TOUTE L'INFORMATION PRATIQUE POUR LES PROFESSIONNELS DE L'IMMOBILIER

Le droit à rémunération des conseillers immobiliers : précisions jurisprudentielles récentes

Publié le
Publié le
Réagir 0 réaction
Evaluer cet article

Entre exigence du formalisme imposé par la loi Hoguet et reconnaissance du travail des professionnels, la jurisprudence affine les contours du droit à rémunération des conseillers immobiliers. Eclairage de Fanny Quilan, responsable juridique et formatrice chez AXO – L’immobilier Actif.

photo : Leading the way to excellence. Portrait of a group of designers standing in an office.

L’article 6 de la loi Hoguet qui subordonne le paiement des honoraires à la conclusion effective de la vente, ne fait pas obstacle à ce que l’Agence obtienne la réparation d’un préjudice en cas de comportement fautif du Mandant ou d’un tiers, dès lors qu’elle perd la chance de percevoir sa rémunération. L’Agence peut donc être indemnisée de la perte de chance de percevoir ses honoraires.

Toutefois, l’indemnisation est proportionnelle à la chance perdue et elle n’égale pas toujours le montant des honoraires prévus(1).

Ce régime d’indemnisation, continue d’être précisé par les juridictions, qui arbitrent entre la rigueur du formalisme posé par la Loi Hoguet et la protection du travail effectivement réalisé.

Voici une sélection des dernières jurisprudences publiées :

1- Faute de l’acquéreur et indémnisation de l’agence

L’acquéreur dont le comportement fautif fait perdre ses honoraires à l’Agence, doit réparation sur le fondement de sa responsabilité délictuelle(2) (les juges conservent un pouvoir d’appréciation).

Ainsi, des acquéreurs ont été condamnés, pour s’être abstenus de verser le séquestre contractuellement prévu(3) et omis de se présenter aux signatures programmées(4). Ces inexécutions sont des « fautes » en l’absence de motif légitime.

2- Faute du vendeur et de l’acquéreur et indémnisation de l’agence

Lorsqu’un vendeur traite directement avec un acquéreur présenté par l’Agence, l’opération est réputée conclue par son entremise. Si le mandat est régulier et le bon de visite établi, l’Agence peut obtenir la réparation de son préjudice.

Cependant, l’appréciation de ce droit dépend du libellé de la clause pénale qu’il convient de relire (notamment : vérifier la durée d’interdiction post-mandat(5)). En négociant directement avec le vendeur pour exclure l’Agence, l’acquéreur engage sa responsabilité. Il est condamné in solidum aux côtés du vendeur pour le versement des honoraires(6).

Il importe peu qu’il n’en soit pas le débiteur initial(7).

Leurs responsabilités sont communément engagées, même en présence d’un mandat de recherche imprécis sur le prix de vente et sur les honoraires (indiqués en pourcentage)(8).

3- Non-respect du formalisme et indemnisation de l’agence

La validité du mandat demeure une condition essentielle du droit à rémunération(9). En cas d’irrégularité, ce droit est susceptible d’être perdu. Le mandat devient ainsi l’objet d’un examen juridique millimétré, dans sa substance mais aussi dans son formalisme.

Toutefois, la jurisprudence introduit des nuances protectrices :

  • Une clause pénale non-conforme n’entraîne pas la nullité du mandat dans son ensemble. L’Agence ayant accompli une mission d’entremise effective peut prétendre au paiement de ses honoraires(10).
  • De même, l’absence de mention du lieu de délivrance de la carte professionnelle(11) n’affecte pas la validité du mandat dès lors que l’Agence prouve détenir une carte régulièrement délivrée à la date du mandat(12). Nonobstant ces nuances, le conseil est donné de rédiger son mandat le plus rigoureusement possible.

4- Acquéreurs professionnels et rémunération d’agence

4.1 La commune qui préempte doit les honoraires initialement dus par l’acquéreur pressenti. Cette règle s’applique dès lors que la DIA et la promesse mentionnent la partie redevable ainsi que le montant (lequel n’est pas discutable)(13).

