ., 24 sept. 2009, n° 08-17244. 

[3] Cass., Civ. 1ère, 15 juin 2022, n° 20-22.047. 

[4] Cass. 3e civ., 17 juin 2009, n° 08-13.833. 

[5] Cass. 3e civ., 12 avr. 2012, n° 10-28.637. 

[6] Cass. 1ère civ., 23 janv. 2019, n° 18-10.549 ; Cass. 1ère civ., 27 mai 1998, n° 96-18.385 ; Cass. 1ère civ., 2 oct. 2013, n° 12-22.343. 

[7] Cass. 1ère civ., 6 mars 1996, n° 93-19.262 ; Cass. 3ème civ., 12 avr. 2012, n° 10-28.637.

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