MaPrimeRénov’ et héritage : entre limites des dispositifs et enjeux patrimoniaux

Entre dysfonctionnements des aides à la rénovation énergétique et débats sur l’héritage, la France se heurte à des choix stratégiques et budgétaires lourds de conséquences. Tribune de Bernard Cadeau.
MaPrimeRénov’ et héritage : entre limites des dispositifs et enjeux patrimoniaux

MaPrimeRénov’ : promesse et réalité

S’il fallait un nouvel exemple de l’impéritie budgétaire et stratégique de l’Etat, le dossier MaPrimeRénov’ en serait une parfaite illustration ! Ou comment passer à côté du sujet ?

L’impérieuse nécessité de la rénovation énergétique ne fait pas débat, encore faut-il y répondre avec des outils et des moyens adaptés. Le succès annoncé du dispositif cachait une première réalité : le ticket moyen accordé était de 5 000 euros quand la rénovation massive moyenne s’établissait à 50 000 euros.

Quid du reste à financer, sachant que dans la majorité des cas, les bénéficiaires n’ont pas les moyens de compenser par un apport ou par un prêt ? Malgré tout, plusieurs milliers de dossiers ont été validés et payés.

Fraudes et suspension du dispositif

Vient ensuite le temps des abus et escroqueries. Il semblerait que plus le dispositif est complexe, plus la fraude est accessible. On ne peut que le déplorer. Mais au motif de cette fraude, on suspend purement et simplement le dispositif pour plusieurs mois, le temps de mettre bon ordre !

Lorsqu’un problème comparable survient dans le monde de l’entreprise, faut-il la fermer sine die, ou prendre les mesures transitoires qui s’imposent tout en poursuivant l’exploitation ?

Cette décision serait-elle liée aux difficultés budgétaires de notre pays ? Probable, mais dans l’intervalle, des centaines de projets arrêtés engendrent de graves difficultés pour les clients et leurs artisans. Ce ne sont pas les quelques aménagements de dernière minute qui changeront quoique ce soit au constat !

Ajoutez à cela que 800 millions d’euros de CEE ne seront pas distribués faute de contrôleurs en nombre suffisant, la coupe est pleine !

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Héritage et inégalités : une vision réductrice

Autre danger : la petite musique autour de l’héritage, cause d’un accroissement des inégalités. L’expérience passée nous conduit à redouter que ce sujet s’invite dans le douloureux et risqué exercice budgétaire, auquel nous devons faire face cet automne.

Cette construction intellectuelle autour de l’héritage n’a d’autre fondement qu’idéologique. On appelle à la rescousse les chiffres sans jamais intégrer le volet sociologique et sociétal du patrimoine et de sa transmission. C’est le centre d’un débat sensible qui éveille les passions, mais qui passe à côté de l’essentiel.

Ramener la transmission du patrimoine à un accélérateur des inégalités est tellement réducteur ! Transmettre est avant tout un acte de prévoyance. Nul ne doit avoir honte d’avoir constitué un patrimoine. Il a été prévoyant, il a contribué très largement via la fiscalité à la solidarité nationale, il a fait travailler l’économie locale, il a pris des risques…

Le patrimoine est dans la grande majorité des cas le fruit d’un effort et non d’un privilège.

On pourrait même considérer la succession comme une reconnaissance différée de tous ces efforts.

Méritocratie, fiscalité et politique patrimoniale

Méritocratie et héritage sont consubstantiels ; pourquoi punir plutôt qu’élever ?

Ce n’est pas en appauvrissant les uns que l’on enrichit les autres.

Notre système est déjà très redistributif et la France est l’un des pays les plus taxés de l’OCDE, surtout en ligne indirecte.

Taxer de nouveau ce qui a été déjà prélevé poserait une question de cohérence et ne rendrait personne plus riche ! Les patrimoines transmis sont souvent modestes ce qui limite l’effet de levier économique.
Lutter contre les inégalités c’est donner à chacun les moyens de se constituer son patrimoine, par le travail, l’entreprenariat et l’épargne, c’est renforcer l’ascenseur social, c’est ne pas se limiter à un partage de l’existant, mais à la création de richesses pour les générations futures. Sans doute faut-il repenser les successions, afin de pouvoir hériter plus tôt, conformément à notre espérance de vie rallongée et transmettre plus juste. Mais attention à ne pas punir, décevoir et décourager !

Oui, il faut encourager les transmissions intergénérationnelles plus équitables, plus régulières et plus précoces, par exemple via les plafonds de donation, la nue-propriété, l’alignement des droits en ligne indirecte, notamment.

Ce n’est pas en taxant plus ceux qui reçoivent que l’on aidera davantage ceux qui n’ont rien.

L’égalité passe par la promotion et non la régression. Notre politique patrimoniale doit mixer ambition et équité.

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Bernard Cadeau: Bernard Cadeau a débuté une carrière d’agent immobilier en 1979 en achetant une agence membre du réseau Orpi. Après avoir occupé différentes fonctions locales et nationales, il a dirigé Orpi France durant 18 ans dont 12 en qualité de président national. Au cours de ces années, il s’est attaché à faire progresser la notoriété de la marque Orpi, sa performance commerciale, l’élargissement des métiers ainsi que son influence médiatique. Homme de projets et de convictions, il s’est toujours attaché à raisonner globalement et dans l’intérêt de la profession. Il est ainsi Co fondateur du système de partage de mandats AMEPI, du portail Bien ici ;il a siégé au CNTGI . Passionné par les sujets économiques, politiques et sociétaux, il intervient dans de nombreux débats ; il est le référent logement de l’Institut Sapiens. Il est reconnu comme l’un des spécialistes du logement et de l’immobilier en France. Il est également chroniqueur et conseil. Il est enfin, à ce jour, Délégué général de Partage+, association dont l’ambition est de fédérer l’ensemble des systèmes de partage de mandats exclusifs ainsi que tous les professionnels qui ne partagent pas encore leurs mandats.