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« Zillow s’est retrouvé avec 10 000 biens trop chers sur les bras »

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Le dernier arrivé sur le marché de l’iBuying est aussi le premier à en sortir ! Il y a quelques semaines, Zillow annonçait arrêter son service d’achat-revente de biens avec pertes et fracas. Cette nouvelle a fait l’effet d’une petite bombe sur le marché. Est-ce pour autant la fin des iBuyers ? L’analyse d’Isabelle Vrilliard, fondatrice d’ImmOpinion et consultante en marketing immobilier.

photo : Isabelle Vrilliard (002)

Pourquoi Zillow a-t-il stoppé net son activité d’achat-revente de biens ?

 Zillow a annoncé avoir acheté « de manière non-intentionnelle », selon ses propres dires, un volume trop élevé de maisons. Ce qu’il faut retenir, c’est que Zillow a généré un taux de conversion bien supérieur à ce qu’il avait imaginé et s’est donc retrouvé à acquérir des maisons à des prix très élevés, du fait de la pandémie du Covid-19. Certains de leurs concurrents blâment leur technologie, notamment leur outil d’estimation « Zestimate », qui aurait amené Zillow à sur-évaluer les biens avant de les acheter. Aucun modèle statistique n’aurait de toute façon su anticiper les évolutions de prix d’un tel marché à 3 ou 6 mois. Car en l’espace de quelques semaines, du fait de la crise, les maisons des villes moyennes – où Zillow est justement implanté – ont pris énormément de valeur.

Plus qu’une erreur technologique, c’est donc une erreur humaine…

Oui, car derrière les outils, ce sont les hommes qui sont à la manœuvre. L’échec de Zillow peut donc être attribué à un problème de management. Zillow est essentiellement implanté dans des zones attractives, où les prix des biens flambent. Personne n’a anticipé que l’algorithme s’emballerait… Et lorsqu’il l’a fait, personne n’a rectifié le tir. C’est d’autant plus étonnant que ses concurrents américains – notamment Opendoor (le leader) et Offerpad – ont tous réduit la voilure à mesure que la crise prenait de l’ampleur : ils ont acheté moins de biens et moins chers. Zillow aurait acheté plus de propriété pendant le troisième trimestre 2021 que durant les 18 précédents mois. Soit environ 10 000 biens. La machine s’est donc emballée : Zillow s’est donc retrouvé avec 10 000 biens trop chers sur les bras.

Pourquoi avoir pris une décision aussi radicale ?

Cette activité d’achat-revente de biens demande beaucoup de liquidités. En moyenne, le prix des maisons achetées par Zillow est de 300 000 dollars. Il ne fallait donc pas attendre plus longtemps avant de prendre cette décision, d’autant que depuis trois mois, il y a un ralentissement de l’accélération des prix dans les villes moyennes. Zillow a donc acheté des biens au pire moment : au pic de la crise. Avec le recul, c’est donc la meilleure décision que la société pouvait prendre. D’autant qu’elle a annoncé que seulement 10 % des internautes disposant d’une « Zillow Offer » étaient convaincus par son service. C’est très peu. Pour autant, Zillow est une entreprise cotée en bourse qui se porte bien. Elle a atteint 1 milliard de dollars de revenus et est devenue profitable en 2020.

Selon vous, l’offre des iBuyers répond-elle vraiment à un besoin du marché ?

La promesse des iBuyers – disposer d’une offre d’achat ferme sous 48 heures et vendre en toute sécurité, dans le timing de son choix – est intéressante lorsque le marché immobilier est peu dynamique. Mais lorsqu’il s’emballe comme c’est le cas depuis la pandémie, les Américains se passent des services des iBuyers. Et pour cause : dans les villes moyennes, ils réussissent à vendre en l’espace de 48h et leurs biens font même l’objet d’une surenchère. Personnellement, je crois beaucoup dans le modèle d’Opendoor et d’Offerpad. Cependant, le contexte actuel n’est pas porteur pour ces acteurs. Ce que la décision de Zillow nous apprend, c’est qu’il est difficile, pour ce type d’acteurs, de passer à l’échelle : lorsqu’il y a plus de biens, il y a plus de risques et il y a davantage de volatilité sur les prix.

Quel est le poids des iBuyers aux États-Unis ?

Même s’ils grossissent d’année en année, leur poids reste très faible sur le marché immobilier. En moyenne, ils réalisent 100 000 transactions par an, c’est moins de 2 % du volume de transactions. C’est donc un marché de niche. L’une des exceptions, c’est Phoenix, la première ville où Opendoor s’est installée, où les iBuyers captent 11 % des transactions. Quoiqu’il en soit, ce type de vente est très spécifique à un type de bien : une maison entre 150 000 et 500 000 dollars dans des villes moyennes comme Austin, Phoenix, Tampa… Cela nous rappelle qu’aux États-Unis comme en France, les portails d’annonces comme Zillow souhaitent participer à la transformation de l’expérience immobilière et faire de la transaction un acte de shopping online comme un autre.

Comment ces acteurs sont-ils perçus par les agents immobiliers ?

En 2021, les Américains ont beaucoup déménagé, du fait de la crise. On anticipe 7 millions de transaction, contre 5 millions normalement. La gestion de la pandémie diffère d’un état à l’autre, selon que le gouverneur soit démocrate ou républicain. Les Américains s’installent donc dans les états où leurs libertés sont préservées. Cette dimension politique génère des mouvements de population, qui sont porteurs pour les professionnels de l’immobilier. Certes, les iBuyers captent 100 000 transactions aux agents vendeurs chaque année. Mais c’est anecdotique et cela ne les empêche pas de collaborer. Les « Zillow Offers » qui ne sont pas acceptées par les vendeurs se transforment par exemple en leads pour les agents immobiliers. Il n’a donc jamais été question de court-circuiter les professionnels.

 

Aurélie Tachot

Aurélie Tachot est une journaliste spécialisée dans l'immobilier, qu'elle aime aborder sous le prisme des innovations, notamment technologiques. Après avoir été rédactrice en chef de plusieurs médias spécialisés, elle collabore avec Le Journal de l'Agence afin de rédiger des articles d'actualité sur les acteurs qui font l'immobilier d'aujourd'hui et qui feront celui de demain.

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