L’euphorie post-covid sur le nombre de transactions nous avait presque fait oublier que l’Etat s’était engagé dans un plan massif de réduction des émissions carbone à horizon 2050 : 49% à l’horizon 2030 et décarbonation complète en 2050. Or, le bâtiment représente 23% des émissions de GES en France. Tour d’horizon des « climate tech » avec Jérôme Revy .
Les premiers concernés par ces dispositions législatives : les propriétaires des passoires thermiques qui désormais sont invités à mettre la main à la poche pour rénover le patrimoine.
Et il y a de quoi faire ! 5 à 7 millions de passoires thermiques dans le résidentiel, sans compter le milliard de m2 de surfaces dans le secteur tertiaire qui représentent à elles seules le tiers des consommations énergétiques. Autant dire que le défi est énorme et concerne tout le monde, du petit propriétaire retraité à la grande foncière en passant par les bailleurs sociaux.
A côté de ces nouveaux enjeux, les startups de la Proptech qui, depuis une dizaine d’années, s’étaient attachées à fluidifier les transactions et plus largement toutes les opérations. Elles sont nombreuses et, avec plus ou moins de succès, elles ont largement contribué à digitaliser le secteur et continueront encore à le faire. Il reste encore beaucoup à faire pour proposer un parcours locataire plus fluide ou pour rendre accessible l’investissement locatif, l’acquisition de sa résidence principale, promouvoir d’autres formes d’habitat pour les séniors et les jeunes professionnels ou rendre plus visible l’action du syndic de copropriété.
Et, si il y a bien un sujet dont les acteurs de la proptech devraient particulièrement s’emparer c’est celui de la décarbonation !
Un énorme terrain de jeu pour les startups
Plus qu’un sujet à la mode, les sujets d’impact ont désormais largement dépassé les frontières des cabinets de conseils et des salons feutrés des gouvernements et s’installent progressivement dans la vie des gens, et donc dans la vie des professionnels de l’immobilier, surtout depuis que ce sujet devient une contrainte.
Mais de quoi parle-t-on exactement ? L’empreinte carbone mesure l’impact d’une activité sur les émissions de gaz à effet de serre liées à cette activité. Dans le secteur du logement, l’empreinte carbone est la somme des émissions de GES (Gaz à effet de serre) nécessaires pour construire le logement et l’exploiter, c’est-à-dire, traiter l’eau, les déchets et les consommations énergétiques nécessaires pour chauffer le logement.
Si l’on décompose l’empreinte carbone du secteur de l’immobilier il apparait que celle-ci est principalement constituée par la construction et la consommation de l’énergie. Elle est estimée à 2,4 t CO2 par personne. Pour la réduire et rentrer dans les objectifs de neutralité carbone, il est possible d’intervenir sur plusieurs sujets que les startups commencent d’adresser, par exemple sur les bâtiments existants :
La consommation énergétique : Mesure et diminution de la consommation avec l’iot (Internet des objets), comme par exemple la startup Elax Energie qui déploie des modules contrôleurs de chauffe des ballons d’eau chaude chez les bailleurs sociaux ou encore Sensinov qui pilote très finement les modules de chauffage ou de froid ou encore les éclairages dans les hypermarchés. Le syndic n’est pas en reste sur ces sujets là avec Energyse qui par exemple propose un relamping LED des copropriétés, Kocliko qui propose des solutions aux bailleurs sociaux pour les accompagner dans l’individualisation des frais de chauffage ou encore Walterre dans l’optimisation des chaudières.
L’autoconsommation : plutôt que d’acheter de l’énergie, pourquoi ne pas la produire soi-même ? c’est l’objet de nombreuses startups qui proposent des panneaux solaires en kit comme Mon Kit solaire, des onduleurs pilotés avec l’intelligence artificielle permettant de réinjecter dans le circuit l’électricité produite, ou encore, comme le propose la startup Lancey, des radiateurs électriques intégrant une batterie et permettant de remplacer son vieux grille-pain par un radiateur qui sait accumuler de l’énergie quand on la produit.
La rénovation énergétique du logement : un secteur très porteur sur lequel la startup Masteos cible les investisseurs locatifs, quand Hemea, qui vient de finaliser une belle levée, s’attaque au sujet des travaux de rénovation énergétique,
Bien sûr on peut aussi mettre dans cette liste toutes les startups à impact qui se positionnent sur la mobilité en lien avec le bâtiment comme les bornes de recharge Zeplug (plus grosse levée en 2022 avec 240M Euros) ou encore les scooters électriques qui se rechargent en 50 secondes de la startup Zeway qui équipent déjà des agents immobiliers parisiens.
