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« Recherche de la valeur vénale : la méthode par comparaison », Caroline THEUIL juriste-rédacteur, expert immobilier.

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Zoom sur la méthode qui est sans conteste la plus utilisée car la plus facile à mettre en œuvre : la méthode par comparaison.

photo : expertise méthode par comparaison

Après avoir évoqué les différents facteurs qui influencent la valeur d’un bien, dans le contexte particulier du marché immobilier, il convient d’aborder la recherche de la valeur vénale au plan concret des méthodes d’évaluation. Revoyons, en tout premier, la méthode qui est sans conteste la plus utilisée car la plus facile à mettre en œuvre : la méthode par comparaison.

Définition

La méthode par comparaison reste considérée comme la méthode la mieux appropriée en matière d’évaluation, du fait qu’elle s’appuie sur les données réelles du marché immobilier.

Cette méthode consiste à se procurer des références pertinentes de prix de vente de biens, de nature, de consistance, de qualité, de situation et d’état, analogues au bien estimé. Elle suppose donc une étude du marché qui permet de recenser les ventes les plus significatives et ainsi de procéder à l’évaluation proprement dite.

Mise en œuvre de la méthode

La mise en œuvre de la méthode par comparaison comprend trois phases distinctes à savoir, la recherche des ventes de biens intrinsèquement similaires, la sélection des termes de comparaison significatifs, l’analyse des prix déclarés.

La recherche des biens intrinsèquement similaires est guidée par des critères liés à la nature du bien et l’activité du marché. On s’attachera ainsi tout particulièrement à l’identification plus ou moins fine de la catégorie du bien sur laquelle doit porter l’étude, à la délimitation du secteur géographique de recherche et à l’étendue de la période sur laquelle seront menées les investigations.

Il est évident que les notions que recouvrent ces trois critères sont d’autant plus larges qu’il s’agit d’immeubles peu courants et compris dans un marché peu actif. Ainsi, en matière de biens rares, reste-t-on tout à fait crédible, en étendant nos recherches à l’ensemble du territoire et en les faisant porter sur une période supérieure à trois ans. Le seul impératif ici est de prendre pour termes de comparaison des biens ayant exactement la même spécificité (châteaux, hôtels de grand luxe..). Le risque, si l’on s’appuie sur des ventes récentes de biens situés dans une aire géographique et temporelle restreinte, mais ne présentant pas les caractéristiques exactes de la catégorie du bien à évaluer, est d’aboutir à une valeur vénale erronée.

Sélection des termes de comparaison

La première question que tout le monde se pose est : où chercher mes références ? Ce fut longtemps un vrai casse-tête, mais avec la mise à disposition des données foncières par Bercy (app.dvf.etalab.gouv.fr) la question n’a plus réellement lieu d’être. Il est toutefois important de souligner que l’on s’attachera de préférence, voire essentiellement, à des ventes effectives et non à des prix de mise en vente dans le secteur étudié : un prix probable ne saurait être une base aussi fiable qu’un prix de vente réelle.

La seconde question tient dans l’étude précise des caractéristiques du bien estimé. S’il ne viendrait à l’idée de personne de comparer des biens de nature différente, il peut arriver cependant, que deux immeubles soient de même nature sans pour autant être comparables. A titre d’exemple, il n’est pas cohérent de comparer un pavillon neuf doté de tout le confort moderne à un pavillon ancien sans confort. S’il est illusoire de rechercher des biens strictement identiques, il est primordial de procéder à une sélection fine d’immeubles ayant le maximum de points communs au plan des caractéristiques physiques, juridiques, environnementales et économiques.

Il n’en reste pas moins que des ajustements seront toujours nécessaires. Pour ce faire, on recourt couramment à la pondération qui est, en quelque sorte, un système de valorisation ou de dévalorisation d’éléments spécifiques (présence d’un garage, orientation, pièce aveugle…).

