Juridique : un vendeur peut-il retirer son bien de la vente afin de se soustraire à la préemption de la SAFER ?

Dans le cadre d’une préemption par la SAFER, les notifications sont strictement encadrées. La Cour de cassation assouplit le formalisme au profit du vendeur. Un point juridique très éclairant avec Aurore Gadrat, experte en droit immobilier.
Préemption de la SAFER et annulation de la vente par le vendeur

Le contexte

Une vente de biens agricoles mène le notaire à notifier à la SAFER (société d’aménagement foncier et d’établissement rural) les conditions de la vente projetée afin de lui permettre de faire valoir son droit de préemption.

Le prix de vente était de 490 000 €. La SAFER préempte auprès du notaire au prix de 307 000 €. Les vendeurs assignent la SAFER en annulation de la décision de préemption et, à titre subsidiaire, en révision du prix proposé par cette dernière. Après le décès de l’époux vendeur, sa femme se désiste de l’instance.

Plusieurs années plus tard, la SAFER assigne la propriétaire afin de voir constater la vente parfaite à son profit aux conditions et prix de sa décision de préemption.

La jurisprudence

La Cour d’appel constate la vente parfaite au profit de la SAFER et rejette les demandes de la propriétaire. Cette dernière se pourvoit en cassation.

La venderesse considère, que le vendeur peut, ensuite, à tout moment au cours de la procédure retirer le bien de la vente sans être tenu d’attendre la fixation du prix par le juge. Selon elle, cette renonciation peut intervenir sous forme d’un acte de procédure, sans avoir à être portée à la connaissance de la SAFER par l’intermédiaire du notaire.

La Cour d’appel a jugé que la venderesse ne pouvait pas renoncer à son projet avant la fixation judiciaire du prix. Elle décide qu’elle devait poursuivre la procédure initiée afin de pouvoir contester par la suite le prix proposé.
La Cour d’appel déclare que le retrait du bien à la vente n’avait pas été réalisé dans les formes prescrites et notamment par l’information faite à la SAFER par le notaire.

La Cour de cassation rappelle les textes et le fait que lorsque le tribunal, saisi par le vendeur, a fixé le prix, les deux parties ont la faculté de renoncer à l’opération. Elle précise que suivant le jugement définitif, la décision du vendeur doit être notifiée par le notaire à la SAFER. Le silence du vendeur vaut renonciation à la vente dans les conditions fixées par le tribunal.

La Haute Cour casse la décision de la Cour d’appel et considère que le vendeur peut, à tout moment pendant la procédure, et même avant la décision fixant la valeur vénale des biens, les retirer de la vente, sans être tenu, pour en informer la SAFER, de recourir au notaire.

Et pour votre agence ?

La Cour de cassation, par une interprétation extensive des textes, permet au vendeur de faire connaître sa renonciation à la vente en cours de procédure. Cette position de la Cour de cassation assouplit les formes et délais pour que le vendeur retire son bien de la vente afin de se soustraire à la préemption de la SAFER et ce avant la fin de la procédure.

Lorsqu’une agence immobilière intervient dans un cas de préemption de la SAFER, elle peut tenir compte de cette absence de formalisme, mais il serait opportun de se rapprocher du notaire pour que le vendeur notifie clairement sa renonciation pour plus de sécurité juridique.

Références juridiques : Arrêt de la Cour de cassation du 28 novembre 2024 n°23-18.746

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