Innovation aussi sur les matériaux de construction
Sur les nouvelles constructions, l’impact des nouvelles technologies est énorme puisque par définition, une nouvelle construction engendre des émissions de GES en produisant notamment le ciment. Les innovations pour décarbonner le secteur ne sont donc pas en reste s’agissant de nouveaux matériaux de construction : on le sait, le béton est très émetteur de CO2 quand il est produit, 1 tonne de béton c’est 0,62t CO2 eq.
Les solutions de remplacement existent, on pense évidemment au béton bas carbone dont l’impact est de 20 à 40% plus faible, mais le promoteur Woodeum n’a pas attendu pour produire des immeubles avec des ossatures en bois, ou encore la startup Vestack qui produit des modules pré assemblés en usine avec des matériaux bas carbone. De même que les matériaux biosourcés ont la cote comme la paille pour l’isolation, ou le carbone pour remplacer le métal. Il existe de nouveaux matériaux comme la peinture blanche qui reflète 98% de la lumière et est utilisée comme un isolant, ou encore les revêtements bio charbons capables d’absorber le CO2.
Par ailleurs, la RE2020 a obligé les nouvelles constructions à s’aligner sur des techniques environnementales vertueuses (analyse du cycle de vie des bâtiments, amélioration de la performance de l’isolation, nouveaux modes de chauffage …). Lesquelles donnent là aussi lieu à de nombreuses innovations technologiques : la plateforme Kompozite aide les concepteurs de bâtiments à construire des bâtiments bas carbone, Vizcab propose l’analyse du cycle de vie de chacun des matériaux pour ne citer qu’eux.
Enfin, il ne faut pas oublier toutes les startups qui innovent dans le secteur de l’énergie pour le bâtiment : Wind my Roof propose par exemple des solutions de toiture combinant éolienne et panneaux solaires, Sylfen conçoit des solutions de stockage d’énergie grâce à l’hydrogène par exemple.
Toutes ces solutions ont de près ou de loin un impact sur l’immobilier, et même si elles peuvent s’assimiler à des « climate tech » elles ont beaucoup plus à voir avec l’immobilier qu’avec la choucroute, c’est pourquoi je les revendique pleinement comme des Proptech. Ajoutons à cela les enjeux sociétaux énormes avec la diminution du pouvoir d’achat et la difficulté d’accès au logement, la liste des sujets à traiter par les Proptech s’allonge à chaque crise. Fini le temps des gadgets vidéos, des solutions 3D ou des énièmes néo agences ou portail immobilier, place à l’impact !
Car nous sommes rentrés dans l’ère de l’impact et dans l’ère du sens ! Les nouvelles générations sont, je crois, bien alignés avec ces sujets et j’appelle de mes vœux à une véritable transformation des consciences des professionnels de l’immobilier pour intégrer ces nouveaux enjeux dans les réflexions stratégiques de leurs métiers.
Diplômé en télécoms et en science politique, Jérôme Revy a fait ses premiers pas dans les nouvelles technologies de l’immobilier en lançant en 2009 la startup Geoimmo, premier portail d’annonces géolocalisées sur mobile, et première application permettant de visualiser les biens en réalité augmentée en France.
Geoimmo rejoint le groupe éditeur de logiciels Gercop en 2014 puis il rejoint Hervé Parent en tant qu’organisateur du salon RENT en 2018. Il créé avec Eric Calosci et Hervé Parent l’accélérateur Proptech Property Business Accélérator qui accompagne les professionnels de l’immobilier et les startups.
En 2021 il rejoint également NCI, l’un des fonds d’investissement les plus actifs dans la Proptech pour apporter sa contribution à la digitalisation des secteurs de l’immobilier, de la construction et de la smart city.
Administrateur de la FF2I - Proptech France, il contribue à organiser des événements pour l’écosystème proptech en France.
Chanteur ténor et passionné de karakoé, il est toujours partant pour finir ses soirées en chantant, mais il faudra réviser vos grands classiques de la chanson française pour tenir un duel équitable avec lui.
Un article très intéressant et une vision inspirante ! Le défi est de taille, mais il semble en effet essentiel pour répondre aux enjeux de notre temps ! merci
Par TDS, il y a 2 années
Un article très intéressant et une vision inspirante ! Le défi est de taille, mais il semble en effet essentiel pour répondre aux enjeux de notre temps ! merci