4.2 L’acquéreur professionnel ne peut se prévaloir de la nullité du mandat au motif que les dispositions relatives à l’information précontractuelle n’ont pas été respectées(14). Ces dispositions sont principalement applicables aux consommateurs et non aux professionnels entre eux15. Les honoraires sont dus.

4.3 (Précisions) Les Agences mandatées par des promoteurs peuvent insérer une clause prévoyant le versement de frais avant la conclusion de l’opération, notamment pour la prospection ou la publicité. Cette clause doit être expresse et précise dans le mandat (ex. : frais à la signature du contrat de réservation)(16).

 

Pour lire ou relire les jurisprudences 2023 et 2024 :
– Mars 2023 : Le droit à rémunération des conseillers immobiliers : zoom sur la jurisprudence applicable.
– Mai 2024 : Le droit à rémunération des conseillers immobiliers : que disent les dernières jurisprudences ? ;

 


1 Cour d’appel de Grenoble, 27 mai 2025, 24/02322
2 Articles 1240 et 1241 du code civil.
3 La précision était ici faite que l’Agence n’est pas responsable de l’absence de séquestre puisqu’elle ne dispose d’aucun moyen pour contraindre les acquéreurs à faire ce versement.
4 Cour d’appel de Poitiers, 1re chambre civile, 10 novembre 2020, RG n° 19/00244.
5 Cour de cassation, Troisième chambre civile, 11 septembre 2025, 23-17.579.
6 Cour d’appel de Colmar, 11 octobre 2024, 19/00933 ; Cour d’appel de Douai 10 septembre 2020 n°18/05931.
7 Cour de Cassation 19 janvier 2022, n°20-13.619 ; Cour d’appel d’Aix-en-Provence, 11 mai 2021, n° 18/16859 ; Cour d’appel de Lyon, 12 septembre 2019, n° 17/00426 ; Cour d’appel de Douai, 24 octobre 2019, n° 18/02519 ; Tribunal judiciaire, Lille, 1re chambre, 10 janvier 2025 – n° 23/06523.
8 Cour d’appel de Versailles, 20 juin 2024, 23/07776.
9 Cour de cassation, Troisième chambre civile, 13 février 2025, 23-18.327.
10 Cour d’appel de Bourges, 14 mars 2025, 24/00356.
11 Mention exigée par l’art.6 du décret d’application de la loi Hoguet.
12 Cour de cassation, Troisième chambre civile, 11 septembre 2025, 23-17.579.
13 Cour d’appel d’Aix-en-Provence, Chambre 1-1, 14 mai 2024, 20/10842 ; Cour de cassation, Troisième chambre civile, 12 mai 2021, 19-25.226.
14 Le formalisme de la Loi Hamon, prévoit que les mandats signés à distance ou hors établissement doivent respecter 3 obligations : le droit de rétractation de 14 jours ; Le formalisme spécifique (l’exemplaire doit être daté et comprendre, les conditions, le délai et les modalités d’exercice du droit de rétractation, ainsi que le formulaire de rétractation) ; des informations précontractuelles. Si un le mandat ne respecte pas ce formalisme, le consommateur dispose d’un délai de rétractation de 14 jours + 12 mois dès la date de conclusion du mandat.
15 Cour d’appel de Paris, 12 juillet 2024, 22/10777.
16 Promoteurs et agents immobiliers : modalités de rémunération.

Fanny Quilan

Fanny QUILAN est responsable juridique chez AXO - L’immobilier Actif depuis 2018 et formatrice. A travers son expérience au sein du réseau AXO immobilier, elle s’est spécialisée dans les sujets juridiques relatifs à l’immobilier. Elle accompagne les conseillers de son réseau avec détermination, bienveillance et pédagogie.
La veille des professionnels de l'immobilier !
En savoir plus

A lire également

Seloger.Com

Du même auteur

Newsletter

Recevez l'essentiel de l'actualité immobilière sélectionné par la rédaction.

JDA EDITIONS

Sur le même thème

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Le journal trimestriel

Vous souhaitez consulter notre dernier magazine ou l'une de nos éditions précédentes ?

Consulter en ligne Abonnez-vous
Découvrez nos formules d'abonnement