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« Une offre au prix sur le mandat d’un agent immobilier ne vaut pas (toujours) vente ! », Quentin Lagallarde

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Force est de constater, dans la compétition actuelle entre acquéreurs, que la méconnaissance de la loi Hoguet de certains acteurs entraine des situations de désarroi pour les professionnels. Bien souvent les professionnels qui reçoivent concomitamment des offres au prix concurrentes sur un même bien se trouvent menacés par l’acquéreur potentiel déçu. Rétablissons la vérité et apportons une réponse.

photo : House model with real estate agent and customer discussing for contract to buy house, insurance or loan real estate background.

Ce sujet a déjà été traité à plusieurs reprises dans les colonnes du Journal de l’Agence mais nous constatons encore des professionnels qui sont menacées par des acquéreurs voire leurs conseils ou notaires lorsque l’un des acquéreurs potentiel qui a formulé une offre au prix du mandat n’a pas le bien et qu’un autre obtient l’accord du vendeur.

Les acquéreurs et leurs conseils et notaires croient éperdument que toutes les dispositions du Code Civil peuvent recevoir application et qu’ainsi la première offre au prix doit être acceptée par le vendeur.

La jurisprudence abondante est claire sur le sujet depuis des décennies : une offre au prix du mandat ne vaut pas vente si le mandat de l’agent immobilier ne contient pas de clause expresse lui donnant pouvoir de représenter son mandant (art 72 alinéa 3 du décret du 20 juillet 1972). Le vendeur conserve la liberté d’agréer l’offre qui lui conviendra le mieux. C’est le cas de la très grande majorité des mandats !

Alors que répondre face aux menaces et intimidations de certaines parties ? Voici une suggestion à adapter à vos besoins si votre mandat ne contient pas de clause de représentation (ce qui est souvent le cas) .

Proposition de réponse type

« Suite à votre communication m’intimant de reconnaitre comme formée la vente entre XXXX et le vendeur en vertu d’une offre au prix émise, je ne peux malheureusement pas partager votre raisonnement juridique.

 En qualité de professionnel réglementé par la loi Hoguet du 2 janvier 1970 et du décret du 20 juillet 1972, mes mandats sont régis par cette loi spéciale.

 Il est de jurisprudence constante que le mandat de l’agent immobilier, sauf s’il comporte l’autorisation expresse de s’engager pour une opération déterminée (art 72 al 3 du décret de 1972), n’est qu’un contrat d’entremise qui ne permet à l’agent immobilier que de présenter des offres au mandant vendeur qui conserve sa faculté d’apprécier les offres et d’agréer celle qu’il choisira. La Cour de Cassation a pu rappeler la qualification donnée de mandat d’entremise (Cass. Civ. 1ère 5 février 2020) au mandat de l’agent l’immobilier.

 C’est à tort que vous confondez les règles du Code Civil avec la loi spéciale. Une « offre aux prix » émise à un agent immobilier n’engage pas le vendeur qui conserve toute liberté d’agrément.

 En effet, la Cour de Cassation a eu l’occasion à plusieurs reprises de rappeler la véritable qualification du mandat loi Hoguet. La haute juridiction (Cass. 1ère Civ – 10 mai 1995 – n°92-16114) a pu dire dans un arrêt que tant l’intitulé du mandat que la clause « ratifier la vente à tout preneur présenté par l’agence X en acceptant le prix et les conditions des présentes » étaient insuffisants au regard des exigences posées par l’alinéa 3 de l’article 72 du décret de 1972 pour engager l’opération de vente. La Cour a réaffirmé qu’une offre d’achat aux prix et conditions du mandat de l’agent immobilier n’engageait pas le vendeur (Cass. 1ère Civ – 14 décembre 2004 – n°03-10528). Il faut donc entendre, à la lecture de la jurisprudence, que pour qu’un vendeur puisse être contraint de vendre il faut que le mandat transfère le pouvoir pour l’agent immobilier d’aliéner le bien en lieu et place du mandant avec une véritable clauses de représentation. A défaut, le mandat est un simple mandat d’entremise.

