Encadrement des loyers : des députés préconisent d’étendre le dispositif, le secteur immobilier s’y oppose

Alors que l’expérimentation de l’encadrement des loyers doit s’achever en 2026, un rapport parlementaire présenté ce 24 septembre propose de pérenniser et d’étendre le dispositif. S’il est jugé utile par ses rapporteurs pour contenir les excès du marché, de nombreux professionnels de l’immobilier, emmenés par la FNAIM, dénoncent une mesure "inefficace et punitive".
Encadrement des loyers : des députés préconisent d'étendre le dispositif, le secteur immobilier s'y oppose

Vers un encadrement des loyers renforcé et élargi

Les députés Annaïg Le Meur (EPR) et Iñaki Echaniz (PS) ont remis cette semaine un rapport proposant de rendre durable l’encadrement des loyers, instauré par la loi ELAN de 2018 et aujourd’hui expérimenté dans 72 collectivités, dont Paris, Lille, Bordeaux ou Lyon.

Pour rappel, l’encadrement des loyers est un dispositif qui limite l’augmentation du loyer lors de la mise en location d’un logement avec un bail d’habitation (ou bail mobilité). Il s’applique dans les communes situées en zone tendue (source : service-public.fr).

La conviction des députés : le dispositif a montré son utilité. À Paris, il aurait permis d’éviter une hausse de 5,2 % des loyers entre 2019 et 2024, soit près de 950 euros d’économie par an pour un ménage locataire.

Mais pour s’imposer durablement, le mécanisme doit évoluer. Le rapport formule une vingtaine de propositions concrètes (rapportées par LCP – Assemblée nationale) :

  • Simplifier et accélérer la mise en œuvre : certaines communes volontaires, comme au Pays basque, ont attendu 3 ans avant de pouvoir appliquer l’encadrement. Les rapporteurs veulent réduire ces délais et permettre aussi aux communes limitrophes en zones tendues d’y recourir.

  • Améliorer le calcul du loyer de référence : les députés suggèrent de renforcer les obligations de transmission de données des professionnels vers les observatoires, afin de fiabiliser la base statistique qui détermine les loyers-plafonds.

  • Clarifier les compléments de loyers : aujourd’hui sources de nombreux contentieux, ils devraient être mieux encadrés par des barèmes pour les surfaces annexes (terrasses, caves, jardins privatifs, mezzanines…). Pour des caractéristiques plus subjectives (vue exceptionnelle, emplacement rare), les rapporteurs comptent sur la jurisprudence et demandent plus de transparence dans les décisions de justice.

  • Lutter contre les contournements : certains bailleurs recourent à des « baux civils » ou au coliving pour échapper à l’encadrement. Le rapport propose de renforcer les contrôles et de clarifier ces pratiques.

  • Renforcer les sanctions en cas de non-respect : les amendes pourraient doubler, jusqu’à 10 000 € pour une personne physique et 30 000 € pour une personne morale.

  • Faciliter les recours des locataires : le délai pour contester un loyer ou un complément serait allongé (il est aujourd’hui limité à 3 mois). Les rapporteurs insistent sur la protection des locataires face à des ruptures abusives de bail, mais aussi sur la sécurisation des bailleurs contre des recours trop tardifs.

  • Redonner un rôle central aux communes : au-delà du pilotage, le produit des amendes pourrait être reversé aux municipalités afin de financer le contrôle du dispositif.

Pour Manuel Domergue, directeur des études de la Fondation pour le Logement interviewé par France Bleu, ce rapport bipartisan constitue « une belle victoire pour les locataires confrontés à des loyers indécents ».

Les professionnels de l’immobilier jugent le dispositif inefficace

Du côté des professionnels de l’immobilier, le rapport déclenche en revanche une levée de boucliers. Dans un communiqué de presse, la FNAIM dénonce des mesures « hors sol », « inefficaces » et « punitives », rappelant que depuis 2012, l’indice de référence des loyers (IRL) encadre déjà les hausses annuelles.

Pour Loïc Cantin, président de la fédération, l’encadrement des loyers « fait peser sur les bailleurs privés la responsabilité d’une crise qui découle avant tout d’un déficit de construction et d’un manque de soutien à l’investissement locatif ». Selon lui, toutes les données disponibles montrent que les loyers évoluent de manière comparable dans les villes avec ou sans encadrement, et le dispositif risque de décourager davantage les propriétaires.

Lire le communiqué de presse complet.

Quelle suite législative ?

Les rapporteurs prévoient de déposer une proposition de loi dans les prochaines semaines afin de pérenniser le dispositif d’encadrement des loyers au-delà de 2026. Mais la FNAIM, ainsi que d’autres acteurs du secteur, appellent à attendre les conclusions du rapport universitaire commandé par l’ex-ministre du Logement Valérie Létard, attendu à l’automne.

En attendant, le débat reste ouvert entre une logique de protection des locataires contre les hausses excessives et la volonté de maintenir l’attractivité de l’investissement locatif.

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