Rappelons enfin, que la visite sur les lieux est un élément clé en matière d’expertise puisqu’elle est riche d’enseignements sur l’état d’entretien de l’immeuble, son agencement, son orientation, son environnement…

Analyse des prix

Après avoir comparé les immeubles entre eux, il importe ensuite d’analyser les prix auxquels ils se sont échangés afin d’en déduire, avec le maximum de certitudes possibles, la valeur vénale recherchée. Pour ce faire, deux approches sont possibles :

  1. la comparaison directe qui consiste à déduire directement la valeur du bien des prix déclarés. L’approche est applicable en cas de similitudes suffisantes entre les biens pris pour termes de comparaison et le bien à estimer, ou lorsque le prix global a une signification économique particulière (par exemple la valeur du lot pour les terrains à bâtir situés dans un même lotissement ou des lotissements semblables).
  2. la comparaison indirecte qui consiste à déduire la valeur du bien estimé par l’intermédiaire d’un prix unitaire. C’est l’approche la plus utilisée de la méthode par comparaison. Elle consiste à choisir une unité de mesure, généralement de superficie, adaptée au type de bien estimé. On optera par exemple pour le m² dans le cas d’un terrain à bâtir, pour l’hectare dans le cas des terrains à usage agricole, pour le m² pondéré de surface habitable pour les bâtis, pour le m² Carrez pour les appartements en copropriété…

Appréciation générale de la méthode

Outre la nécessité d’être en présence d’un marché suffisamment actif pour permettre de dégager une valeur dominante pour un type de bien donné, la mise en œuvre de cette méthode est parfois délicate. Toute la difficulté réside dans la détermination du degré d’analogie des immeubles à comparer. Ainsi, le principal écueil de l’évaluation par comparaison est de conduire à des rapprochements artificiels, reposant sur une déformation des termes de référence, surtout lorsque, le marché immobilier est peu abondant et les ventes significatives, rares.

Le risque est donc grand d’étendre la comparaison à des biens présentant plus de différences que de ressemblances, à des biens éloignés dans l’espace, empruntés à des marchés locaux différents ou encore à des biens ayant fait l’objet de ventes trop éloignées dans le temps.

Des corrections et des réajustement indispensables donnent inéluctablement lieu à des appréciations subjectives.
Ainsi, même parfaitement conduite, l’évaluation ne fournit pas toujours des bases suffisamment concordantes pour lever toute hésitation sur le prix unitaire à retenir. Et c’est ce qui explique que les tribunaux s’orientent de plus en plus vers une autre méthodes : la méthode par capitalisation du revenu.

A suivre…

Caroline THEUIL

Caroline Theuil
Juriste, expert en évaluation et médiatrice judiciaire et conventionnelle

Titulaire d'un double master en droit, Caroline THEUIL est avant tout spécialiste des contrats immobiliers : elle dispose d'une expertise de près de 10 ans en la matière notamment auprès des personnes publiques. Elle pratique par ailleurs l'évaluation immobilière avec la particularité d'avoir une expérience, et donc une approche, à la fois fiscale et privée de la matière. Éprouvée par la dureté des contentieux, elle s'est instinctivement orientée vers l'apaisement des relations humaines. Médiatrice, elle participe ainsi aujourd'hui activement à la prévention des différends et à la résolution amiable des situations conflictuelles, que celles-ci apparaissent dans un cadre privé ou en entreprise. Forte de cette richesse professionnelle, elle est chargée d'enseignement universitaire, et forme, partout en France, des professionnels de tous horizons.

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Vos réactions
  • Par Caroline THEUIL, il y a 4 années

    Bonjour à tous,
    L’évaluation est effectivement un exercice délicat car il ne s’agit pas d’une science exacte. De nombreux paramètres sont à prendre en compte et la plus simple des méthodes se complexifie à vue d’œil… Gardons à l’esprit que l’application de la méthode reste l’ultime étape en matière d’expertise. Il importe en amont de faire tourner ses méninges juridiques : indivision, servitude, mitoyenneté, urbanisme,… autant de questions dont il vaut mieux maîtriser l’essence pour ne pas voir sa responsabilité de moyens mise en cause. Bref, dans ces méandres de complexités « cachées », conforter sa conclusion par d’autres méthodes, s’avère bien utile.
    Soit dit en passant, la méthode par comparaison commence à rentrer sérieusement en concurrence avec la méthode par capitalisation qui tend de plus en plus à séduire les tribunaux. A méditer…
    Excellente journée

  • Par GLE, il y a 4 années

    à Brice CHUPPIN
    Exactement, je vous rejoins tout à fait, croiser deux méthodes, cela
    permet de conforter les conclusions.
    Cela parait une évidence et pourtant … 🙂
    Excellente journée à vous.