 Ma seule mission est donc de transmettre les offres au vendeur, qui choisit d’agréer celle qui lui convient.

 Aussi, je vous prie, de bien vouloir prendre considération de cette impossibilité de forcer la vente sur la base de votre argumentation. »

 

Les règles sont détaillées dans ces articles :

https://www.journaldelagence.com/1184493-le-mandat-vecteur-de-liberte-pour-les-vendeurs-quentin-lagallarde-expert-pres-la-cour-dappel-de-caen-et-enseignant-droit-immobilier-et-expertise-immobiliere

https://www.journaldelagence.com/1165713-le-mandat-loi-hoguet-ovni-juridique-quentin-lagallarde-expert-pres-la-cour-dappel-de-caen-et-enseignant-droit-immobilier-et-expertise-immobiliere

 

Quentin LAGALLARDE

Quentin LAGALLARDE , Chartered surveyor MRICS, expert évaluateur en immobilier près la Cour d’Appel de Caen.

Certifié en expertise immobilière de l'ESSEC Business School et titulaire du DU expertise judiciaire (faculté de Droit de l'université de CAEN). Il est membre agréé du collège des experts du SNPI, Quentin LAGALLARDE dispose de plusieurs années d'expérience dans différents cabinets immobiliers en matière d'expertise, transaction et location. Il est certifié REV par TEGoVA, MRICS et également inscrit sur la liste des experts près la Cour d'Appel de Caen.
En sus de son activité expertise, il est formateur auprès des professionnels de l’immobilier. Ses formations sont disponibles sur www.cotentin-expertise.fr.
Téléphone : 02 33 03 17 02

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Vos réactions
  • Par Michel Castel, il y a 3 années

    Merci pour votre article qui est très intéressant.
    Pourriez vous me dire si il suffit d’indiquer dans les conditions générales du mandat et notamment les obligations du mandant  la formule suivante pour que l’agent immobilier puisse obliger le mandant à accepter la première offre au prix  et donc ne pas être considérer comme ayant un simple rôle d’entremise « le mandant s’engage à accepter tout acquéreur présenté par le mandataire et ce même avec une condition suspensive de prêt si ce dernier accepte d’acquérir le bien au prix et conditions du mandat et à pas révoquer son acceptation d’une offre d’achat. »
    Je vous remercie par avance de votre réponse.
     

  • Par Quentin, il y a 3 années

    Merci pour cet article et pour les commentaires constructifs. Finalement le plus important lors de la rédaction de l’offre d’achat est de bien expliqué au client que le vendeur pourra accepter ou refuser cette offre, même si elle est au prix du mandat.

  • Par LAGALLARDE, il y a 3 années

    Madame ou Monsieur COLIN, 

    L’article ne démontre pas que le mandat n’en n’est pas un, il fait simplement la différence entre les clauses qu’il contient. En reprenant l’article 1984 du Code Civil :  » Le mandat ou procuration est un acte par lequel une personne donne à une autre le pouvoir de faire quelque chose pour le mandant et en son nom. » Ainsi le contrat évoqué dans l’article est bien un mandat. 

  • Par S.Collin, il y a 3 années

    Bonjour, vous démontrez par A plus B que le contrat passé entre le vendeur et l’agent n’est PAS UN MANDAT puisque  » il faut que le mandat transfère le pouvoir pour l’agent immobilier d’aliéner le bien en lieu et place du mandant avec une véritable clauses de représentation ». Alors pourquoi, envers et contre tout, parlez-vous de « mandat » au lieu de contrat de courtage ou de mission de recherche (d’acquéreur). Cela prête évidement à confusion !
    Merci.

