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« L’art de dire NON aux clients sans valeur », Nathalie Gardes Enseignante chercheuse à l’Université de Bordeaux

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Apprenons à dire non aux clients qui nous font perdre du temps et nous conduisent à moins bien servir les clients de valeur.

photo : l'art de dire non

Il est des clients qui coûtent cher à l’agence : ceux qui font perdre du temps au conseiller sans garantie de rémunération du service fourni  (mandats simples), ceux qui, en étant désagréables, agressifs ou dans la réclamation constante, consomment l’énergie et dégradent le bien-être des collaborateurs. Par conséquent, c’est la satisfaction globale de l’agence qui en pâtit.

Un management par le « Care »

Dans l’industrie des services immobiliers, il y aura toujours une proportion de choses qui ne fonctionnera pas ; c’est la raison pour laquelle  les scores de satisfaction du secteur sont inférieurs à ceux des biens de consommation ou des autres services(1) . En effet, chacun  a des attentes différentes, chaque délivrance est unique et une partie des interactions produit inévitablement une insatisfaction à gérer.  pour atteindre un objectif de satisfaction et d’expérience client optimale, l’agence immobilière doit instaurer un management par le «care» : écouter, suivre, être disponible, faire preuve d’empathie. Est-il besoin de souligner cette évidence ? Prendre soin de ses clients demande  du temps et c’est la ressource la plus rare dont nous disposons. Consacrons-le donc aux clients de valeur.

Eviter les clients « sans valeur »

La valeur d’un client se mesure à deux éléments.

  • Sa profitabilité : la valeur d’un client est la valeur actualisée des profits qu’il va permettre à l’entreprise de gagner. Le client de valeur est  donc d’une part, celui qui signe l’exclusivité (mandat le plus rentable pour l’agence) et d’autre part, celui qui ne dégrade pas le bien-être ou l’expérience du collaborateur. Car il faut le dire, tous les clients ne sont pas sympathiques et certains « emmerdent le monde » : ceux qui  demandent l’impossible (2) , réclament sans cesse, voire dépassent la ligne rouge (incivilité, agressivité). Ceux-ci sont toxiques.
  • Sa durabilité : dans la transaction immobilière, la durabilité n’est pas l’objectif puisque la satisfaction est une fonction inverse du délai de  vente ou d’achat. P lus celui-ci est court, plus le client est satisfait. L’efficacité et la profi tabilité dépendent de notre capacité à  renouveler la clientèle.

Sélectionner les clients et accroître la valeur du portefeuille

Mais la valeur des clients ne dépend pas uniquement d’eux, elle dépend aussi de nous. Deux stratégies vont nous permettre d’augmenter la valeur de notre portefeuille client.

  • D’une part, adopter une approche sélective d’acquisition de la clientèle permet d’accroître la valeur globale du portefeuille bien  plus efficacement qu’une augmentation du nombre de clients. Concrètement, arrêtons d’accepter les mandats simples ou ceux  déconnectés de la valeur du marché !  Pourquoi s’embêter avec des clients qui consomment votre temps et sont peu profitables ? Savoir dire non à un prix délirant ou refuser un mandat simple est une stratégie rentable à tous ceux qui l’appliquent (3) .
    Ne pas accepter de travailler sans assurance d’être rémunéré pour votre travail est un signal que vous envoyez au client. Le «non »
    rassure sur la qualité, sur la valeur de votre service, sur votre compétence. Mieux vaut perdre des mandats simples que mobiliser  des ressources pour des clients qui ne rapportent rien et vous rendent moins disponible pour les clients de valeur.
  • D’autre part, gérer les clients qui vous font perdre du temps, ceux qui occasionnent des difficultés pour les collaborateurs, est une  démarche profitable. Une mauvaise relation client impacte le vécu professionnel, dégrade l’engagement du collaborateur et par  incidence l’expérience client (4) . Le client peut être roi mais pas dictateur. Il faut être capable d’appliquer ces quatre postures (5)
    selon les différents cas de figure.

    • Tolérer : satisfaire et fidéliser le client à tout prix.
    • Éduquer : apprendre au client les règles de la relation.
    • Expertiser : montrer au client les limites de sa connaissance.
    • Sanctionner : réprimer certains comportements des clients.

Cette symétrie des attentions permettra d’améliorer vos relations clients dans la confiance et l’engagement.