  • Par Brice CHUPIN, il y a 4 années

    Bonjour,

    L’estimation immobilière est un exercice ô combien difficile chacun pourra en convenir car les biens sont souvent hétérogènes ce qui accroit la difficulté notamment avec la méthode par comparaison qui est la plus usitée et que j’e pratique moi-même depuis de nombreuses années. Dans ce cadre, la méthode dite par capitalisation peut être un bon complément de la première méthode en permettant d’affiner voir de corroborer certains éléments, certains aspects d’analyse. C’est en tout cas, un outil supplémentatire dans l’approche de la valeur vénale d’un bien.

  • Par GLE, il y a 4 années

    Bonjour,
    Je profite du confinement pour découvrir votre article. L’exercice n’est pas évident de faire le tour des critères et d’expliquer la méthode en quelques paragraphe.

    Votre article est assez clair et permettra aux clients de bien comprendre cette méthode par comparaison le plus utilisée comme vous le précisez d’ailleurs dans votre papier, elle est aussi assez appréciée par les juges.

    En revanche, cette méthode n’est pas toujours facile à mettre en application sur certain secteur, je parle de La Réunion où j’exerce depuis plusieurs années, où nous rencontrons souvent des biens atypiques.

    Je regrette que vous n’ayez pas développer l’importance du terrain d’assiette et des risques naturels inondation, mouvement de terrain… ainsi que des servitudes privées et publiques. Cependant, je vous félicite pour votre article. Bravo !

    Christophe expert en évaluation immobilière

  • Par Cabinet Formery, il y a 4 années

    Merci pour cet article bien détaillé et ouvrant sur les autres méthodes d’évaluation bien souvent nécessaires et dans certains cas celles appropriées.
    Bonne journée.
    https://www.expert-immobilier-bordeaux-metropole.com/

  • Par Caroline THEUIL, il y a 5 années

    Bonjour l’équipe d’Abrinature Immobilier,
    Je vous remercie tout d’abord pour l’intérêt que vous portez à mes articles. Je vous remercie également pour votre intervention très pertinente.
    Bonne journée

  • Par Caroline THEUIL, il y a 5 années

    Bonjour Jacques
    Et merci tout d’abord pour l’intérêt que vous portez à mon travail.
    Vous le soulignez à juste titre, mon article est plutôt incomplet. Mais gardons à l’esprit qu’il s’agit d’un article de presse qui s’inscrit dans une série d’articles sur le thème des méthodes d’évaluation. Mes prochains écrits devraient répondre à vos attentes : les meilleures choses ont besoin de patience…
    Bonne journée et à très bientôt

  • Par baggio, il y a 5 années

    c’est pas faux, nous faisons des estimations/avis de valeur, presque tous les jours, et souvent, c’est assez difficile de trouver les biens idéals pour comparer, soit les ventes sont trop anciennes, soit les biens sont trop différents, etc, on se base sur le prix moyen du secteur, par secteur, on essaie de coller au plus juste à la conjoncture, car lorsque la demande est atone, les prix baissent……

  • Par LUMBROSO, il y a 5 années

    Bonjour et merci pour votre article sur le thème de l’évaluation immobilière au moment où la compétence expertale pourrait être de plus en plus affirmée.
    En effet la base de données de références étant désormais accessible, les experts, souvent tributaires des sources notariales, qui reste malheureusement encore plus qualitatives, vont pouvoir exercer leur activité avec beaucoup plus d’assurance .
    Je me permets toutefois de regretter que votre article n’aborde pas de façon plus réaliste et concrète les différentes approches méthodologiques. Rien sur la mesure de la vétusté du bien et de son effet induit sur la comparaison avec les éléments de références, Rien sur l’approche de la valeur intrinsèque du  bâti, Rien sur la méthodologie d’évaluation des terrains, si ce n’est qu’un rapide exposé sur la comparaison directe bien trop insuffisante, Rien sur l’exposé des autres méthodes, certaines de recoupement mais au combien utiles à l’expert.
    Vous avez raison la méthode par capitalisation prend une importance de plus en plus significative. L’expert va pouvoir ainsi par sa juste appréciation du taux et de ses composantes, pouvoir souligner sa compétence auprès de ses clients et leurs offrir une diversité d’approche méthodologique au combien indispensable.
    A bientôt de vous lire

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