  • Par Gilles, il y a 3 années

    Bonjour Rémy, Bonjour Gelly,L’acquéreur n’est pas spécialement un expert du droit immobilier et il n’est pas certain qu’il maîtrise les subtilités du mandat de vente surtout s’il voit deux annonces à des prix différents pour un même bien, ce qui semble être le cas ici puisqu’il existe une autre offre à un prix supérieur. Pour le reste, Rémy, nous sommes d’accord qu’une clause pénale n’a pas d’incidence si le vendeur refuse l’offre de bonne foi mais ce n’est pas le sujet ici. En ce qui concerne l’autorisation donnée au mandant de conclure la promesse de vente pour pourvoir prétendre aux honoraires, ce n’est pas tout à fait exact. La clause doit autoriser le professionnel à engager le vendeur.
    Cet engagement peut prendre la forme de l’acceptation de l’offre qui devient un acte de disposition. C’est ce que j’ai expliqué dans mon autre commentaire en présentant la différence entre un acte d’administration et un acte de disposition. Et c’est ce qu’explique Quentin dans son article en indiquant qu’une telle clause doit obligatoirement être expresse. Une solution est d’insérer cette clause en précisant qu’elle ne concernera que les offres au prix du mandat.
    Elle a ainsi le mérite de restreindre l’autorisation d’engager ce qui permet de rassurer le vendeur.

  • Par Gilles, il y a 3 années

    Bonjour Gelly, oui, effectivement. J’envisageais cela sous un autre angle. Notamment si les honoraires sont à la charge du vendeur. Mais il est vrai que si c’est le cas, le prix de vente comprend les honoraires. Tout dépend cependant comment sont rédigés le mandat et l’offre d’achat.

  • Par Rémy NERRIERE, il y a 3 années

    Bonjour Gilles – il est facile de faire une offre au prix du mandat : il suffit de faire une offre au prix affiché en vitrine ou sur le site d’annonce en ligne ;-)). Dans cette affaire, c’est plus souvent l’agent immobilier qui ignore qu’il ne pourra pas faire jouer la clause pénale dans ce cas là et demander ses honoraires au client, car 99% des mandats comporte la clause selon laquelle le mandant doit régler l’équivalent de la rémunération si le vendeur refuse de signer au prix du mandat, et la Cour de cassation ne donne aucune validité à cette clause en raison du même principe énoncé dans l’article : le mandant n’est pas engagé par aucune offre et peut renoncer de bonne foi à vendre ou à ne pas accepter une offre au prix…De la même façon, il faut une clause donnant mandat à l’agent de conclure la promesse de vente dans cette hypothèse pour être sûr d’être rémunéré…
    Rémy NERRIERE – juriste formateur réseau https://immo-formation.fr

  • Par GELLY, il y a 3 années

    Gilles, ou simplement l’acquéreur aura constaté le prix du mandat en vitrine ou sur internet….

  • Par LAGALLARDE, il y a 3 années

    Gilles, Merci pour vos précisions.
    Sur le fait que les clients et éventuellement leurs conseils sachent l’existence d’offres concurrentes découle pour moi de la transparence déontologique.
    Bien à vous.

  • Par Gilles, il y a 3 années

    Bonjour Quentin,
    Il est très étrange que des notaires soient surpris.
    La raison pour laquelle il est préférable que le vendeur donne pouvoir au professionnel de s’engager en son nom réside tout simplement dans le fait que le mandat de vente sans pouvoir d’engager est un acte d’administration qui na pas vocation à modifier le patrimoine alors que l’aliénation d’un bien est un acte de disposition comme le rappelle la Cour de cassation le 12 septembre 2019 (« Contrairement à ce qu’a considéré le Tribunal, il ne s’agit pas d’un mandat d’aliénation mais un contrat d’entremise, acte d’administration »). C’est donc bien le code civil et non la loi HOGUET qui fixe la règle, cette dernière se contentant d’imposer que le pouvoir donné d’engager le mandat soit contenue dans une clause expresse donc en caractères très apparents. C’est pour cela qu’un notaire qui ignore la différence entre un acte d’administration et un acte de disposition doit retourner à ses études (et fermer son étude…) car il le pratique tous les jours dans le cadre des indivisions notamment.

    Si c’est le notaire à l’origine de la grogne, il suffit de lui expliquer cela et ça le calmera… J’aimerais cependant savoir comment un acquéreur ou un notaire peuvent savoir que l’offre est au prix du mandat de vente sauf si l’agent immobilier s’en est stupidement vanté auprès d’eux… Bien cordialement.Gilles

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