Ne pas perdre son temps

Enfin, dans un contexte où le « sur demande » et l’immédiateté s’imposent, la disponibilité et la réactivité sont les qualités requises pour être efficient. Vous n’avez donc pas de temps à offrir aux clients sans valeur. Que cela demande une certaine audace ? Certes ! Mais  le client sera bénéficiaire de votre fermeté, car un processus de vente qui s’éternise est fastidieux, anxiogène et contre-productif pour le client.


1 https://www.academieduservice.com/publication/barometre-immobilier-symetrie-attentions-2021/
2 https://www.leparisien.fr/immobilier/immobilier-au-secours-mes-clients-cherchent-le-bien-parfait-23-04-2021-6RKTSE5WPVAMBPSQWW3H3JOATY.php
3 Témoignages des conseillers qui l’appliquent : le refus des mandats simples conduit à une boucle vertueuse
4 La qualité de service dépend du bien-être au travail du collaborateur : symétrie des attentions
5 JB Suquet (2010) Drawing the line: How inspectors enact deviant behaviors, journal of service marketing 24 (6) p. 468- 475
A. Rouquet et JB Suquet (2020) Knocking sovereign customers off their pedestals? When contact staff educate, amateurize, and penalize deviant customers, human relations, p. 1–27

Nathalie Gardes

Nathalie Gardes est Enseignante chercheuse à l’Université de Bordeaux, elle est titulaire d’un doctorat et d’une habilitation à diriger des recherches.
Elle publie dans différentes revues scientifiques en marketing stratégique.

Responsable de la licence professionnelle métiers de l’immobilier option transaction et commercialisation de biens immobiliers à l’IUT de Bordeaux, elle dispense des cours en stratégie et marketing immobilier.

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Vos réactions
  • Par BAS Claude, il y a 2 années

    Bonjour,

    Connaissant Nathalie, je suis très surpris de cet article, mais bon!
    Avant de conditionner nos clients à notre « pogne », il faudrait d’abord faire ce métier correctement et se poser des questions sur qui le pratique, avec quel professionnalisme. Du coup, ça irait peut être mieux avec nos clients. On a accepté les entreprises en marketing de réseau; d’une part il ne fallait pas et d’autres part si chaque collaborateur disposait de la bonne maitrise de savoir-faire, les clients seraient moins agressifs avec nos agents ou agences.

    Claude BAS

  • Par Laffont Eric, il y a 2 années

    D’un point de vue strictement économique, je pense que ce raisonnement est faux. On ne construit pas un fond de commerce dans nos métiers en ne traitant que les clients rentables immédiatement ou faciles à vivre. Au contraire, surtout dans la concurrence accrue qui caractérise nos marchés. Mes meilleurs clients d’aujourd’hui sont ceux qu’il a fallu convaincre sur la durée, y compris en avalant quelques couleuvres au début de la relation. D’un point de vue éthique, il est indéfendable. On ne pilote pas une activité de service en ne regardant que son propre intérêt ou son propre confort, mais en s’interrogeant sur le sens et le rôle de son entreprise dans son environnement, ainsi que sur l’image qu’elle diffuse sur son marché.

    Sinon, on alimente la sale réputation de nos métiers. Ce n’est que mon avis…

  • Par Adb, il y a 2 années

    Brocarder et mettre de côté les clients « sans intérêt économique » ou difficiles , on le fait depuis des années dans n’importe quel métier d’art, de commerce ou d’insdustrie.
    Leur mettre sur le dos les difficultés d’ambiance dans les entreprises, réseaux ou les agences et pire encore les rendre responsables de la dégradation de l’expérience client, c’est infantiliser, déresponsabiliser, et plus embêtant déshumaniser les conseillers immobilier qui sont avec eux au quotidien sur le terrain.
    Avec les clients, comme dans les affaires, même si bien sûr on préfère que ça aille vite, il ne faut pas oublier de s’équiper de valeurs cardinales et salutaires : la patience et la frustration. Nous les oublions trop souvent. C’est pour ces mêmes raisons que faire une longue carrière dans ce si beau métier est une gageure.
    Et si elles touchent d’un peu trop près aux recettes fiscales et au « grisbi », ce sont plutôt les questions de l’exercice « Hoguet » de la profession et de l’harmonisation légale des honoraires qui pourraient redonner du lustre et du sens à ce métier.

  • Par fab, il y a 2 années

    Le refus de vente ne peut-il pas s’étendre aux services ?

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