Le rôle de l’agent immobilier dans la formation de la vente est souvent source de confusion. S’il dispose d’un mandat d’entremise, son intervention se limite à mettre en relation vendeur et acquéreur, sans pouvoir engager juridiquement son mandant. Or, la jurisprudence rappelle avec constance que seule une clause expresse lui confère ce pouvoir de représentation. Comprendre cette distinction est essentiel pour sécuriser les transactions et éviter tout risque de responsabilité professionnelle.
Un agent immobilier, titulaire d’un simple mandat d’entremise, ne peut pas engager son mandant en acceptant une offre d’achat, sauf si le mandat comporte une clause expresse en ce sens.
La pratique immobilière révèle souvent des incompréhensions autour du rôle exact de l’agent immobilier. Peut-il accepter une offre d’achat au nom du vendeur ? La réponse est claire : non, sauf clause expresse.
1/ Textes et fondements légaux
Le mandat d’entremise, prévu par la loi Hoguet du 2 janvier 1970 (art. 1 et 6) et par l’article 72 du décret du 20 juillet 1972, a pour objet de mettre en relation vendeur et acquéreur. Il n’emporte pas, en lui-même, le pouvoir de représenter le vendeur ni de l’engager juridiquement.
L’article 6 de la loi Hoguet exige un mandat écrit et détaillé.
L’article 72 du décret n°72-678 du 20 juillet 1972 rappelle que « Lorsqu’il comporte l’autorisation de s’engager pour une opération déterminée, le mandat en fait expressément mention. »
Ainsi, à défaut de clause précise, l’agent ne peut ni accepter une offre ni signer un compromis au nom de son client.
2/ Jurisprudences applicables
La jurisprudence rappelle avec constance que l’agent immobilier ne dispose pas du pouvoir de représenter le vendeur, sauf stipulation expresse.
En effet, la Cour de cassation a régulièrement réaffirmé cette position :
Le mandat d’entremise donné à une personne se livrant ou prêtant son concours d’une manière habituelle à une opération visée à l’article 1 de la loi du 2 janvier 1970 ne lui permet pas d’engager son mandant pour l’opération envisagée à moins qu’une clause de ce mandat ne l’y autorise expressément
(Cour de cassation, 1re chambre civile, 5 février 2020, n°18-26.808 ; Cour de cassation, 1re chambre civile, 12 Décembre 2018 – n° 17-14.009 ; Cour de cassation, Chambre civile 1, 6 Mars 1996 – n° 93-19.262).
Le mandat apparent ne permet pas de contourner cette règle d’ordre public posées par les articles 1er et 6 de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 et l’article 72 du décret du 20 juillet 1972 (Cass. 1re civ., 31 janv. 2008, n° 05-15.774- Cass. 1re civ., 5 juin 2008, n° 04-16.368).
Dans l’affaire jugée par la Cour d’appel de Douai, des propriétaires ont mis en vente, par l’intermédiaire d’un agent immobilier, un immeuble indivis à usage d’habitation.
📌 L’offre d’achat Par lettre manuscrite du 8 novembre 2019, signifiée le 12 novembre suivant à l’agent immobilier, des candidats acquéreurs ont formulé une offre d’achat au prix de 130 000 euros.
📌 L’intervention de l’agent Par message vocal du 13 novembre 2019, l’agent immobilier a informé les candidats acquéreurs que les membres de l’indivision avaient opté pour leur proposition d’achat.
📌 Le compromis signé Le 15 novembre 2019, un compromis de vente portant sur le même bien a été conclu entre les membres de l’indivision et l’épouse d’un des indivisaires, au prix de 130 001 euros. Ces mêmes parties ont réitéré la vente par acte authentique reçu le 14 février 2020.
📌 Le litige Les acquéreurs reprochaient à l’agent immobilier de leur avoir confirmé, par message vocal, que leur offre était acceptée. Or, l’indivision venderesse avait déjà accepté une autre offre, légèrement supérieure, émanant de l’épouse d’un indivisaire.
📌 La décision de la cour La cour rappelle que le message vocal de l’agent ne pouvait engager juridiquement les vendeurs, faute de clause de représentation expresse au mandat. La cour rejette ainsi la demande des candidats acquéreurs.
📌 Sur la responsabilité éventuelle de l’agent Si cette attitude pouvait constituer une faute professionnelle de l’agent immobilier, encore fallait-il démontrer un préjudice réel. Or, les acquéreurs ne rapportaient pas la preuve d’un dommage indemnisable.
Conclusion
La décision de la Cour d’appel de Douai illustre une constante jurisprudentielle : le mandat d’entremise est un mandat de mise en relation, non un mandat de représentation.
Ainsi, seule la clause expresse permet à l’agent d’engager le vendeur. Les acquéreurs doivent rester vigilants et n’accorder de valeur juridique qu’à une acceptation signée.
En bref, un agent immobilier ne peut pas engager le vendeur sans clause expresse dans son mandat (loi Hoguet, art. 6 et art 72 du décret du 20 juillet 1972 ; Cass. 1re civ., 12 Décembre 2018 – n° 17-14.009). Le mandat apparent ne permet pas de contourner cette règle (Cass. 1re civ., 31 janv. 2008).
L’agent immobilier peut-il accepter une offre d’achat pour le vendeur ?
Non, sauf clause expresse prévue au mandat.
Un message vocal de l’agent vaut-il acceptation ?
Non, seule la signature du vendeur engage.
Le mandat apparent peut-il jouer ?
Non, la Cour de cassation l’exclut fermement.
Un agent immobilier, titulaire d’un simple mandat d’entremise, ne peut pas engager son mandant en acceptant une offre d’achat, sauf si le mandat comporte une clause expresse en ce sens.
Maître Gabriel NEU-JANICKI, est avocat au Barreau de Paris et associé fondateur du Cabinet NEU-JANICKI. Son cabinet est dédié aux professionnels de l’immobilier (mandat, vente, baux commerciaux, baux d’habitation, copropriété). Ancien Enseignant à l’Université Paris I Panthéon-Sorbonne en « Baux commerciaux », il est l’auteur d’articles de doctrine et de contributions régulières en baux commerciaux et professionnels..
Il est également Membre de la Royal Institution of Chartered Surveyor et anime de nombreuses conférences et formations à destination des professionnels de l’immobilier.